Chapitre 1 : La fille aux cheveux de glace

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En l'an 1513 de l'ère vampirique, le monde suit une longue période de paix. Toutes les nations vivent et vont de bon train et habitent pour la plupart en bons termes avec les unes avec les autres. Il n'y a qu'une branche de créatures surnaturelles qui demeurent cachées dans le plus grand des secrets. On les appelle les élémentalistes. Et c'est bien de cette famille recluse au fin fond de nulle part à laquelle j'appartiens. Je vais vous résumer très brièvement le pourquoi du comment.Les élémentalistes sont supposés avoir disparu après la rébellion ayant eu lieu il y a plusieurs siècles, de cela, déjà. Trop loin pour juger depuis quand cela est-il le cas avec exactitude ? Tout ce que je sais, c'est que je n'existerais pas d'ordinaire dans ce monde. Notre isolement nous permet de vivre paisiblement ensemble. Mais malheureusement, la lignée est vouée à s'éteindre si nous ne réagissons rien. C'est pourquoi mon père a décidé de s'investir pour le roi de mon pays. Le tout en cachant sa nature et se faisant passer comme un véritable humain. Mais tout a changé du jour au lendemain et je vais vous raconter mon histoire, celle qui m'a permis de devenir celle que je suis maintenant et de marcher au côté de l'homme le plus puissant et... Je me perds, vous le découvrirez bien assez vite dans le fond. Hivernelle.Hivernelle, c'est bien mon nom, celui que m'a donné ma mère à ma naissance il y a neuf ans. J'ai toujours été enfermée dans ce manoir perdu au milieu de la froide et douce chaleur de décembre. Le paysage qui m'entoure reste le même que les trois-quarts de l'année. C'est-à-dire blanc et glacé, mais pour moi, je le trouve très réconfortant. Je me suis confortablement installée sur le rebord d'une fenêtre et contemple la neige tombant en continu. Cette paisible progression des flocons me fascine. Ils semblent libres de leurs mouvements, glissent avec une légèreté incroyable et se déposent délicatement les uns sur les autres sans se compresser. Captive dans mon admiration, je n'entends pas tout de suite mon frère s'approcher et m'appeler. Ce n'est que lorsqu'il appuie sa main sur mon épaule que je me reprends et le dévisage sans comprendre.<< — Ma sœur, n'as-tu donc rien d'autre de plus important à faire que de contempler le paysage toute ta journée ? Mère te cherche depuis une heure pour ton cours de langue.— Vois-tu mon frère, il n'y a rien de plus agréable que de regarder la liberté sous sa forme la plus belle ? Mais j'entends bien que tu ne sois pas enclin à le comprendre pour le moment. Puis-je avoir un jour ton point de vue sur ce spectacle parmi les plus envoûtants ? lui répondis-je simplement sans détourner mon attention de la fenêtre.— Hivernelle tu finiras par devenir folle si tu crois que c'est la liberté, elle n'y ressemble en aucun point. Je ne vois pas en quoi ces flocons sont plus en libertés que nous ici dans ce manoir. Ils terminent par s'écraser au sol et fondent avec les chauds rayons du soleil, rétorque-t-il en soupirant.— Alors qu'est-ce donc la liberté ? le question-je en le fixant cette fois-ci. — Je ne me pense pas capable de te l'expliquer, car c'est très vague et cela dépend de l'individu, mais j'imagine que notre aîné pourrait le faire à ma place. Il a bien plus de connaissances que moi à ce sujet, tu le sais bien. — Je ne veux pas le déranger, il a déjà assez à faire avec notre père pour reprendre la relève et les accords de mariage engagé avec la fille d'un des collègues de ce dernier. J'essayerai de lui en parler ce soir, peut-être qu'il aura deux minutes pour m'en converser, qu'en penses-tu ? me proposa-t-il. — Pourquoi pas après tout, qui ne tente rien n'a rien. Je m'excuse auprès de lui, car il ne faut pas que je laisse patienter ma mère qui me cherche depuis une heure. Je descends de ma place et me dirige vers le salon où je la trouve assise les bras croisés et le regard noir. Je ne sais pas où me mettre. Son chignon est tiré à quatre épingles et sa longue robe est bien lissée. Elle a une prestance incroyable. Elle n'est pas reine ou quoi que ce soit, mais elle en à l'étoffe, il est clair. Après qu'elle prit un moment de me faire la morale sur mon retard, elle m'a donné mon cours qui s'est déroulé dans un calme olympien. Le reste de l'après-midi fut rythmé par mes leçons et quelque temps libre. Le soir venu, toute ma famille se retrouve autour de la table pour prendre le dîner. Mon père se met en bout de cette dernière et ma mère est à l'opposé. Je m'installe à côté de mon frère et en face de ma sœur. Elle me lance un regard plein de haine puis sourit au reste des membres de mon entourage. En soi, elle et moi, on est un peu comme chien et chat, nous sommes tout bonnement incapables de nous entendre. Mon père décide de briser le silence en s'adressant à mon grand-frère. — Alors mon fils, comment te sens-tu après cette bonne journée de travail ? En s'adressant à mon grand frère de sa voix forte. — Je me sens un peu fatigué père, mais je peux encore continuer sans problème. Répondit Printium en prenant une nouvelle bouchée de son plat. — Au moins, notre grand frère chéri fait quelque chose d'utile contrairement à une certaine personne assise à cette table. Je g ça, je ne dis rien, coupa ma sœur en me regardant d'un œil mauvais et un sourire malicieux sur le visage. — Éténa ! Tu n'as pas à parler ainsi de ta sœur qui plus est en sa présence ! gronda notre mère. — Ne vous en faites pas mère, je commence à avoir l'habitude de son insolence et de son idiotie, les paroles de ma sœur ne m'atteignent plus. De plus, elle ne fait rien de plus que moi contrairement à son sous-entendu. Alors oui du haut de mes neuf ans, je ne suis pas très utile. Aux dernières nouvelles bien qu'elle soit plus âgée, elle ne l'est pas plus, rétorqué-je d'une voix douce et posée dans le seul but de montrer mon indifférence. — Voyez-vous comme elle est insolente envers sa sœur aînée ! dit-elle en commençant à lever la voix. — Il suffit ! Je ne veux pas de dispute à cette table, Éténa, tu t'excuses immédiatement auprès de ta sœur, et toi aussi Hivernelle, ce n'est pas ainsi que nous vous avons éduquées, jeunes filles. Quant à vous, madame, je vous prierais de ne plus élever la voix à ma place, je suis le chef de cette famille, est-ce bien clair ! Mon père gronda et tout le monde se tut sur le coup. — Oui père... Pardonne-moi Éténa, je n'avais pas à dire ses paroles, elles ont dépassé ma pensée. — Pardon.— Bien reprenons le repas. — Dit grand frère, je voudrais savoir si tu as un peu de temps après le repas. J'aimerais te poser des questions. Autauno a prétendu que ça peut être un peu long à expliquer... déclaré-je en me lançant sur le sujet qui me trotte dans la tête depuis ma discussion avec lui ? — Et bien, je peux trouver un peu de temps à t'accorder, j'imagine, réfléchit-il avant d'ajouter, vient vers vingt heures, je pense que je serai disponible plus facilement. — D'accord merci mon frère. Le repas se finit sur une note plus calme et sans aucune autre altercation entre moi et ma sœur. En revanche, j'ai bien remarqué que quelque chose ne tourne pas rond. Ma mère n'a pas décroché un mot du dîner et une forte tension s'est installée entre elle et mon père. Mais je suis trop jeune pour dire quoi que ce soit. J'aide à débarrasser la table et pars dans ma chambre pour enfiler ma chemise de nuit. Après quoi, je retourne dans le bureau de mon grand frère où il travaille encore à cette heure tardive. Ne prend-il donc jamais de pause ? Et telle une enfant à qui l'on a promis une montagne de gâteaux, je vais, enjouée, le rejoindre pour finalement avoir les réponses à mes questions. Enfin, je l'espère tout du moins. Alors que je frappe doucement à la porte, sa voix m'invite à entrer. — Hivernelle, comment s'est passée ta journée ? — Comme toutes les autres à vrai dire. La vie ici est ennuyeuse, je ne sors jamais même pas dans le jardin et je passe mes après-midi avec mère pour faire mes leçons qui me serviront à, je ne sais quoi. — Il est important d'étudier sinon comment tu pourras lire des histoires à tes enfants, ou même les aider dans leur propre éducation. Tu sais au départ moi non plus je n'aimais pas travailler, mais on est obligé si l'on veut s'intégrer dans la société. Et plus tu es intelligente, plus tu deviens crédible aux yeux des personnes qui t'entourent, entreprend-il de me faire comprendre. — Oui enfin toi, tu es un garçon ce n'est pas mon cas. Qui veut d'une fille intelligente et qui pense ? répondis-je en croisant les bras. — Moi, j'aimerais bien. Parler à une greluche toute la journée ne m'intéresse pas. Si l'on ne peut pas avoir de discussion constructive alors à quoi bon ? Autant faire la conversation à un âne. — Si tu le dis. Enfin, ce n'est pas pour ça que je suis là. En fait, en début d'après-midi, j'ai discuté avec Autauno, et l'on parlait de la liberté. Pour lui les flocons de neige ne sont pas libres, mais je pense le contraire, ils virevoltent au gré du vent et ne paraissent attachés à rien de ce qui les entoure. — La notion de liberté est parfois difficile à cerner. Mais en soi, vous avez tous les deux raison. Ton frère marque un point, car les flocons vont dépendre du vent et de bien d'autres facteurs complexes pour se former et se déplacer. Mais dans un sens, il est souverain de mener sa petite vie et de se poser où il le souhaite plus ou moins. — C'est assez étrange comme réponse. Tu me dis oui et non, ce n'est pas très clair pour moi.— Il n'y a pas de réponse binaire, oui ou non, si tu préfères, en soi tout est une question de point de vue particulier. Chaque personne perçoit les choses différemment et c'est ce qui fait la diversité de notre monde ainsi que sa richesse. Enfin, il se fait tard, tu devrais aller te coucher sinon mère sera furieuse. Je lui fais un bisou sur la joue et sors de son bureau. Je ne comprends pas les paroles de mon frère, mais je suis sûr d'une chose, la réflexion est importante et ne pas juger les autres par un avis différent l'est tout autant. Allongée dans mon lit la tête dans les étoiles, je m'endors paisiblement dans un monde sans rêve. L'obscurité me ramenant au fin fond du néant. C'est ainsi que le temps passe et environ une dizaine de jours plus tard, mon père annonce qu'il doit partir pour une période indéterminée sur la demande du roi. Je ne suis pas franchement heureuse de le savoir loin alors que je vais bientôt fêter mon dixième anniversaire, mais il n'a pas le choix. Je le revois, la mine un peu triste, s'approcher de nous. — Mon cher Printium, aide ta mère à commander à la maison, surveille tes frères et sœurs, mais n'oublie pas de faire tes devoirs en tant que successeur de la famille Valkyria von Dracula, entendue.— Pour sûr mon père, je suivrai vos conseils et ne vous décevrai pas. — Bien. Quant à toi, mon petit ange de glace, tu m'as souvent posé des questions sur la liberté et le monde extérieur, malheureusement, je n'ai jamais su te donner une explication. Cependant, je te promets qu'à tes dix ans, je t'emmènerais dans un endroit qui sera probablement capable d'y répondre. — D'accord père, mais si je puis me permettre mon anniversaire est la semaine prochaine, et je ne pense pas que vous serez de retour d'ici là. Comment comptez-vous honorer votre promesse ?— Et voilà, elle recommence, elle ne pense qu'à elle, c'est vraiment une petite peste pourrie gâtée. — Éténa ! Tes crises de jalousie envers ta sœur sont intolérables, ça suffit maintenant, qui est la plus âgée de vous deux, et à qui avons-nous le plus souvent cédé au caprice enfantin ? D'autant plus qu'elle a raison, j'ai donc préparé ses bagages pour qu'elle puisse venir avec moi. — Père...— Père, je pense qu'il est préférable qu'elle reste ici.— Je le sais bien Printium, mais je ne peux pas la laisser dans ce flou total, elle a une soif de découverte incroyable et le mérite bien tout de même. Je pense que tu t'inquiètes pour elle et que tu y tiens comme à la prunelle de tes yeux, mais elle sera en sécurité avec moi, personne ne lui touchera un seul de ses cheveux. Il est également temps qu'elle apprenne d'elle-même. — Très bien, je ne m'y opposerai pas. Je vous fais confiance, père.— Hivernelle, dis leur au revoir et rejoins-moi dans la calèche dehors. Ni une ni deux, j'attrape mon plus grand frère par le cou et le serre très fort dans mes bras. Il me rend mon étreinte et je continue de saluer tout le monde. Même Éténa, finalement, je vais avoir des vacances sans qu'elle soit dans mes pattes donc ce n'est pas plus mal. Ma cape enfilée et mes chaussures de neiges aux pieds, je cours rejoindre mon père qui m'attend patiemment. Un sourire est accroché à ma bouille. Rien ne peut me rendre plus heureuse que d'enfin pouvoir sortir de cette prison dorée qu'est le manoir. Juste avant de s'en aller, ma mère s'approche de moi et me tend un petit sachet. Elle a un rictus triste sur le visage, mais je ne relève pas. Je lui fais un énième câlin pour la remercier et l'ouvre sous ses yeux. C'est un pendentif en forme de goutte ornée d'une pierre turquoise au centre. Je la serre encore une fois dans mes bras et par la suite, nous sommes réellement partis pour un voyage d'environ deux semaines rien que pour rejoindre la ville du roi. Alors que j'enfile mon collier, je vois le regard insistant de mon père sur moi. Visiblement, il n'était pas au courant du cadeau de ma mère, mais bon. Je me tourne vers lui un sourire aux lèvres une fois que j'ai attaché le bijou. Il a des étoiles dans les yeux et je peux voir une profonde fierté. Les jours passent paisiblement. Je suis fascinée par le monde qui m'entoure. Tout est nouveau, les villages que nous avons traversés, les auberges où nous nous sommes arrêtés, tout compte fait la vie s'ouvre enfin à moi. Le soir de mon anniversaire, mon père a décidé de s'arrêter dans une auberge légèrement plus chic que celle à l'accoutumé. Nous nous sommes installés tous les deux à une table un peu à l'écart et nous discutons de tout et de rien. Lorsque le dessert arrive, il me tend un mince sachet bien emballé avec une petite étiquette et mon prénom écrit dessus. J'ai dénoué délicatement le fin ruban pour l'ouvrir. À l'intérieur se trouve une broche à cheveux qui brille de mille feux. Elle est en or blanc sur lequel s'entreposèrent des minuscules flocons faits avec des diamants aux reflets bleutés. Je suis fascinée. — Je... Je ne sais pas quoi dire, elle est vraiment très belle, je vous remercie père. — Je sais que d'ordinaire, tu n'es pas amatrice de ce genre de bijou, mais je ne pouvais pas m'imaginer la voir portée sur une autre fille que toi. Elle te va à merveille. — Elle est tellement magnifique que je ne peux que l'accepter père. Merci, merci beaucoup !— Il fait bon de voir sourire ainsi, tu semblais si triste ces derniers temps. J'en avais vraiment le cœur brisé. Tes silences, tes absences, tout ce qui faisait que tu n'étais pas vraiment attachée à la réalité m'anéantissaient de l'intérieur. — Je n'étais pas triste père, je dirais que j'étais plutôt mélancolique en soi. Ce monde me paraissait si loin et totalement étranger. Je suis désolée si je vous ai inquiété, je ne recommencerai plus, je vous le promets. La soirée se termine et je suis partie me coucher pour être en forme pour demain. Nous allons emprunter un chemin dangereux et fatigant, il vaut mieux que j'aie des forces pour tenir la journée. Mes songes sont faits de petits flocons de neige, de gouttes brillantes et du sourire éclatant de mon père. Jamais je ne l'avais vu si heureux de passer du temps en ma compagnie. Le matin du jour suivant, nous sommes partis de bonne heure pour arriver à mi-parcours avant la nuit. Je suis un peu en retard et je n'ai pas eu le temps de m'attacher les cheveux. Une fois en route et bien installé à l'avant, je relève ma chevelure d'un geste souple et habile pour me faire une queue-de-cheval et la maintenir par la broche. Ma tignasse mi-libre flotte au vent et la douce brise caresse mon visage. Le soleil pointe haut dans le ciel et nous avons décidé de manger tout en continuant notre périple. Pendant que je suis baissée, mon regard fouillant dans la sacoche, j'entends un bruit de graillonnements. Aussitôt, j'ai redressé la tête et ai vu mon père transpercé au niveau du cou par une flèche fine et rustique. Paniquée, j'ai tiré les rennes des chevaux pour les arrêter et comprendre la scène qui est en train de se dérouler. Je me suis approchée de mon paternel et lui hurle dessus pour avoir sa réponse, mais en vain. Aucun son ne sort de sa bouche. La terreur me gagne et je ne sais pas quoi faire. Alors que je me suis retournée, je suis tombée nez à nez avec une paire d'yeux injectés de sang. Ma voix se bloque sur le coup, mais un instant après, je braille comme une sauvagesse et tente de me débattre de l'homme qui m'a saisi par le bras. Ils sont trois l'un s'empare des chevaux, un autre de nos provisions et affaires pendant que le dernier m'assene d'un violent coup dans le ventre ce qui me fait perdre connaissance. À demi consciente je sens que je suis sur un cheval qui marche, mais je suis incapable de savoir où exactement. Mes mains et mes pieds sont quant à eux liés et je ne peux pas bouger au risque qu'une violente douleur me transperce le corps. Une fois totalement consciente, j'ai dû me rendre à l'évidence, nous ne sommes plus du tout sur le bon chemin. Je suis belle et bien prisonnière de ses monstres, ses assassins. Je n'ai même pas de mot pour décrire ses immondes créatures. Prise d'une panique soudaine, je vérifie que j'ai toujours mes bijoux qui me sont, en si peu de temps certes, devenus précieux...

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