10. Denitsa

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La voiture avançait à une vitesse régulière. Le turbo vrombit lorsque je dépassais quelqu'un. Le jour commençait à se coucher. On avait bien avancé dans notre périple improvisé. On s'était arrêté ce midi même à Tarragona puis à Salou enfin quelque chose comme ça. Rayane ne parlait pas beaucoup et je savais parfaitement que quelque chose le chiffonnait. Je le connaissais suffisamment pour savoir qu'il est toujours de bonne humeur. Mais je ne le connaissais pas assez pour deviner de quoi il s'agissait. Et malheureusement il ne me disait toujours pas ce qu'il avait. On terminait le soir venu dans une ville que j'attendais avec impatience : Madrid. C'était donc la capitale d'Espagne officiellement même si on en était pas vraiment certain lorsqu'on était dans les ruelles de Barcelone. La Catalogne était une région à part entière du pays. Limite indépendante. Et franchement ça se ressentait. Madrid était dans les profondes terres de l'Espagne, pile en son centre. Je ne savais pas exactement pourquoi Rayane voulait aller à Séville mais si ça pouvait lui faire plaisir et puis pourquoi pas ? Il n'avait posé aucune objection à venir avec moi à Barcelone, c'était moi qui avait quasiment décidé de toutes les destinations. En arrivant le soir aux alentours de.. Dix huit heures je crois, les ruelles étaient bien animées. On avait prit l'habitude que dans ce pays tout était décalé au niveau des horaires. Et Rayane dormait dans la voiture depuis presque deux bonnes heures. Je m'arrêtais à un endroit que j'avais demandé au gps. Quelque chose enfin un endroit qui allait m'apporter quelque chose. Et qui j'en étais certaine allait faire plaisir à mon compagnon de voyage. Je me stoppais devant la petite boutique dis bonjour et rapidement lui expliquais avec un espagnol très approximatif et des gestes ici et là que je désirais lui acheter une guitare sèche. Celle que j'avais remarqué immédiatement en vitrine était maintenant la sienne. Et le prix du vendeur était le mien. J'estimais que le sourire de Rayane valait plus que n'importe quel argent du monde. En sortant, Rayane dormait toujours avec une tête de bébé que j'avoue ne pas me lasser. Je plaçais l'objet en question dans le coffre bien rangée dans son étui et reprenais le volant à la recherche vigoureuse d'un hôtel dans le coin. C'était pas gagné. J'en trouvais un finalement qui était potable je dirais, dans mes prix, je payais deux chambres pour une nuit et retournais voir Rayane dans la voiture. Quelle marmotte celui-là.
'' - Allez le dormeur on descend. '' il se réveillait en sursaut et regardait autour de lui. Entièrement paumé.
'' - Où est ce qu'on est ?
- A Madrid monsieur. L'hôtel n'est pas mal et pas très cher.
- Tu n'as pas osé me payer une chambre d'hôtel Denitsa ?
- Si pourquoi ?
- J'vais te tuer.
- Je tremble. Allez viens je suis crevée et je meurs de faim. '' il sortait de la voiture et entrait dans l'hôtel avec son sac à ma main. Je prenais le mien dans une main et l'étui dans l'autre. Il allait me tuer. Mais c'était pour la bonne cause. En arrivant dans nos chambres respectives et après avoir pris ma douche je frappais à sa porte. C'était peut-être le moment de lui donner cette guitare ?
'' - Entre.
- Tu n'es pas à poil c'est bon ?
- Je suis si hideux à tes yeux ?
- Quoi ? Non bien sûr que non. '' il souriait, fier de ma réponse. Je baissais les yeux quelques secondes avant de rentrer entièrement dans la pièce. Je portais l'étui dans mon dos mais j'étais petite alors ce subterfuge ne fonctionna pas bien longtemps.
'' - T'as quoi dans le dos ?
- Un petit cadeau.
- P'tit cadeau ? '' je sortais l'objet de sa cachette et la lui tendais. Il resta bouche bée quelques secondes avant de replonger ses yeux dans les miens ; des larmes aux coins des yeux. Je crois que j'ai tapé dans le mille.
'' - Oh Denitsa...
- Ça te rappellera les moments que tu avais avec ton père. '' il pleurait presque à présent. Whoua.
'' - Merci. Vraiment, merci. '' il s'approchait de moi et me serrais dans ses bras. Prit l'étui et s'assit sur son lit. Il sortait la guitare de son emballage. Quelques larmes tombaient sur le bois de l'instrument. J'étais sûrement aussi émue que lui. Voir un homme pleurer me faisait toujours plus d'effets qu'une femme. Ne me demandez pas pourquoi je n'en ai aucune idée. L'image qu'un homme puisse être sensible me faisait toujours craquer. C'était plus fort que moi. Et là il pleurait de joie. C'était encore plus émouvant à mes yeux.
'' - Je ne sais pas comment te remercier. '' je riais nerveusement me remémorant la façon par laquelle il m'avait remercié la dernière fois. Je ne demandais qu'une seule chose : qu'il recommence.
'' - Un jour je t'apprendrais. Je serais avec toi, du début à la fin. '' il avait incliné la tête au plein milieu de sa phrase. Cette phrase était pleine de sous-entendus mais je n'étais pas certaine de bien les interpréter. Je m'imaginais pratiquement assise sur ses genoux, frottant les cordes de mes doigts avec les siens posés par dessus. J'avalais difficilement ma salive. Il riait d'un rire rauque et sexy. J'allais tourner de l'œil s'il continuait à rire de cette façon...
'' - Je vois que l'idée ne te déplaît pas.
- Rien à voir. J'étais en train de penser que demain on avait encore de la route à faire avant d'arriver à Séville, les paysages sont vraiment splendides. C'est très excitant.
- Ce n'est pas ça qui t'excites.
- Ce n'est pas toi en tout cas.
- Si tu le dis. '' A présent ses baskets touchaient le bout de mes tongs.
'' - Tu pensais à moi.
- Je ne crois pas non. Je ne pense jamais à toi.
- Tu mens très mal Denitsa.
- Et toi tu as la grosse tête. On dirait les copains de mon ancienne meilleure amie. Et ce n'est pas un compliment.
- Si tu le dis, mais je sais à quoi m'en tenir. '' il s'approchait. Frôlait ma joue de ses lèvres brûlantes manquant de me faire faire une crise cardiaque.
'' - Tu vois tu es toute rouge alors que je t'ai à peine effleuré.
- Ça n'a rien à voir. C'est à cause des coups de soleil.
- Tu n'as pas de coup de soleil.  '' je lui donnais une petite claque sur son bras. Du moins, j'essayais. Mais il m'attrapait le bras dans un mouvement précis que je ne vis pas venir. Bon...
'' - Ce n'est pas bien de frapper les gens. Te bercer d'illusions non plus. '' j'étais tentée entre le claquer et lui arracher ses vêtements.
'' - Tu t'entends parler ? C'est toi qui m'a dit que tu regrettais de m'avoir embrassé, je te rappelle... Alors pourquoi je perdrais mon temps à penser à toi ? J'ai d'autres choses à penser actuellement. '' j'avais commis une erreur et je le voyais presque immédiatement. J'ignorais à quoi il pensait mais l'intensité de ses yeux émeraudes me consumait de l'intérieur. On était passé des taquineries inoffensives à des réparties pleines de mauvaises fois. Parce que tout ce que je lui avais dit n'était que de la merde. Toute trace d'humour avait déserté son expression. Il était plutôt étonné. Voir désarçonné.
'' - Je n'ai jamais dit que je regrettais de t'avoir embrassé.
- Je suis pourtant certaine du contraire. '' ses pupilles devenaient de plus en plus claires, comme si le diamant qui était dans ses yeux commençait à fondre.
'' - Et moi je suis certain que non. '' il accompagnait ses mots d'un geste négatif de la tête. J'suis totalement paumée, j'étais censée répondre quoi à ça ?
'' - Je ne regrette rien.
- Non ?
- Non. Je devrais, putain j'aimerais que ce soit aussi facile.
- Pas moi. Je ne le regrette pas du tout. '' il me dévisagea un instant, ses mains tremblaient autour de mes poignets. Puis il tendit le bras pour mettre de la distance entre nous. J'aurais encore mieux fait de la fermer.
'' - Et puis merde ! '' sa voix était rauque et accompagnait son geste qui me rapprochait de lui violemment. Rayane inclina la tête et sa bouche trouva la mienne avant même que j'assimile ce qu'il se passait. Mon esprit avait du mal à suivre. Mais il était en train de m'embrasser. Bordel. Ses lèvres bougeaient contre les miennes et il n'y avait rien de tendre ou de doux dans ce baiser. Il ne me fallu que quelques secondes pour m'embraser de la tête aux pieds. Sans détacher sa bouche de la mienne, il prit mon visage entre ses mains et pencha la tête en arrière. Je me mis que la pointe des pieds. Posais mes deux paumes à plat sur son torse. Sous mes doigts, son cœur battait aussi fort que le mien. Il frissonna tandis qu'il écartait les doigts. Et je crois que c'est à cet instant précis que j'avais arrêté de respirer.
Alors il approfondit le baiser, me goûtant, me faisant sienne... Et me libérant en même temps. Ce baiser n'avait rien à voir avec celui de Rosas. C'était incomparable. Un gémissement rauque presque primitif s'échappa de ma poitrine. Il l'avala. Mon cœur se gonfla jusqu'au bord de l'explosion. Il resserra sa prise sur mes hanches puis le souleva dans un mouvement. J'encerclais ses hanches de mes jambes et m'accrochais à son cou jusqu'à qu'il m'allonge avec lui dans son lit. Je ne rêvais pas au moins ?
'' - Merde... '' j'entendais vaguement derrière la porte une femme crier en espagnol qu'elle apportait notre nourriture. Putain. Rayane se reculât, se décolla de moi, me laissant seule et totalement à bout. On avait perdu le contrôle de la situation et j'le savais déjà d'avance : j'allais le payer dans les secondes qui suivaient.
'' - Putain Deni.. ça... Ça doit plus se reproduire. '' et il se retourna et s'éloigna vers la porte.

Le lendemain je me réveillais seule dans mon lit. Seule et toujours aussi blessée. J'avais vraiment cette sensation de merde que je n'étais rien pour Rayane. Que notre relation évoluait en fonction de ses pulsions orgasmiques d'homme. Mais moi je souhaitais pas que ce soit comme ça. Je voulais pas le rôle de la femme objet qui serait là uniquement quand son mec en aurait besoin. Moi j'attendais pas ça. J'espérais qu'un homme soit tout à moi. Et là je ne réalisais pas Franchement ? Pourquoi faire tout ça, me faire croire à tant de jolies paroles pour finalement me retourner comme une crêpe et me renvoyer dans ma chambre ? Je l'entendais gratter les cordes de sa guitare. Je distinguais sa voix créer une mélodie qui me plaisait déjà. Les événements de la veille restaient gravés dans ma mémoire. J'en avais marre et je savais pas si j'allais de nouveau lui adresser la parole. Non mais pour qui il me prenait sérieusement ? J'en ai marre. Putain.

J'attendais contre la voiture que Rayane veuille sortir de sa chambre pour venir me rejoindre. J'ai même bien cru à un instant qu'il allait pas venir. Mais non, un beau brun traversait le parking, son sac jeté sur son épaule et un sourire ravageur plaqué sur ses lèvres. Je ne disais rien. Blessée. Quoi j'en avais toutes les raisons non ? J'étais également partie de Paris car j'en avais marre qu'on me prenne pour une conne, que les hommes me prennent pour une conne. Et là je faisais quoi au juste ? J'étais en train de voyager avec un homme, j'étais lamentablement en train de tomber amoureuse de lui, même si je ne l'avouerais probablement jamais. J'étais en train de construire ma nouvelle vie autour d'un homme qui lui aussi me prenait pour une conne, à croire que je les attirais. Que c'était le mode opératoire avec moi. J'avais la poisse ou quoi ? Non seulement je ne disais rien, je répondais rien à tout ce qu'il pouvait me dire mais une phrase, une seule allait me faire sortir de mes gons :
'' - C'est pour hier soir ? ''

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Coucou les amis. Nouveau chapitre, la suite que vous l'avez beaucoup beaucoup demandé. Je ne sais pas vous mais j'adore cette partie. Merci d'être de plus en plus nombreux et de commentée vraiment ça me touche vous pouvez pas savoir.
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LejosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant