19. Denitsa

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Des larmes perlaient aux coins de mes yeux. Je n'avais aucune envie de lui répondre de quoi que ce soit. Je m'en sentais pas capable. En ce moment j'me sentais capable de rien du tout. Mes yeux se fermaient tous seuls. Je sentais la crise d'angoisse refaire surface, elle allait exploser si je m'en allais pas immédiatement. J'avais pas envie d'me donner plus en spectacle que c'était déjà fait. Je soufflais un bon coup. Il haussait un sourcil. Attendant une réponse que je pouvais pas lui donner. Je ne pouvais tout simplement pas être honnête avec lui, avec personne d'ailleurs. J'avais tout à faire avec lui et j'le savais parfaitement. J'me voilais juste la face. Pourtant la vérité était tellement évidente qu'elle était quasiment perceptible. Je devais partir d'ici tout de suite, avant que mon masque ne tombe en mille morceaux. J'avais besoin de cette carapace pour me protéger de lui. Protéger mon cœur de cet appel que Rayane me lançait chaque fois qu'il me regardait dans les yeux. Il avait des yeux magnifiques, mais ça ce n'est pas une nouveauté : tout est magnifique chez lui.

Heureusement qu'il ne pouvait pas lire dans ma tête parce qu'il m'aurait largement cramé depuis le début. J'aurais jamais pensé en le rencontrant dans ce bus qu'il allait prendre une telle place dans ma vie et surtout si rapidement. Ce n'était jamais arrivé avec personne. D'ailleurs il n'y avait jamais vraiment eu quelqu'un. Etienne est parti il y a longtemps et il a laissé cette marque en moi qui explique mon comportement d'aujourd'hui.
'' - J'men vais, pardonne moi Rayane. '' et c'est ce que je fis. Je partais, j'pouvais pas rester une seconde de plus en face de lui à être à la limite insoutenable de savoir si j'allais ou non craquer devant lui. Apparemment il baissait les armes puisqu'il n'insista pas plus. C'est con comme j'suis égoïste parce que quelque part j'espérais vraiment qu'il allait me suivre. Mais il n'en fut rien. On partait chacun de notre côté sans plus s'adresser un regard.

Mon cœur se soulève de manière incontrôlable manquant plusieurs battements à l'appel. J'le savais, j'aurais dû m'en douter depuis le début. J'ai réellement cru qu'il n'était pas comme les autres. J'ai tellement cru que son sourire n'équivalait aucun autre. J'ai tellement cru qu'on était fait l'un pour l'autre quelque part. Apparemment ça sera pour dans un autre monde, mais pas celui ci.
Ma poitrine s'écrasait dans le fond de ma cage thoracique.

Rayane n'était qu'un menteur.

Finalement il ne valait pas mieux qu'un autre. Sauf que lui il possédait mon cœur. Devant le studio se tenait Rayane, une fille pendue sur le bout de ses lèvres. Il ne la repousse même pas. En une fraction de seconde je suis décomposée. Je sais que quelque part c'est de ma faute : à force de le rejeter il avait finit par se tourner vers quelqu'un d'autre. Comment lui en vouloir dans un sens ?
Mais c'était totalement plus fort que moi, Rayane m'avait volé ce que j'avais de plus cher : mon cœur, c'est tout ce qu'il me restait avant qu'il ne rentre dans ma vie. À ce moment là j'avais cru que je ne pouvais pas être plus au fond du trou que dans lequel j'étais avant de voir cette scène. Finalement si. J'étais parti dans un monde parallèle où j'avais l'impression de brûler de l'intérieur. Je l'avais perdu, un temps soit il que je l'avais déjà eu au moins une fois rien qu'à moi. C'était si claire entre nous quand on s'est connu qu'est ce qu'on a foutu pour que ça parte en vrille de cette manière ? Je sentais le faussée entre nous se creuser davantage. Je crois que j'arriverais jamais à comprendre comment s'est fini, comment tout a changé en si peu de temps, comment tout s'est effondré. Les larmes coulaient sur mes joues et cette fois ci je ne les retenais pas, de toute façon elles dévalaient déjà sur le sol et le long de mon cou. Je marchais tellement vite dans la rue que je ne savais pas vraiment comment mes jambes supportaient encore mon poids. En arrivant dans mon minuscule studio je sentais presque que j'étouffais j'avais besoin de sortir ces foutues émotions qui rendraient coincées au fond de mon ventre. Je prenais la première bouteille d'alcool que je trouvais dans mon appartement. C'était rien d'autre qu'un alcool fort qui allait me faire tout oublier pendant quelques heures. J'avais envie d'me défoncer tellement j'men voulais. Si notre relation était telle aujourd'hui ce n'était que de ma faute. J'ouvrais la bouteille, celle qui allait me rendre heureuse pour quelques heures. Je savais que c'était pas la bonne solution. Jamais je n'avais été comme ça. Rayane me rend accro. Il me transforme et j'aime pas ça. J'deviens accro à lui, le soleil de ma vie c'est lui et personne d'autre. Mais j'ai perdu mon soleil alors je cherche une sorte de lumière artificielle. De toute façon j'ai toujours été persuadée qu'il méritait mieux que moi. Cette fille qui l'embrassait n'était pas du tout comme moi. En fait elle était carrément mon opposé. Et c'est sûrement ça qui lui a plu chez lui. J'ai du le dégoûter des petites brunes. J'arrive bien à le comprendre d'ailleurs. Des filles comme moi quand on en a connu on en veut plus. Ma bouteille se vidait, vite trop vite sûrement, j'enchainais les gorgées, assise devant ma table basse, les yeux remplis de larmes, les joues recouvertes de maquillage noir. J'étais si seule que j'pensais pas pouvoir être plus mal. J'peux même pas boire pour oublier parce que même quand j'bois j'pense à toi. J'en ai marre d'être dépendante de toi. J'en ai marre d'être l'ombre de moi même chaque fois que j'te croise. J'suis réellement minable et en cet instant précis vraiment j'pensais pas que ça puisse être pire. Mon cœur s'arrêtait de battre fort pendant quelques secondes je cru enfin être débarrassée de cette douleur mais elle revint comme un boomerang. J'nous revoyais à Rosas, dans tellement de petits coins paumés. On était pas comme ça. Je n'étais pas comme ça. C'était si limpide. Si claire entre nous à la base. On se plaisait mais ça n'allait pas plus loin. On s'embrassait pour se donner des leçons mais il n'y avait jamais de sentiments. Et puis il y a eu Séville, et cette petite ville après Madrid dont j'ai oublié le nom. Rayane me manquait. C'était devenu ma drogue. Sans lui j'avais l'impression d'étouffer. Je plongeais dans le précipice qui m'ouvrait grand les bras. J'y allais tête baissée.

LejosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant