13. Rayane

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J'avais pas dormi de la nuit. J'avais fait que l'observer dormir sur mes genoux, totalement sous le charme. C'était ça le bon terme : sous le charme. Je comprenais juste pas pourquoi. En fait je faisais semblant de ne pas comprendre parce que c'était plus évident qu'un nez au milieu d'une figure. Ses cheveux étaient étalés sur le sol et collés à mon torse. Elle était roulée en boule sur le sol et se resserrait contre moi. Son corps était minuscule et paraissait si fragile. Si près de se casser qu'on avait envie de la couvrir comme dans un cocon. J'étais toujours aussi reconnaissant d'être la personne qu'elle était avec moi. Je savais pas comment lui rendre toute cette affection qu'elle me donnait. Et ses mots flottaient dans ma tête. Ils allaient me rendre dingue parce que je savais très bien que quand on est bourré on dit tout ce qu'on ose pas en temps normal. Elle avait peut être crié qu'elle regrettait son ex qui était décédé mais elle avait aussi dit qu'elle ne pensait plus à lui lorsqu'elle était avec moi. Et j'allais jamais le dire parce que ce n'est pas très moral mais moi quand sa présence est aussi forte qu'à présent je ne pense plus trop à mon père. Je ne pense pas qu'il sera bientôt enterré. Je ne pense à rien d'autre qu'à elle et franchement ça fait grave flipper. Je n'aurais jamais pensé qu'une personne était capable de me détourner de ma famille et surtout de mon père : la personne pour qui j'avais tout donné ces dernières années. Depuis que ma mère nous avait tourné le dos. Pour la première fois depuis que je me préoccupais plus de mon père que de moi, une femme, et ici pas n'importe laquelle me donnait enfin envie de vivre pour moi. Pour elle. Et ça c'est pas donné à tout le monde. Elle n'est pas comme les autres et ça je l'avais remarqué dés que j'avais posé mes yeux sur elle. Mais c'est pas pour autant que ce que je ressent pour elle va plus loin que de la reconnaissance. Jamais personne n'avait eu la main mise sur moi. Jamais personne n'avait su comment me voler mon cœur. Et si je ne regrettais absolument pas mon ancienne vie, je donnerais tout pour ne pas perdre celle que je venais d'acquérir. Cette vie où je suis plus tout seul, je l'aimais trop pour prendre le risque de la perdre. Même si je savais que je jouais avec le feu, que j'allais nous deux nous brûler. Mais j'étais assez égoïste pour ne pas en prendre compte. Je savais parfaitement que je ne pourrais pas l'aimer en retour. Que quand elle se réveillera je serais pas capable de lui dire tout ce que je suis en train de penser. Ouais j'suis un gros lâche. Non mais je compte faire quoi au juste ? La faire tomber amoureuse de moi, parce que je sais que c'est possible, que malheureusement ça peut arriver et la lâcher comme une merde quand tout ce voyage hors du temps sera terminé ? C'est ça le truc ? Je pensais pas que j'étais comme ça. Honnêtement je pensais que je valais mieux que ça. Apparemment j'me suis trompé. Apparemment je suis comme tous les autres, un gros con qui sait pas assumer ce qu'il fait et surtout qui sait pas s'occuper d'une femme qui veut s'accrocher à lui. J'ai tellement pas envie d'la faire souffrir que je sais pas comment je dois faire. Je cède je lui fais mal, je la repousse pareil, je dois faire quoi exactement ? Mettre les choses au clair n'est clairement pas dans mes capacités actuelles et je n'ai aucune envie d'me plier à une femme, j'ai aucune envie d'être docile et de m'laisser dicter ma vie une nouvelle fois. Je savais parfaitement que tout ça c'était de la faute à ma mère. Je savais que si elle ne m'avait pas tourné le dos je ne penserais pas comme maintenant. Je ne penserais pas que toutes les femmes, que plutôt aucune peut vraiment m'aimer pour ce que je suis et non pour qui je veux me faire passer. Je sais que j'ai juste peur, peur que toutes les femmes soient comme ma mère. J'ai la frousse qu'elles se servent de moi, de mon cœur. Et je sais que c'est cette foutue peur qui me bloque. Qui m'empêche de m'occuper d'une femme, comme Denitsa. Pourtant elle mérite tellement qu'un homme s'occupe d'elle, l'aime comme elle le mérite. Je pense pas être cet homme. Je pense pas être assez bien. La preuve : je lui fais mal quoi que je fasse. Je ne sais pas la rendre heureuse, alors comment je suis censé la protéger, l'aimer ou quoi que ce soir d'autre ? Je suis déjà pas capable de m'occuper de moi même. Elle remue sur mes genoux, sa tête termine collée contre mon ventre. Euh... son souffle chaud traverse mon t-shirt et mon short. J'ai chaud tout à coup. Je tremble presque. Elle resserre son emprise autour de moi et me sert dans ses bras. Elle sent bon, son odeur florale recouvre complètement l'aspect alcoolisé de la pièce. En fait j'avais tellement peur que j'étais déchiré entre le fait de prendre mes jambes à mon cou et celui de rester auprès d'elle comme elle le méritait.
'' - Pourquoi je sais pas faire ça Déni ? Pourquoi je sais pas aimer ? J'aimerais pouvoir te donner tout c'que tu mérites. J'aimerais remplacer ton ex dans ton esprit, j'aimerais soigner ton cœur de tout c'que t'as dû surmonter. Mais tu vois j'suis déjà pas capable de te dire tout ça alors que t'es éveillée, je suis qu'un gros lâche Denitsa. Alors je suis censé faire quoi ? Je sais pas quoi penser de ce qu'on ressent. Je sais même pas si je ressens quelque chose. Je suis tellement reconnaissant. Mais je sais pas si ça va plus loin. Je sais pas si je te mérite. Si tu mérites quelqu'un de mieux que moi. Qui sera pas le mec qui parle ou t'embrasse pendant ton sommeil parce qu'il a pas la volonté de le faire quand on est conscient. En fait j'suis tellement flippé. J'ai envie d'prendre mes jambes à mon cou. J'ai envie de m'enfuir à toute jambe et plus jamais de donner de nouvelles. Mais d'un autre côté j'peux déjà plus vivre sans toi. J'suis pas capable d'aimer. Et tu mérites mieux que ça. Mais quand j'te vois allongée sur mes genoux comme ça j'peux que te trouver magnifique. Et quand tu te ressers contre moi j'peux pas m'empêcher d'espérer que tu me retiendrais dans ta vie. Que peut-être je compte un peu pour toi. Mais j'suis pris dans les mailles de ton filet. Je sais pas quoi faire... je suis perdu. '' quelques larmes de frustration s'étaient échappées de mes yeux tombant sur sa joue. Elle remuait encore et ouvrait les yeux mais ne me regardait pas encore. Puis son regard plongea dans le mien. J'me sentais impuissant. Incompris. Perdu. Totalement paumé. Et puis finalement mon esprit purement masculin prenait le pas sur la raison lorsque les mots '' Couche avec moi '' avaient traversé ses lèvres. J'étais censé ne même pas la regarder et pas l'approcher. Mais je cédais lamentablement. Je sortais une vieille excuse, être à moi totalement, c'était la condition, je savais que de son côté si d'elle même m'avait proposé ça c'est qu'elle en avait envie. Non en fait le vrai problème c'était moi. C'était toujours moi. Je savais pas si je pouvais me donner corps et âme à cette femme, et putain j'avais peur. Alors je notais cette peur irrationnelle d'être rejeté dans l'orgasme fulgurant qui la traversa quelques minutes plus tard. Aucune attache, aucune emmerde, je désertais la chambre avant qu'elle n'ait repris ses esprits.
Égoïste. Lâche.

Après avoir dansé je me joignais aux quelques musiciens et m'accordais à leur groupe avec ma guitare. C'était pour ça que je voulais venir à Séville. C'était une ville musicale où peut importe le temps, la musique s'échappe toujours de quelque part. Denitsa dansait avec le reste de la place. Elle ne pouvait pas remarquer que je n'avais d'yeux que pour elle. Ça se voyait qu'elle était professionnelle. Elle ne m'avait pas menti à ce sujet, même si j'en avais jamais douté. Tous les mouvements qu'elle faisait étaient fluides et gracieux. Pas du tout du même ordre que ceux que j'avais fait. La danse ça paraissait facile. Mais en réalité pas du tout. J'avais mis un pied dedans et j'avais envie d'y plonger la tête la première. J'avais envie de rentrer dans son univers. De graviter autour d'elle comme un électron qui aurait irrésistiblement besoin de son énergie. Ouais j'me voyais un peu comme ça. Les musiques s'enchaînaient mais je ne faiblissais pas et elle non plus. On suivait le rythme à notre manière. Après une bonne demi heure on s'enfuyait vers un hôtel à proximité pour réserver des chambres pour ce soir ainsi que se mettre quelque chose sous la dent. J'aimais cette vie, cette ambiance où rien n'était réglé à l'avance. J'aimais cette spontanéité. Spontanéité qu'on avait ressenti tous les deux ce matin. Si les souvenirs continuaient à affluer ma tête de cette manière j'allais lui sauter dessus dans la voiture ou avant la fin de la journée. Chose que je sais d'avance ne sera pas arrêtée. Puisque je crevais d'elle à chaque mouvement qu'elle exécutait.
L'hôtel était grand et vraiment bien décoré. On avait franchement envie d'y rester plus d'une seule nuit. Ma chambre était dans les tons taupe. Un grand lit. Putain des images salaces naissaient dans ton système nerveux. Cette femme me faisait faire des montagnes russes émotionnelles. J'en avais marre de chercher ce que je devais faire ou ne pas faire. J'en avais marre de la faire souffrir et moi avec. Parce que j'avais beau essayer j'de me le cacher mais elle me rendait dingue. J'pensais déjà à tout c'que j'pourrais faire avec et sans elle. Sans elle ne me paraissait même plus envisageable. Elle était devenue une foutue drogue. Je m'étais promis de m'attacher à personne. De toute façon je pensais même pas en être capable. Denitsa me montrait le contraire. Elle me montrait même que tout était possible. Elle était ma bouteille quand je tournais vers l'alcool, la nicotine de mon tabac, mes médocs quand j'étais mal. Elle était tout le temps là. Elle a même fait le mouchoir quand je pleurais dans ses cheveux.
'' - Rayane ? '' je me retournais, croisant son regard, elle était souriante, les cheveux bouclés. Elle était magnifique. Sa robe arrivait à la moitié de ses cuisses dévoilant des jambes fermes et fines. Je ne savais pas pourquoi elle ne les aimait pas. Mais je pense qu'on avait tous quelque chose qui nous déplaisait chez nous. Elle c'est ses jambes, moi ma foutue lâcheté.
'' - Oui ?
- Viens on va faire un tour, je remarqué quelque chose quand on est arrivé et j'y retournerais bien, ça te dérange pas ?
- Non, allons y. '' je la suivais en fermant la porte derrière moi - en faisant attention de prendre mes clefs, ce serait con de se retrouver à la porte de ma propre chambre. Je montais dans la voiture avec elle et la laissais conduire vu que je ne savais même pas où elle voulait nous emmener. En arrivant aux portes de la sortie de la ville, on se retrouvait au bord d'une petite rivière. Je souriais malgré moi, cette femme était incroyable.
'' - C'est sympa ici.
- Je savais que ça allait te plaire. T'as déjà regardé les étoiles avec une fille ?
- Jamais.
- Sérieusement ?
- Ouais jamais.
- Eh bah c'est l'occasion dans ce cas ! '' elle me prenait la main et me tirait vers le bord. La nuit commençait doucement à tomber. On s'asseyait tous les deux je repliais mes genoux et posais mes bras dessus, j'appréciais la vue, en fait j'aimais tout de cette nouvelle vie. Mais je savais déjà que ça n'allait pas durer.
'' - Pourquoi tu m'as pas embrassé ce matin ? ''

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Coucou les amis. Nouvelle partie de remise en question, on peut dire ça comme ça. Merci à tous de commenter et d'aimer chaque nouveau chapitre c'est tellement gentil. J'espère que la fiction plaît toujours ! Xxx

LejosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant