11. Rayane

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Tout avait commencé dans ce lit. Si son réveil avait été surprenant à Marseille le mien à présent l'avait été tout autant. Ce qui m'avait réveillé ? Ou plutôt ce qui avait réveillé une partie de mon anatomie ? La main de la femme que j'avais rejoins dans son lit - jusque là rien d'exceptionnel - qui en ce moment même avait sa main posée comme si de rien n'était sur mon entre-jambe. Tranquille. Elle n'avait jamais vu un homme le matin ? Il ne m'en fallait pas beaucoup plus pour faire grandir une envie indescriptible en moi. Elle était assez forte, assez présente pour que je renverse la tendance en seulement quelques secondes. Je n'avais jamais été comme ça. Jamais. Mais fallait bien avouer que c'était pas aussi facile entre nous. Je savais que je devais pas faire ça, qu'je devrais pas l'approcher ni même la regarder. Je sais exactement ce que j'ai à faire ou non. Mais j'arrive pas à m'en empêcher. C'est comme si une force au dessus de ma tête avait prit possession de mon esprit. Avec elle j'étais plus maître de moi-même. Et putain ça faisait grave flipper. Mais alors j'étais censé faire quoi ? Quand j'la regardais comme ça, penché sur elle, ses yeux marrons grands ouverts, j'pouvais que la trouver magnifique. J'pouvais que m'accrocher un peu plus à elle. Mais c'était pas possible comme ça. J'avais pas le droit de la faire mienne, de faire tout un jeu de séduction à la con alors que je savais très bien qu'à l'arrivé je ne ressentirais rien pour elle. J'avais tellement mais tellement pas envie de la faire souffrir. Je suis qu'un sale petit égoïste qui veut rendre une femme accro à lui alors qu'il sait très bien qu'il sera pas capable d'être à elle. C'était ça alors le truc ? J'faisais le con et elle en payait les conséquences ? Hors de question. Je sais que je devrais arrêter notre voyage. Je sais qu'on devrait repartir chacun de notre côté comme si de rien n'était. Je savais tout ça. Mais que voulez vous ? J'en étais incapable. Je sais même si je comprend pas pourquoi elle est importante pour moi. Je sais que je l'oublierai pas comme ça. Et c'est vrai, il n'y a eu personne entre mon ex et Denitsa. Personne qui avait une once de sérieux de près ou de loin avec ce qui pouvait ressembler à une relation. Je n'étais jamais tombé amoureux et personne ne savait ce que j'en pensais. J'avais pourtant voulu le dire à Denitsa et puis j'me suis ravisé. Pour quoi faire ? Lui créer des illusions ? Non j'voulais pas ça. Alors j'allais pas rentrer dans les détails. Mais j'deviens faible à ses côtés, alors je fais sûrement l'erreur de me dévoiler un peu à elle. Juste pour qu'au final elle me dégage de sa chambre. Lui dire pourquoi je n'ai jamais été amoureux ? Sûrement pas. Je vacillais entre le fait que j'ai perdu mon père et que je n'arrive à me raccrocher à personne, même pas à la présence qui m'accompagnait depuis déjà plusieurs jours. Ça me rendait complément à l'ouest. L'esprit en surchauffe, voir en ébullition. J'en avais marre ? Ouais p'être ouais. Alors le lendemain, le soir en arrivant à Madrid, quand je me réveillais, j'avais l'impression d'émerger d'un rêve dans lequel j'étais totalement étranger. Je n'aimais pas ce sentiment. Pourtant j'étais davantage du genre à favoriser l'improvisation. Les règles sont faites pour ne pas être respectées pas vrai ? Le soir, Denitsa se pointait dans ma chambre. Elle était tellement belle dans sa minuscule combinaison d'été et ses tongs roses. J'adorais cette fille car elle ne se prenait pas la tête. Enfin en général. La chambre que j'avais était collée à la sienne et pour une fois on faisait lit à part. C'était peut être mieux ? Je n'avais pas envie une nouvelle fois de ressentir cet abandon de Barcelone. Quoi ? Pour me sentir encore comme la dernière des sous-merdes ? J'avais rien à prouver à personne et je voulais pas finir dépendant de quelqu'un. Je l'avais jamais été et il n'était pas question que ça change aujourd'hui. Pourtant je devais avouer que la sensation de ses lèvres sur les miennes était sûrement la sensation la plus agréable que je n'avais jamais ressenti. C'était totalement inédit. Franchement ? Cette femme avait tout pour plaire. Et c'est justement pour ça que je m'en méfiais. Que j'voulais pas jouer au con. Que j'voulais pas la faire souffrir. Ni la faire pleurer. Mais en la voyant entrer dans ma chambre, me tendre l'étui d'une guitare avec un grand sourit et une larme au coin de l'œil, comment voulez-vous une seule seconde que je n'ai pas envie de la remercier pour tout ce qu'elle a fait ? Pour m'avoir sorti de France où j'avais strictement plus envie d'être. Pour m'avoir aidé. Sans elle je serais sûrement en dépression. J'ai perdu un pilier de ma vie mais Denitsa rendait mon équilibre un peu moins fragile. C'est impossible, ça ne peut pas aller plus loin de ça. Je suis reconnaissant. Pas amoureux. Voilà.
Mais sûrement que la tentation était trop forte. Fallait que je la goûte une nouvelle fois. Fallait, non j'avais besoin de ça. Encore cette sensation que je ne contrôle plus rien. Encore cette foutue électricité entre nous. Elle était tellement présente qu'elle était presque palpable. Presque son goût se répercutait dans le creux de ma langue. Je pouvais pas m'en empêcher. Je la faisais mienne. Je faisais comme si ma conscience ne m'hurlait pas d'arrêter. C'était inconscient de ma part mais j'en avais rien à carré sur le coup. C'est après. C'est quand des coups sur la porte me projetaient dans le réalité. Dans le dure réalité des choses. Ça devait pas se reproduire. Presque immédiatement je regrettais mon geste. Non que je n'en avais pas envie. Loin de là. Parce que sinon je ne l'aurais vraiment pas fait. Non le problème n'était pas là. Mais c'était la troisième fois que je dépassais les bornes que je m'étais moi-même imposées. Elle avait changé. Non dans sa façon d'être mais dans son comportement avec moi. J'allais poser cette question qui j'en étais sûr allait la faire réagir vu qu'elle m'ignorait depuis le début de la journée.
'' - C'est pour hier soir ? '' elle se retournait sur son siège pour me dévisager dans les yeux. La radio remplissait le froid glacial qui venait de s'installer à la seconde même où les mots avaient franchis mes lèvres. C'est quitte ou double.
'' - Bien sûr que c'est pour hier soir. Enfin Rayane tu te rends vraiment pas compte de ce que tu fais ou quoi ?
- Je suis parfaitement conscient de ce que j'ai fait. Et je sais que j'ai déconné.
- Merci.
- J'ten pris. Denitsa enlève-toi tout de suite de ta petite tête que je regrette de t'avoir embrassé. Non c'est pas ça.
- C'est quoi ? Putain c'est quoi Rayane ?
- C'est que j'veux pas tomber amoureux.
- Et tu crois peut-être que moi j'veux ? Tu crois que t'es toujours facile à vivre ou à comprendre ? Bah non. Non loin de là.
- J'ai jamais dit ça.
- Non mais j'aimerais bien comprendre. Non vraiment de quoi t'as peur comme ça ? Et fais pas l'innocent. J'y vois bien clair dans ton jeu.
- J'veux pas te faire de faux espoirs. Parce que je sais qu'à l'arrivée j'pourrais rien te donner. '' elle se tue un instant. Le regard dans le vide. Elle continuait à conduire et la discussion s'arrêta là. Ni elle ni moi n'avions autre chose à dire. Campant sur nos positions.

En arrivant à Tolede le soir, l'ambiance avait été morbide toute la journée. Je m'en voulais tellement. J'avais voulu ne pas la faire souffrir et au final c'est quand même ce qu'il s'était produit. Ça me cassait tellement le cul que depuis bien longtemps j'avais envie de me descendre une bonne bouteille d'alcool. J'étais tout seul dans ma nouvelle chambre d'hôtel, une bouteille à la main. Pas violente en soit, mais la tristesse que j'avais accumulé au cours de cette journée n'arrangeait pas la situation dans laquelle j'avais plongé la tête la première. Cette femme me rendait dingue. Une seconde je savais que je ne devais pas l'approcher et celle d'après on s'embrassait l'un sur l'autre. On dormait ensemble. On voyageait ensemble. J'avais moi-même provoqué toutes ces galères. Et là ma bouteille était ma meilleure amie. Je savais qu'elle allait m'emmener très haut avant d'me laisser redescendre très bas. J'le savais mais sur le coup j'avais besoin de ça. Quand les coups retentissaient sur ma porte, je lui disais d'entrer sans vraiment réfléchir aux conséquences.
'' - Ray ? '' sa voix était pleine de larmes. Je m'arrêtais immédiatement de boire tout liquide et remarquais le corps frêle de Denitsa qui venait d'entrer dans la chambre. Elle n'allait pas bien. Pas bien du tout.
'' - Qu'est ce qu'il y a ?
- C'est ma mère.. Eheh, elle va se marier. '' elle tombait à terre, ayant déjà vu quelques verres elle aussi. Enfin, je crois. Elle remarqua la bouteille et s'en empara.
'' - Hey doucement Dénitsa, on va pas te la prendre.
- Non mais qu'est ce qu'elle fout avec un con pareil ? Tu sais quoi ? Limite je préférais mon père.. Et.. et c'était pas un cadeau du ciel.
- Elle va peut-être comprendre toute seule...
- Non ça ne risque pas. Elle est tellement... mordue de lui qu'elle ne voit rien. C'est lamentable. Eh c'est un peu comme moi et Etienne. C'est pathétique. Putain mais j'dis vraiment que de la merde.
- Etienne ?
- Mon ex.
- Et.. il te manque ?
- Il est mort. '' j'étais sous le choc. Actuellement ma bouche était entre-ouverte. Non plutôt ouverte en grand. J'aurais pu gober n'importe quoi j'men rendrais même pas compte.
'' - Je suis désolé. Ça fait longtemps ?
- Quelques années déjà... J'avais dix huit ans je crois. Eheh ça fait un bail. Il est mort en voiture. Comme la mère de ma maman. Ah, une personne de moins au mariage.
- Denitsa...
- On était amoureux. Enfin, je crois, pourquoi t'as jamais été amoureux ? T'as jamais trouvé une fille à ta hauteur ?
- Non c'est pas ça. Disons plutôt que je crois à l'amour éternel. C'est romantique comme ça. Pourtant c'est vrai, je pense qu'on tombe qu'une fois amoureux. Que c'est pour la vie quand ça nous arrive.
- Hum je vois. Alors j'ai peut-être jamais été amoureuse d'Etienne finalement. Je sais que je vais regretter ça demain, que là c'est l'alcool qui enlève tous les filtres à ma bouche, mais ouais c'est p'être vrai.
- Pourquoi enfin, qu'est ce qui te fait dire ça ?
- Bah... j'sais pas. Mais quand j'suis avec toi j'pense plus à lui. Eheh j'ai dit de la merde hier. Je pense tout le temps à toi. Tu quittes jamais ma foutue tête. Pourquoi tu m'as balancé comme une merde ? Rayane je suis pas ton jouet. Fais pas ça de moi, s'te plaît. '' sans vraiment m'en rendre compte Denitsa s'était allongée sur mes genoux. Sa voix faiblissait puis plus rien. J'avais comprit ce qu'inévitablement il s'est produit : elle s'était endormie et surtout ce qui me faisait le plus peur c'était qu'elle m'avait à moitié dit ce qu'elle ressentait. Demain j'allais m'en mordre les doigts. Mais j'étais assez égoïste pour profiter de ces quelques mots qui flottaient encore dans mon esprit. S'accrocher à quelqu'un ? Ou pas ? Tout partait dans tous les sens quand elle était près de moi. Et je me surpris cette nuit là à rêver que ma vie n'était peut être pas celle que je m'obstinais à adopter.

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Coucou les amis ! Nouveau chapitre arrivé comme promis, il m'a été très demandé et vraiment j'ai adoré l'écrire. Merci de commenter, merci à tous ceux qui parle de cette fiction. Honnêtement j'en serais pas là sans vous. Merci de commenter et de me soutenir. Xxx

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