6. Rayane

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J'arrivais pas à m'imaginer une seule seconde que je venais d'apprendre ça. La colère de l'impuissance mêlée à la tristesse, je pouvais contenir plus. Tout ça se mélangeait en moi. J'étais seul dans ma chambre d'hôtel, dans ce grand lit froid. J'me sentais tellement seul et impuissant. Ouais j'me sentais vraiment con. Autour de moi tout devenait flou à cause des larmes qui coulaient le long de mes joues mélangées aux sanglots qui montaient en moi et que je prenais même pas la peine de retenir. Mon père était mort. Il l'était vraiment et moi j'étais là à rien pouvoir faire. Je pouvais rien faire d'autre que me rendre à l'évidence que je l'avais perdu, que plus rien ne pourrait jamais le ramener et que j'avais tout foiré. Une haine destructrice se propageait dans ma tête, envers ma mère qui nous avait tous deux lâchement abandonné pour faire sa propre vie. Alors j'avais besoin de prendre le large. Peut être encore plus que lorsque je suis partis de Lyon avec la ferme intention de mettre tous mes problèmes dans un coin de ma tête. Et là tout de suite j'avais envie de reprendre ma voiture et de déguerpir le plus vite possible. J'en avais rien à foutre si ma mère m'appelait je l'enverrais se faire voir bien comme il faut. Non mais quoi ? Fallait arrêter de me prendre pour un con. J'allais pas me rabattre vers elle sous prétexte qu'elle avait besoin de quelque chose. Moi aussi j'ai le droit de vivre ma vie. Mes sanglots devenaient incontrôlables. J'entendais à peine les coups qu'on portait à ma porte. Je me levais en difficulté et découvrais la petite femme que j'avais rencontré dans le bus quelques heures auparavant. Elle était inquiète et entrait précipitamment dans la chambre avec moi. On échangeait quelques mots avant que mon besoin de m'échapper de ma solitude ne me rattrape alors qu'elle me serrait dans ses bras. Je la faisais basculer avec moi dans le lit, la tournait dos à moi et me laissais aller à pleurer dans ses cheveux. Elle sentait bon, elle sentait les fleurs. Son odeur et sa sérénité me calmaient. Je m'endormais plus calme et surtout plus seul.

J'ouvrais un œil alors que le soleil commençait document à monter dans le ciel. Il était tôt. Très tôt. Ça ne me ressemblait pas du tout. Devant moi, collée à moi se trouvait toujours le bout de femme contre laquelle j'avais pleuré comme un bébé la nuit dernière. Tous les souvenirs me revenaient en pleine face. J'avais pas honte. J'avais pas envie de m'excuser de m'être laissé allé puisque j'étais comme tous les autres. Même un mec peut pleurer. Et bordel ça fait un bien fou cette merde. J'enlevais mes bras d'autour de ce petit corps brûlant. Sans la réveiller je sortais du lit et me rendais sous la douche. L'eau coulait le long de mon corps chassant toutes les émotions sombres que je pouvais ressentir envers qui que ce soit. J'avais envie de vivre et ça commençait par là, par faire le vide dans ma foute tête. En sortant douché et sec je découvrais que Denitsa était toujours endormie, qu'elle n'avait absolument pas bougé. Elle était juste sur le dos à présent. Ses vêtements s'était légèrement remontés avec les mouvements qu'elle avait fait. Son ventre était plat et ferme. Je l'avais senti lorsque je l'avais collé contre moi. Personne ne m'avait jamais permis de pleurer de cette façon sans broncher. Pourtant ça faisait même pas vingt quatre heures qu'on se connaissait. Je pouvais que la remercier. Je m'asseyais à côté d'elle. Elle était magnifique. Vraiment. Ses cheveux étaient étalés sur les oreillers. Sa tête vrillait vers moi, ses longs cils, son petit nez pointu, sa fine bouche. Elle s'entrouvrait laissant apparaître ses petites dents blanches et parfaitement alignées. À peine deux secondes plus tard sa langue venait humidifier ses lèvres. Je venais pas de faire un portrait détaillé de son visage là, genre tout de suite ? J'avais envie de la remercier, qu'elle sache que j'étais reconnaissant d'avoir fait ça pour moi. Alors je l'embrassais. Délicatement. Et sans le vouloir je suppose, elle y répondait, me laissant faire ce que je désirais de sa bouche. C'était une incitation à me faire perdre la tête ça. Avant de partir pour prendre l'air, je l'embrassais dans le cou, respirant son odeur, puis quittais la pièce avec un mot sur la table de nuit. J'ouvrais puis fermais la porte. Le couloir était désert. Je sortais de l'hôtel et me rendais à la boulangerie que j'avais remarqué hier soir. Toutes les rues étaient désertes. Il faut dire qu'il était tôt. La boulangerie venait tout juste d'ouvrir et les croissants étaient encore chauds. Le bonheur. Je prenais également deux bouteilles de jus d'orange et retournais à l'hôtel à pas d'escargot. Non que je n'avais pas envie de rentrer et de trouver une femme dans mon lit. Que je venais d'embrasser en plus. Mais j'avais peur qu'elle me demande des explications que je n'étais pas encore capable de lui donner. Je ne voulais pas m'attacher. Parce que j'ai peut-être plus envie de savoir ce que ça faisait de perdre quelqu'un, la voir nous échapper. C'est exactement ce qu'il s'était passé avec mon père. J'avais assisté à sa descente aux enfers sans être capable de bouger le moindre petit doigt. Non je voulais plus. J'avais actuellement le cœur en miette et ça allait sûrement mettre du temps avant qu'il ne soit guéri. Si jamais il le sera un jour. J'avais juste envie de protéger cette femme qui semblait tout aussi paumée que moi. Je savais vaguement pourquoi elle était partie. Mais vaguement. Elle aussi avait des regrets de sa vie avant de prendre son bus. D'ailleurs si elle était partie c'était qu'elle avait peur de quelque chose, si elle n'avait pris aucune valise c'était sûrement parce qu'elle ne voulait plus rien avoir à faire avec sa vie parisienne. Je ne pouvais pas lui en vouloir. D'ailleurs personne ne devrait lui en vouloir de changer de vie. Si elle l'a fait je suppose qu'elle en avait tout simplement les raisons. Plusieurs, non beaucoup de choses chez elle m'échappaient. Comme son âge par exemple. Sa vie avant de venir en France, son accent bulgare, en fait oui elle était un puzzle qu'on avait envie de reconstruire. Mais elle semblait être complexe. Alors en arrivant devant le bâtiment j'étais censé faire quoi ? Faire comme si de rien n'était ? J'avais pas envie de ne pas assumer, loin de là, j'avais juste pas envie de m'expliquer pour le moment. J'étais sur qu'elle pouvait comprendre. Elle était intelligente. Et elle me devait bien ça, je l'avais quand même sorti d'une situation plus que désagréable non ? Une demande de fellation par un vieillard pervers c'est ce qu'on pourrait appeler une situation désagréable. Non ? Alors oui elle pouvait bien comprendre ça. Je passais devant l'accueil et entrais dans le long couloir. En entrant dans la pièce je me retrouvais tête à tête avec une Denitsa sortant de la douche. Dans une minuscule robe rose pâle. Elle voulait ma mort c'est ça ? Je la taquinais - et elle me répondait - juste pour ne pas la détailler de la tête aux pieds. Je lui avais promis qu'elle pourrait partir dés qu'elle le souhaitait mais j'avais pas envie de ça, je voulais qu'elle reste à mes côtés. Alors c'était pas le moment de passer pour un gros chien, pour le mec lourd de service. Non c'était pas moi ça. Elle me plaisait c'était indéniable. Mais non, non pas comme ça.
'' - Tu es partis depuis longtemps ?
- Je sais pas.. un petit quart d'heure pourquoi ?
- Non non comme ça. '' je faisais l'innocent mais en fait je savais exactement à quoi elle voulait en venir. Elle avait le doute si ça s'était vraiment passé. Je pourrais jouer sur cette carte-là pendant le temps que j'aurais besoin. Mon mea culpa. Ouais c'est ça. Je veux pas faire le gros lâche. Je veux pas être ça. Elle souriait. J'adorais son sourire c'était définitif.
'' - Bon, on va s'en aller. Du coup j'ai payé une chambre pour rien.
- Non pas pour rien, elle a servi d'entrepôt pour les affaires.
- Tu veux dire ton sac ?
- Euh oui. Bon on fait quoi aujourd'hui d'ailleurs ?
- Déjà on s'en va de cette ville. On verra plus tard pour le reste. Faudrait qu'on soit parti pas trop tard pour éviter les bouchons sur la périphérie.
- J'y vais. Tu pars pas sans moi hein.
- J'ai la tête de quelqu'un qui part sans les demoiselles en détresse ?
- Un p'tit peu.
- Merci. '' elle me chambrait gentiment. Ça me plaisait. Elle me plaisait. Mais j'avais pas le droit de m'attacher à elle. J'avais pas le droit et je pouvais pas prendre le risque de la faire souffrir. Elle méritait pas ça. Personne ne le méritait.
Je courais vers ma voiture que j'étais allé chercher la veille. Ma voiture que j'avais dû laisser à mon père. Je regardais mon téléphone, j'avais des dizaines d'appels manqués de mon agent et mon attachée de presse. Je prenais des vacances, c'est l'excuse que je leurs disais. Elles n'étaient pas contente mais j'men foutais. J'avais le droit, le besoin même de m'évader. Et cette petite femme adorable était de très bonne compagnie. Avec elle je pensais pas à tout ça. Je pensais qu'au moment présent. Et ça c'était beau, c'était exactement ce dont j'avais besoin. On montait dans la voiture. Elle décidait de partir pour sa destination initiale : Barcelone. Je la suivais où qu'elle voudra aller. La côte était magnifique et je comprenais parfaitement qu'elle ne veuille pas rentrer dans les terres. On avait tous les deux envie de voir la mer je crois.
En passant la frontière aux alentours de treize heures le lendemain, on décidait de s'arrêter manger au pertus, un endroit pile entre la France et l'Espagne. Il y avait une tonne de monde. On devait se tenir par la main pour ne pas se perdre - et c'était pas pour me déplaire-. On entendait toute sorte de langues. Mais quelle idée de partir en Espagne alors que ni elle ni moi ne parlions espagnol ? Sérieusement ? On était inconscients et c'était ça qui était fantastique. Cet endroit était un gigantesque centre commercial mais en pleine rue. Il y en avait partout. C'était tout en descente puis tout en montée. Le paysage était magnifique c'est certain. On était en plein milieu des Pyrénées. Il faisait moins chaud là haut et c'était nettement plus supportable. On avait garé notre voiture sur un parking et on avait dû se déplacer à pied. De toute façon c'était impossible de circuler. Et franchement on allait avoir du mal à rentrer en Espagne. Mais bon on s'en fichait. Tant qu'on bougeait.
'' - T'as faim ?
- Trop. Tiens on pourrait manger là. '' elle me montrait une sorte de pizzeria. Bon allons-y, elle me tirait le bras sans vraiment y faire attention. Et sans me laisser le temps de répondre. Sa décision était prise, j'avais plus qu'à m'y plier. On s'asseyait puis on mangeait. Ici on était tranquille. Enfin surtout moi. Personne ne semble me reconnaître.
'' - Bon parlons peu mais parlons bien, pourquoi tu as accepté de venir avec moi à Barcelone alors qu'à première vue tu as ta vie à Lyon ?
- Justement à première vue. Je sais pas. Déjà t'es gentille.
- Toi aussi.
- Je sais.
- Ça va les chevilles ?
- Bah écoute pour l'instant ça va. Sinon j'avais ouais j'avais envie de partir en vacances. Et si je peux les passer avec toi..
- Une parfaite inconnue.
- Qui a dormi avec moi.
- Tu pleurais je n'allais quand même pas te laisser comme ça.
- Tu regrettes ?
- Si je n'aurais pas voulu être là où j'ai dormi, je n'y aurais pas été.
- Message reçu.
- Quoi message reçu ?
- T'avais envie de dormir avec moi.
- Quoi ? N'importe quoi !
- Tu feras gaffe t'es toute rouge. '' elle levait les yeux au ciel en se mettant ses mains sur ses joues. Je riais, j'me moquais gentiment. Elle était adorable. Pourquoi être méchant avec elle ?
'' - Arrête de te moquer !
- J'me moque pas, au contraire je trouve ça trop mignon.
- Tu parles. Bon t'as choisi ?
- Savoyarde. Et toi ?
- Pareil. Base crème ?
- Toujours. '' on disait notre commande au serveur puis on parlait de tout et de rien. J'étais curieux de connaître sa vie. Je sais pas, j'avais envie de tout savoir d'elle. Bordel ça faisait quoi ? Trois jours que je la connaissais quoi !
'' - Sinon, t'es bulgare donc ?
- C'est ça. Je suis née à Sofia.
- Et t'as toujours vécu là-bas ?
- Non. Pendant mon adolescence j'suis partie au Canada.
- Au Canada ? Pourquoi ? J'suis désolé je suis trop curieux.
- Non t'inquiète. Ma mère m'a en quelque sorte sauvée la vie. Et on a échappé à mon père qui était.. spécial. Aujourd'hui ils sont séparés depuis longtemps. Et elle a rencontré quelqu'un, qui ne semble pas vraiment fait pour elle en passant.
- Tu sais quoi ? Il est arrivé exactement la même chose avec ma mère à moi. Elle s'est tirée à Strasbourg avec un type que je connais même pas. J'sais pas il m'inspire pas confiance celui là.
- Ah les histoires de famille, c'est toujours les plus grosses embrouilles.
- Toujours et on y comprend jamais rien.
- Jamais. '' de nouveau ce sourire. Elle avait une bouche incroyable. Je l'avais déjà dit ? Le souvenir d'elles contre les miennes me rendait fou. Je secouais la tête frénétiquement pour chasser ce souvenir délicieux de ma tête. Inspire. Expire. Ce n'est pas compliqué. Oublie. Oublie Rayane, tu ne peux pas faire ça. Elle se mordait la lèvre ! Fallait que j'aille aux toilettes tout de suite. J'avais chaud tout à coup.
'' - Je.. Je reviens tout de suite.
- Oh, d'accord. '' elle semblait surprise mais n'ajoutait rien de plus. Vite barre toi. Vite. Très vite. En arrivant dans les toilettes je me regardais dans la glace en grimaçant. J'avais les pupilles dilatées. Les joues légèrement rouges. Et je sentais mon cœur batte beaucoup trop vite que la normale dans ma poitrine. Calme toi. Elle ne sait pas que tu l'as vraiment embrassé. Elle ne sait rien.

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Coucou les amis, nouvelle partie pdv Rayane comme je vous l'avais dit. Bon bah bisou réel pour le coup. Vous en pensez quoi ? N'hésitez pas à commenter ça me fait toujours plaisir ! Xxx

LejosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant