12. Denitsa

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J'pouvais te dire tout ce que tu voulais entendre ou tout simplement ce que je voulais croire qu'il fallait que je te dise. Qui avait dit que l'alcool était bien ? Qui était ce con, que j'le retrouve et que j'le claque ? Les quelques souvenirs que j'avais reçu en pleine gueule juste en ouvrant les yeux, en découvrant que j'étais allongée sur le sol, la tête sur les cuisses de Rayane. Qui lui aussi était assit à même le sol, la tête contre le mur, les mains calées dans mes cheveux. J'aurais pu tout dire juste pour éviter de penser à la réalité des choses. La réalité que j'appréciais beaucoup trop sa compagnie. Que j'étais faible face à lui. Que je lui avais dit quelque chose que je n'avais probablement jamais dit à personne. Que j'avais un ex qui était parti rejoindre les étoiles, beaucoup trop vite, que j'étais jamais réellement parvenu à surmonter sa mort. Et que putain ma mère allait se marier. C'est quoi ce délire ? Plus jamais je ne veux boire de toute ma vie. Le café c'est bien. C'est sympa ça permet de garder les idées en place. Alors c'était ça le truc ? Je vivais avec une nouvelle famille durant deux années complètes, proche d'une meilleure amie un peu bizarre mais extraordinaire, et d'un seul coup je rencontrais un homme et lui avouais quelque chose que personne d'autre que ma famille ne savait ? C'était sûrement parce que je ne le connaissais pas suffisamment que je lui avais d'ailleurs à mon avis dit. Penser ce que vous voulez mais j'men veux d'avoir été ridicule encore une fois. Quoi ? On se prenait le chou tous les deux à se chercher sans se trouver et moi je faisais quoi ? Bah j'venais le rejoindre dans sa chambre, quoi de plus normal ? J'men voulais parce qu'il avait pas besoin de mes merdes dans sa vie à lui. Il avait pas besoin d'avoir une once de pitié pour moi. Un peu comme moi et son père. Je sais ce que c'est de perdre un être cher. Et je conçois que toutes les paroles du monde ne pourront jamais les ramener à la vie. Je concevais que putain c'est dur de passer au dessus. Et comme si ça ne suffisait pas, je ne lui avais pas dit que ça. Quand je suis avec lui c'est vrai que je ne pense plus vraiment à Etienne. J'me dis même que peut être, c'est vrai, être amoureux c'est destiné à durer toute la vie. Putain j'avais pas souvent envie d'me donner des claques comme ça. C'est vrai que je pense tout le temps à lui. Mais ça il était pas censé le savoir. Et ça m'arrangeait bien d'ailleurs. Ça me rendait sûrement un peu plus crédible que je ne le serais lorsqu'il se réveillera à son tour. C'est vrai que j'en avais marre de partager ma nuit avec des foutus souvenirs. Des foutus remords. C'est pas un crime d'être bien avec quelqu'un et que cette personne en particulier rend votre sommeil plus saint, plus réparateur. J'demandais qu'à vivre. J'aimerais tomber amoureuse, j'aimerais me laisser aller à développer des sentiments qui je le savais d'avance seront les plus puissants que je n'ai jamais ressenti. Je sais déjà quelque part que l'amour que je ressentais envers Etienne n'était et ne sera jamais rien comparé à celui que je suis en train d'avoir pour Rayane. Non que ce ne sont absolument pas les mêmes personnes. Non pour pleins de choses. Mais j'ai tellement peur de me faire avoir. J'ai tellement peur d'me laisser aller et de me prendre le plus gros mur et qui me tuera. J'ai réellement la frousse qu'il ne m'aime pas. C'est humain ces choses là, ça s'explique pas. La peur du rejet. Je me mettais sur le dos et accusais le choc : il était réveillé, les yeux grands ouverts. Ses yeux verts étaient plongés dans les miens à présent. Ses pupilles se dilataient à chaque seconde qui passait. Ses cheveux étaient redressés sur sa tête. En pagaille. Il était tellement beau, tellement séduisant. Sa barbe appelait inlassablement au touché. Sa bouille d'ange en général criait aux caresses et à l'amour. Ce mec-là même si je le voudrais je pourrais sûrement jamais le détester. Sur ce coup là, je domptais absolument pas mon corps. Sur ce coup là, mon inconscient faisait les choses à ma place. Je me redressais et me plaçais en califourchon sur lui. Ses yeux ne s'étaient pas détachés des miens un seul instant. J'avais envie d'me laisser aller à faire n'importe quoi. À envoyer voler encore une fois toutes les nouvelles barrières que j'avais créé sûrement inconsciemment. Quelle foutue merde, je faisais quoi maintenant ? C'est la torture même d'être sur lui, déchirée entre le bien et le mal. Déguerpir encore une fois, ou l'affronter et me prouver à moi-même que la mort d'Etienne peut être surmontée ? Que je suis capable d'avoir des sentiments. Que mon cœur, que ce foutu traître est d'ors et déjà entre ses mains. J'arrivais pas à croire que j'allais dire ça.

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