4. Denitsa

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J'en avais donc déduit qu'il venait de Lyon. Si son t-shirt ne laissait aucune place à laisser faire mon imagination, lui en revanche était assez discret. À part côté musique bien sûr. Alors il s'appelait Rayane. Le bus repartait de Grenoble quelques minutes plus tard et on approchait tout doucement de Marseille. Je n'avais jamais eu la possibilité de m'y arrêter où ne serait-ce de visiter cette ville alors je comptais bien le faire aujourd'hui. De toute façon mon billet pour Barcelone était encore valable si j'avais bien compris. J'étais allongée sans le moindre respect sur les deux sièges, musique à fond dans mes oreilles. Mais même comme ça j'entendais ce que lui écoutait. Quelque chose que je ne connaissais pas mais je crois que c'était en français. J'enlevais un écouteurs et enlevais ma musique. J'entendais distinctement les paroles à présent. '' Cette chanson est pour toi. Toi qu'est là bas, loin déjà. '' C'était étrange. Car je l'imaginais pas du tout écouter ce genre de musique. Plutôt je sais pas, quelque chose de plus fort, qui nous retourne l'estomac. Je n'avais aucune idée d'où il se rendait ni pourquoi il le faisait. Je savais juste son prénom. Et qu'il avait des yeux verts incroyables. Oui voilà. Incroyables. J'avais eu le temps de les admirer pendant notre petite conversation. Je crois qu'il dormait. Alors en arrivant à Marseille deux heures plus tard je prenais mon sac à dos de voyage vérifiais que je n'avais rien oublié et sortais du bus. La station était petite. Derrière il y avait d'autres bus qui attendaient certainement des personnes pour des destinations diamétralement opposées. J'avais une folle envie d'aller me débarbouiller le visage. Je me rendais dans les toilettes. Oh. J'avais une tête de zombie. Je me jetais de l'eau en plein visage. Ça faisait un bien fou. C'était la canicule là dehors et c'était difficilement supportable. J'entendis la porte s'ouvrir je relevais instinctivement la tête. C'était un homme. Un vieux un peu barbu par des poils blancs et des cheveux qui partaient dans tous les sens à cause certainement du mistral. Je me redressais complètement et lui faisais face.
'' - Vous vous êtes trompé de toilettes monsieur.
- Oh pardon. Je n'avais pas fait attention.
- Vous pouvez partir ? '' j'étais nerveuse tout à coup. L'homme ne désertait pas. Pire, il se rapprochait. La panique montait dans mes entrailles. Qu'est ce qu'il veut celui là ? Je reculais jusqu'à atteindre le mur froid contre mes mollets nus. Je commençais à vraiment avoir peur.
'' - Qu'est ce que vous voulez ?
- Écoute petite, je vais y aller franc. Je veux une fellation et on en reste là. Ne me laisse pas te forcer s'il te plaît.
- Pardon ?
- Allez juste cinq minutes. Ça ira vite. '' Non mais je rêve ? Dîtes-moi que c'est un cauchemar ! Vite que j'me réveille dans mon bus, en sécurité et pas avec un vieux tordu.
'' - Je peux me joindre à vous peut être ? '' je ne l'avais même pas vu entrer. Rayane entrait dans les toilettes et fit face au vieux, il devait faire presque une tête de plus que lui. Malgré qu'il ne soit pas géant non plus.
'' - J'ai tout entendu sale pervers. Alors j'vous propose autre chose, vous n'approchez plus jamais cette femme et j'vous laisse sortir de ces toilettes sans vous avoir écrasé votre sale gueule contre le mur. Ça vous va ?
- Euh.. Oui.
- C'est ça. Allez. Dégage. '' le vieux sortait précipitamment des toilettes en claquant la porte derrière lui laissant un grand blanc entre le brun et moi-même. Moment de gêne total. Je devais faire quoi au juste ? Le vénérer de m'avoir sauvé ou l'insulter de m'avoir suivi ? Finalement j'avançais vers lui, à petits pas, toujours un peu choquée par les propos de l'autre vieux.. Il devait avoir quoi ? Soixante-dix ans ? Ça me dégoûtait au plus haut point. Les yeux de Rayane avaient virés au vert foncé. Signe je suppose qu'il était en colère. Également avait apparu une veine adorable qui lui fendait le front en deux.
'' - Merci.
- Les demoiselles comme toi sont inconscientes.
- C'est pas vrai.
- Très bien. Alors ignorantes. Ce type te fixait depuis que je suis monté dans le même bus que toi. C'est certain qu'il le faisait déjà avant puisqu'il n'est pas monté avec moi. Des types comme ça y en a partout. Et une aussi femme aussi jolie que toi devrait le savoir. Tu ne devrais pas voyager seule comme ça.
- Je n'ai pas le choix. Et c'est vrai je ne l'avais même pas remarqué avant qu'il vienne dans ces toilettes.
- Il en a profité que je dormais. Tu as vraiment cru que tu allais pouvoir partir comme ça Déni ?
- Denitsa.
- Tu m'as dit Déni en premier toute à l'heure.
- Tu m'énerves.
- Je sais. Bon maintenant tu me lâches plus d'une semelle, tu viens avec moi.
- Et comment je suis censée croire que tu ne vas pas me faire du mal ? Je te signale que tu m'es parfaitement inconnu toi aussi.
- Très bien. Je dois passer la nuit à Marseille pour quelque chose de perso. Tu peux venir avec moi ou rester ici sachant que ce taré n'est pas loin.
- Et si je viens ?
- Tu pourras repartir quand tu le souhaites si jamais tu n'as pas confiante.
- Et je fais comment pour me défendre si tu deviens une bête sanguinaire ?
- Ça n'arrivera pas mais.. Tu peux toujours me tuer si ça arrive. Tu as ma permission. Alors ?
- Alors quoi ?
- Tu viens avec moi ou pas ?
- Et je pourrais partir quand j'le souhaite ?
- Évidemment.
- Très bien. Alors je te suis, Rayane. '' il souriait, m'ouvrait la porte et me laissait passer devant lui. On apercevait le type de loin qui baissait des yeux en nous voyant. On prit un taxi qui était non loin de là. Rayane donna l'adresse d'un endroit qu'il paraissait bien connaître. Je ne savais pas du tout où j'allais. Mais je savais bien qu'où il m'emmènerait je n'aurais pas peur. Ça faisait même pas vingt quatre heures qu'on se connaissait et j'avais déjà plus confiance en lui qu'en la plupart des gens que j'ai laissé à Paris. C'est triste peut être, mais ça ne me manque pas du tout. Le taxi était bloqué dans la circulation. Rayane trépignait sur le siège, bougeait nerveusement sa jambe.
'' - Toi t'es pas habitué à attendre dans les embouteillages.
- Ça se voit tant que ça ?
- Oh oui. 
- C'est vrai j'ai pas trop l'habitude. Même si à Lyon y a du monde le matin.
- Tu ne connais vraiment pas Paris. C'est pas que le matin, c'est tout le temps.
- Tu faisais quoi à Paris ?
- Quelque chose que je peux plus faire en tant que profession.
- C'est à dire ?
- Rien d'important.
- Tout est important.
- Rien ne l'est arrête.
- Ce n'est pas vrai. D'abord cet accent m'intrigue.
- Et ça c'est important ?
- Très.
- Bulgare. C'est un accent bulgare. '' il se retournait d'un coup vers moi. Avec un grand sourire. Euh ? J'ai manqué un épisode ?
'' - Qu'est ce que t'as ?
- T'es au courant que cet accent va rendre fou chaque homme sur ton passage ?
- Non j'suis pas au courant. 
- Bah maintenant tu l'es.
- T'es chiant tu sais ça ?
- Oui je sais. On est encore loin ?
- Non dans cinq minutes monsieur. '' il soufflait un bon coup pour évacuer la pression qu'il ressentait. Je me demandais bien où il m'emmenait. Non que j'étais curieuse, mais quand même. Quelques instants plus tard comme convenu on arrivait devant un bâtiment qui ressemblait à un institut. On arrivait à l'accueil, la fille semblait reconnaître mon partenaire de voyage.
'' - Qui est cette femme qui vous accompagne s'il vous plaît ?
- C'est ma copine. '' Je le regardais, bouche bée. Il venait de dire quoi là ?
'' - Pourquoi t'as dit ça au juste ? Tu sais pertinemment que c'est faux !
- Elle allait pas vouloir que tu viennes avec moi. Et j'avais pas tellement envie qu'un autre malade t'emmène loin dans sa camionnette rouillée tu vois.
- Hum. Ça va pour cette fois. '' la femme sortait de son bureau enfin de son espace de travail et nous entraînait tous les deux dans des longs couloirs blancs. On arrivait devant la salle 212. Rayane et moi on était derrière cette même porte. Il la fixait sans ouvrir. Je ne savais pas ce qu'il se trouvait derrière celle ci mais ça ressemblât beaucoup à une épreuve pour lui.
'' - Tu ne rentres pas ?
- Si.. Si bien sûr. '' il ouvrait la porte. On entrait dans une chambre. Dans un lit reposait un homme, dévasté par la maladie, ça se voyait parce qu'il était fatigué. Même un aveugle aurait pu le voir et le comprendre. Je comprenais à présent pourquoi Rayane est parti de Lyon pour venir ici. Je suppose qu'il s'agit de son papa. Il ne lui ressemble pas trop mais on voit tout de même un air de famille. Je m'asseyais sur la chaise dans un des quatre coins de la chambre. Rayane s'asseyait sur le lit aux côtés de son père. Cette scène me prenait aux tripes. Je ne savais pas depuis quand il était malade ou même combien de temps il lui restait à vivre si seulement il y avait encore de l'espoir. Je ne savais rien, mais j'étais prête à tout assumer pour Rayane. Je ne le connaissais que depuis quelques heures pourtant j'avais la sensation que je pouvais lui faire confiance. Et que surtout il était pas comme les autres. Je savais pas si cette intuition serait la bonne. Je l'espérais. Mais j'étais prête je sais pas, à de nouveau y croire. Qui sait ? Tout est possible selon lui.

LejosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant