16. Rayane

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Voilà trois jours que je roulais inlassablement seul dans ma voiture à pleurer. Trois longues journées pour finalement retourner à Lyon. À la case départ. J'ai quasiment repris aucune route que j'avais pu prendre à l'allée. Tous les commentaires que Denitsa me disait sur la route me revenaient en tête. Rosas aussi était une grosse claque quand je voyais le panneau de cette sortie. Et j'avais dû me faire violence pour ne pas m'arrêter dans cette même ville. Surtout tout faire pour ne pas retourner sur mes pas. J'avais envie de pleurer à longueur de journée. D'ailleurs je me gênais pas. Personne n'était là pour me poser des questions.
En remontant en France je me revoyais dans le bus de l'allée à surveiller qu'un vieux pervers n'allait pas lui sauter dessus. Finalement heureusement que j'avais été là. Pour une fois que j'avais servi à quelque chose. Ça me donnait le petit sentiment que je ne lui avais pas fait que tu tord. J'avais réussi à la faire partir. J'avais réussi à la faire fuir. Il faut quand même être sacrément fort, non ? J'aimerais égoïstement qu'elle pense à moi exactement de la même façon que moi. J'aimerais ne pas être la cause de ses peines. J'aimerais qu'elle oublie tout. Qu'on recommence encore une fois. On fout tout en l'air. Et tous ces non dit qu'on a jamais réussi à dire. Petit à petit, pas à pas j'avais eu envie de respirer son corps. Je pouvais presque la visualiser, la matérialiser juste à côté de moi. J'aurais aimé qu'elle m'enseigne plus vite tout c'que j'avais été incapable de comprendre tout seul. Même si j'étais pas sûr de moi, même si j'étais foutrement indécis j'aurais aimé qu'elle me force. Mais elle n'était pas comme ça. Et j'le savais parfaitement. J'aurais dû me battre pour elle. Mais j'suis bien trop lâche et trop con pour m'en apercevoir plus tôt.
Retour aux sources donc. Tout ici me rappelait mon ancienne vie qui était en train de me rattraper. Et machinalement je retrouvais le chemin de ma propre maison. Ces derniers jours j'ai dormi à droite à gauche dans des hôtels parfois pas très propres à souvent regarder une femme dormir, les cheveux étalés sur les oreillers. On s'était même bourré la gueule ensemble. Elle m'avait avoué des trucs sur elle, qui m'avaient foutu des frissons. Je regardais ma rue défiler sous mes roues sans rien pouvoir y faire. J'étais revenu sur mes propres pas. Je me garais en bas de ma résidence et descendais avec mon sac à dos jeté sur mon épaule. Je montais les étages et arrivais derrière la porte. J'avais envie de faire demi-tour et de retourner à Séville. Mais je ne savais même pas où elle était partie. L'Espagne et la France sont des pays vastes. Paris en elle même est une ville gigantesque. Je ne savais rien d'où elle habitait exactement. J'avais aucun foutu moyen de la retrouver. Je devrais sûrement me résoudre à l'oublier. Ça n'aurait pas été question de Denitsa ça n'aurait aucunement été un problème. En fait je n'aurais eu aucun problème. Tourner le dos et oublier le dos ça avait toujours été un jeu d'enfant. Mais cette femme avait tout changé. J'pensais même pas que la sensation de manque pouvait être plus insupportable que celui de la nicotine dans un système nerveux. Le manque c'est pire que tout. Et ça ne fait que trois jours. Comment j'allais faire ? J'étais à peu près sûr que je la reverrais jamais. Avant que toute cette histoire ne commence j'avais déjà pris mes précautions par rapport à la mort de mon père. Je savais que l'émotion m'aurait empêché d'être lucide. Alors j'avais pris les grandes décisions à tête reposée. J'avais déjà tout fait. Le reste de la famille, - c'est-à-dire peu de personnes n'avaient eu qu'à finaliser.
Alors l'après-midi même je devais me rendre dans un des cimetières de la ville. Je m'habillais tout en noir. J'allais rechercher la guitare.. La fameuse guitare et jouais. J'oubliais tout un instant. Je décidais précipitamment d'apprendre de nouvelles chansons. Des chansons qui me faisaient toutes penser à elle. Elle quittait pas ma tête. C'est ça aimer ? C'est n'avoir qu'une personne en tête ? C'est ça ? Putain j'avais envie de remonter le temps. Je changerais tellement de choses. J'ai été tellement con sérieux. Et maintenant elle est partie. Et je n'ai aucun moyen de la retrouver. Me résoudre à l'oublier ? Je savais déjà même pas ce qu'il se passait dans mon crâne. Je me levais et retournais dans ma voiture. Je pleurais un bon coup avant de démarrer et de me rendre à l'enterrement de mon père.

LejosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant