8 • Comme une proie

127 14 0
                                    

— Que se passe-t-il ? je demande.

  Le plus grand, l'homme aux cheveux noirs me prend par les bras. Je me débat comme je peux et il me chuchote à l'oreille :
— Tu vaux très chère. Ça rapporte beaucoup les enfants des chasseurs du Caulus. Surtout une jeune fille.

  Tous rient. Même Thaddeus, le plus âgé des quatre.

— Alaric garde bien ses bras immobiles. Isaiah ramènent les chevaux ici, ordonne Thaddeus.

  Le plus arrogant, celui qui a un nez fin et des yeux bleus clairs se rapproche de moi toujours avec ce sourire.

— Je vais bien m'occuper de toi avant qu'on te livre.

Il dépose sa main sur ma bouche et mon nez. J'inspire le peu d'air qu'il y a, néanmoins je vacille. Je commence à perdre connaissance. J'essaye de respirer. Ensuite tout doucement, je me sens partir. Et je ferme les yeux, perdant bataille contre cette volonté de rester éveillée.

  J'ai mal à la tête. J'essaye de bouger mais mes pieds et mes mains sont ligotés. Je rebondis. J'ouvre les yeux. Un cheval. Je suis couchée sur le dos de l'étalon tel un sac à patate. Mes pieds pendent de l'autre côté de la bête alors que mes bras et ma tête pendent du côté opposé. Quelqu'un est sur la jument en train de guider celui-ci. Les souvenirs me reviennent. J'ai été agressé par quatre hommes et maintenant ils m'emmènent je-ne-sais-où. Que vont-ils me faire ? Me vendre telle une marchandise ? Non ! Je ne peux pas. Un chasseur ne peut pas être chassé. C'est ironique en y pensant. J'ai envie de crier mais je suis bâillonnée. J'entends la voix d'Alaric.

— Et Isaac, elle est toujours inconsciente ?

  Il acquiesce. Ça doit être le dernier. Celui qui m'a bloqué l'air. Ça me dégoûte qu'il soit si près de moi sur le même cheval. Il n'a pas dû remarquer que je suis réveillée.
  Tout doucement, nous nous arrêtons. Une personne leur demande ce qu'ils font avec moi. Sauvez-moi s'il vous plaît ! Je relève la tête et crie du mieux que je peux avec le gros tissu dans ma bouche. Je le supplie des yeux de me sauver.
C'est un garde royale.

— Qui est-ce ? demande-t-il en me jaugeant du regard.

— C'est la fille d'un chasseur. Elle nous a affirmé qu'elle vivait à Caulus.

     Je suis morte dès l'instant où ils ont su qui j'étais. Le garde me dévisage en hésitant mais nous laissent quand même entrer dans l'enceinte des remparts de la ville. Je vois pleins de marchands, de paysans et beaucoup de miséreux dans les rues qui nous regardent d'un œil étrange. Nous ne tardons pas à arriver au château royal. Je vais mourir si je reste longtemps ici, loin des miens. J'espère qu'ils ont remarqué ma disparition. Je ne peux pas rester avec des nobles. Je ne sais même pas ce qu'ils vont me faire. Peut-être me torturer ou peut-être demander à ma famille de se soumettre à eux. Mais je leur interdis de succomber à ça même si ma vie est en jeu.
  Alaric me prend en sac à patate puis me dépose par terre. Isaac m'empoigne par le bras droit et je peux enfin regarder autour de moi correctement. Des gardes royales partout. Comment vais-je sortir d'ici ? On se promène dans des dizaines de couloirs pour arriver devant deux grandes portes en bois. Des gardes l'ouvrent sans nous regarder. On entre dans la grande pièce où on fond un homme est assis sur un trône. Ça doit être le roi. Il parle à un homme qui se tient comme s'il avait peur. Le roi ou le bouffon comme je l'appellerai passe son regard sur nous. D'une voix forte et puissante, il nous demande ce que nous vaut cette visite.

— Sa Majesté voudrait bien nous donner une gratification en échange de ce présent, murmure presque Thaddeus.

   Isaac me pousse mais je ne tombe pas. Heureusement ! Être à genoux devant cet homme serait un sacrilège.

— Pourquoi voudrai-je vous gratifier ceci ?

— C'est la fille d'un chasseur, Mon Seigneur, informe Alaric.

Leur "seigneur" hausse des sourcils. Il se lève et s'approche de moi. Je le dévisage comme il le fait avec moi. Je ne suis pas une marchandise, monsieur.

— Comment te prénommes-tu jeune fille ?

— Je n'ai rien à faire ici. Ces hommes m'ont enlevée de ma demeure.

  Il fixe mes quatre kidnappeurs puis il repose ses yeux sur moi.

— Prosternes-toi.

  Je manque de m'étrangler. Quoi ? M'incliner devant cet homme ? Mais pour qui se prend-t-il ? Pour Dieu ? Mon œil, oui. Je reste la tête haute. Forte. Il m'analyse ensuite il gratte son menton où il y a une barbe naissante.

— Non.

— Pourquoi dont ?

— Dieu Seul le saura. Tu n'es pas Dieu à ce que je sache.

  Une gifle retentit sur ma joue. Je lève ma tête sans montrer ma douleur brûlante. C'est la deuxième gifle que je reçois depuis ma naissance. Après celui de mon père. Mais je ne perds pas de dignité devant cet homme.

— Comment oses-tu me parler ainsi, sale paysanne ?

  Je perds mes moyens et commence à rager. Je ne peux garder cette colère qui emplit mon être.

— Je suis fille de chasseur et non paysanne !

  Il sourit et je plaque une main sur ma bouche. Quel ego ! Qu'est-ce que j'ai dit ? Tu n'aurais pas pu te calmer ? Est-ce si difficile de te maîtriser, idiote ?
  Il se tourne vers les quatre personnes derrière moi.

— Vous aurez votre récompense. Maintenant, sortez.

  Je les entends remercier ce roi au stupide cerveau. Il se rassoit sur son trône puis il appelle des domestiques. Trois femmes se tiennent habillées de la même façon.

— Préparez-là pour mon fils. Dans quelques heures, il doit revenir de sa randonnée.

  Depuis déjà une dizaine de minutes, ces femmes me nettoient de la tête au pied. Quand je sors nue comme un verre de terre, il me donne un uniforme de domestique. Je refuse de porter ça. Et elles me préviennent que si je ne porte pas ceci, je vais rester nue. Je n'ai pas envie de rester dans la tenue d'Eve alors je me vêtue de leurs vêtements.
  Elles m'ont laissée dans la chambre de ce prince. Je suis depuis une heure devant sa fenêtre à guetter chaque recoin pour sortir du château. Mais il y a chaque garde dans chaque périmètre de cet endroit.
  La porte s'ouvre et j'entends une voix.

— Mon père m'a dit que j'ai une très belle surprise dans mes appartements, j'espère qu'il a raison.

Sang de chasseurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant