40 • Tout s'enchaîne

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   La première chose qui me vient en tête est de sortir d'ici. A-t-il su notre plan ? Mais, comment si c'est le cas ? Il y a des fenêtres qui pourraient être ma porte de sortie. Néanmoins, j'en oublie presque le garde. Il est bien trop fort pour moi. Si j'étais un homme, je lui aurai fait manger ses bottes. Quelques soit le but de Gormas, il faut que je contraigne son plan. Hors de question d'être dans une situation de faiblesse. Je suis la fille d'un chasseur. Honte à moi si je ne sais pas me défendre. Mon père m'a appris quelques bases pour me battre quand j'étais petite. Il voulait un garçon. Cependant, ça ne m'a rien servi... La peur est un sentiment angoissant qui enveloppe chaque parcelle de notre corps.
     La porte s'ouvre sur le monstre de mes cauchemars. Il arbore un sourire pervers. Il ordonne au garde de me lâcher.

     — J'ai vu votre jeu à la minute où vos yeux ont croisés les miens. Vous avez vraiment cru que je ne connaissais point votre père ? L'unique chasseur et leader de votre peuple. Celui qui est proche de vous lors d'une bataille mais, inaccessible pour autant. Un trophée de taille pour ma personne.

     — Vous êtes un monstre...

     Il ricane à mon insulte. Aucune rage ne traverse ses pupilles.

     — Je ne suis qu'un homme.

     — Le château est attaqué ! crie un garde tout d'un coup.

     Il me fixe puis attrape mon poignet. Il tire sur la tête d'une statuette et un passage secret s'ouvre. Si nous y entrons, personne ne me retrouvera. Je résiste pour ne pas y entrer toutefois, un garde me pousse de derrière. Il referme l'entrée sur nous et mon cœur bat de plus en plus vite. Je pourrai presque l'entendre de mes propres oreilles. Le couloir est noir et pourtant le duc sait où nous amener.
     Encore des couloirs, encore et encore... Je me demande même si nous nous ne sommes pas perdus dans ce labyrinthe de passages sans fin. Alors que je pensais ne jamais retrouver la lumière du jour, une entrée s'ouvre devant nous. Un autre couloir mais, celui du château éclairé de ses grandes fenêtres. Au loin, j'entends des bruits d'épée et de bagarres. Je crie pour qu'on vienne m'aider mais Gormas plaque sa main sur ma bouche.

     — Tu devras mieux te taire avant que je ne te punisse, me conseille-t-il d'une voix froide.

     C'est étrange venant de sa part d'être austère. Et je ne hurle plus prenant sa menace sérieusement. Nous continuons à courir jusqu'à ce que nous tombions sur Dryadalis. Ses yeux d'un bleu profond m'ont manqué. S'il est là, c'est que les autres aussi. Comment ont-ils su où me trouver ?
     Le silence est lourd. La main de Gormas se serre sur sa prise. Et ça fait très mal étant donné que c'est mon poignet.

     — Lâche la fille, ordonne Dryadalis.

     — Et à qui ai-je l'honneur ?

     — Peu importe qui je suis. Tu lâches la fille. Tu n'as aucun droit sur elle.

     — Comment osez-vous me tutoyer de la sorte ? Vous n'êtes qu'un simple paysan.

     — Chasseur. Je suis le fils d'un chasseur.

     Gormas se tourne vers moi et me dévisage comme s'il avait compris qui il était. Un sourire imperceptible se dessine sur ses lèvres. Il me tire brusquement provoquant un cri de surprise de ma part. Sortie de nulle part, il pointe un couteau sous ma gorge. Je peux sentir la lame froide frôler ma peau. Malgré mon dégout, je me colle à Gormas pour ne pas toucher l'arme qu'il me colle.

     — Et si je ne veux pas ?

     — Je te tuerai de mes mains.

     Il ricane près de mon oreille. Je ne sais pas s'il pourra m'aider. Il a quand même un couteau qui me blessera à n'importe quel mouvement. Dryadalis me regarde étrangement comme s'il me passait un message de réconfort. Comment rester sereine alors qu'il est dans une position délicate ? Peut-il se battre au moins ? Il est partie avec Pythonissam pour apprendre pour pouvoir enseigner le savoir à chaque peuple du Caulus.

     — Il vaut mieux que tu la lâches.

     — Êtes-vous idiot, jeune homme ?

     Avant qu'il puisse rajouter quelque chose, j'entends un objet se fracasser derrière nous. L'arme tombe de sa main et je sens un poids en moins. Il m'a relâchée. Dryadalis vient à moi et en me tournant, je fais face à la marquise qui reste paralysée sur le corps inerte de Gormas. Avec une joie incomparable, je la prends dans mes bras. Sans elle, je ne sais même pas si je serai encore en vie.

     — Merci, merci.

     Elle réagit et me serre contre elle.

     — Ça ne fait rien. Je me devais de vous aider.

     — Vous devriez fuir avant que quelqu'un tombe sur vous. Ils ne me croiront pas si je leur dis que vous êtes avec nous.

     Elle hoche la tête et cours dans un autre couloir. Dryadalis me contemple presque. Cela me met un peu mal à l'aise. Je lui demande alors où est mon père. Il reprend ses esprits et me conduit dans les caves du château. Il n'y a personne. C'est impossible. Il devait être là. Je cherche dans chaque cellule. Vide. Tout est désert et sans vie. Je réprime un sanglot quand j'entends mon nom. Tout en haut des escaliers, mon père se tient fièrement. Je me précipite sur lui et saute dans ses bras. Il me serre fort contre lui. Je m'en contrefiche de ses foutues frissons qui me dégoutent. C'est mon père. Il me protègera toujours.

     — Ne me quitte plus jamais, Stallia. Ne me quitte plus jamais...

     Je ne réponds pas et me serre un peu plus contre lui. J'espère de tout cœur.

     — Stallia... Le duc m'a tout raconté. Dis-moi que c'est faux.

     Mes lèvres tremblotent d'elles-mêmes et sans pouvoir m'arrêter, j'éclate en sanglot. Il jure dans sa barbe et il me fixe droit dans les yeux avant de me dire, déterminé :

     — Je laverai ton honneur par le sang !

Sang de chasseurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant