7 • Méfiance

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Elle me regarde désormais comme si j'étais une personne méprisable. Tu te trompes de personne, Mademoiselle la Bourge.

      — Tu es une paysanne ?

Je ris sans joie. Nous avons jamais été paysans. Non pas que c'est déplaisant toutefois nous ne voulons pas être soumis à des nobles. Et nous le seront jamais. Si nous avons besoin de quoi nous nous nourrir, nous irons en acheter à des marchands ou tout simplement, chasser dans les bois. Nous nous débrouillons très bien depuis des générations et ça continuera. Je lève bien haut ma tête, fière de l'être et dit avec fermeté :

     — Non. Nous sommes des chasseurs.

Elle écarquille les yeux puis elle me regarde différemment. Je ne saurai le décrire.

     — Donc c'est vous qui ne vous soumettez pas aux lois de la royauté. Je suis impressionnée par votre courage et votre force de résister au pouvoir royal.

Je reste interdite. Vient-elle de nous complimenter ? Une bourgeoise hautaine vient de nous donner des louanges. Je n'aurai jamais cru. Peut-être n'est-elle pas orgueilleuse à ce que je croyais. Je ne sais pas quoi dire face à ses éloges. Mais je ne peux pas donner vite ma confiance. Peut-être est-ce juste un masque. Un silence règne mis à part les chevaux qui se font entendre par d'étranges bruits.

     — Tu te moques de moi ?

     — Non, je le pense de tout mon cœur.

Je n'arrive pas à digérer ces dires. Pythonissam nous a toujours enseignés qu'ils sont malveillants, sournois et sont des charlatans. C'est peut-être qu'un jeu de rôle. Elle doit même rire de l'intérieur.

     — Vous n'avez pas l'habitude des compliments ?

     — Arrête de me vouvoyer.

Elle hoche légèrement la tête.

     — Pourquoi es-tu si courtoise avec moi ?

Elle semble surprise par ma question. Mon regard s'attarde sur elle : la fille porte beaucoup de couleurs vivantes sur sa robe florale ; ses cheveux blonds pareils à du blé sont nattés ; sa bouche est fine mais d'un rose presque rougeoyant.

     — Je respecte toute personne. Aucune classe n'est inférieure à moi et ma famille.

     — Je me prénomme Stallia, dis-je subitement.

     Elle semble déconcertée puis elle sourit et me complimente :
     — C'est beau !

Je lui rends un sourire. Pendant toute la matinée, nous passons du temps à raconter notre vie, nos journées et ce qu'on aime faire. Enfin, de compte, elle est peut-être digne de confiance.
La nuit commence à tomber. Et je pense que mon père doit déjà s'inquiéter que je ne sois pas de retour. Je dis à Odile que je dois m'en aller qu'il se fait tard. Nous nous saluons puis je me mets au galop vers le village.

Le ciel est déjà noir, mais les étoiles m'accompagnent. Je frissonne par le vent qui caresse ma peau. Les branches des arbres bougent en rythme et mon collier tape chaque fois ma poitrine. J'entre dans la forêt. Je serai bientôt chez moi. Il faut que je me dépêche de rentrer. Il ne reste que quelques dizaines de mètres.

Néanmoins, un loup surgit devant notre route. Le cheval crie d'effroi. Je le calme, mais c'est assez difficile. Son regard gris allant d'un blanc me transperce. C'est le loup d'autre fois. Je le sais. Je suis même sûr. Je prends le chemin à droite, mais le prédateur m'en empêche. Je prends la gauche, même chose. Je respire. La dernière fois, je me suis sortie de ce pétrin. Même si à vrai dire, c'est quand Solem est apparu qu'il a disparu. Ça ne doit pas être difficile. Je peux faire demi-tour. Je me retourne, mais le loup court et s'arrête devant nous. Il ne nous laissera pas partir. Je descends du cheval en le calmant du mieux que je peux, mais il n'arrête pas de crier. Et c'est le cri de trop qui fait grogner le loup et fait partir le cheval à toute vitesse.

     — Non !

Pourquoi suis-je descendue du cheval ? Le loup me défie du regard puis j'entends un coup de feu qui s'abat dans un arbre. Le prédateur grogne, mais part après d'autres coups de feu. Je me sens soulagée. Un homme d'une trentaine s'approche de moi avec un fusil à long canon.

     — Mes salutations, mademoiselle.

Je balaie la politesse et le remercie de suite.

     — Que fais-tu ici ? Toute seule ?

     — Je rentrai chez moi.

Il me dévisage du pied à la tête. Ça me met mal à l'aise. J'entends d'autres personnes arriver ici.

     — Veux-tu que nous te ramenions chez toi ?

Dois-je accepter cette proposition ? Je ne le connais à peine. Je regrette d'être partie aussi loin de mon village. J'aurai pu rester dans la forêt cependant, je n'aurai pas fait une belle rencontre. Odile est une fille géniale. Même si ce n'est qu'une bourgeoise, cette fille n'est pas hautaine ou ne prend pas les gens de haut. Maintenant, j'aimerai qu'elle soit là. Peut-être qu'elle saurait quoi faire dans ce genre de situation.

     — Je pense pouvoir retrouver mon chemin avec mon cheval.

Je me retourne et je me souviens que Soleil s'est enfuie. Il fronce des sourcils comme si j'avais dit une sottise ensuite, il ricane. Je ne me sens pas trop en sécurité en sa présence. Une voix grave me fait sursauter.

     — Et Thaddeus, tu as trouvé quelque chose ? On t'a entendu tirer.

Un autre homme plus jeune surgit suivis de deux autres du même âge, je crois. Les yeux bleu clair du premier me dévisagent quand il m'aperçoit. Un sourire narquois se dessine sur ses lèvres. Je n'aime pas la tournure que prend cette situation.

     — Oh, mais qui est-ce ?

     — Une gente demoiselle qui allait rentrer chez elle, répond ce Thaddeus d'un ton naturel.

Un mécontentement se fait sur le visage de ce jeune homme. Il s'approche de moi pour baiser ma main cependant, je la retire aussi vite que je le peux. Je ne me laisse pas toucher ainsi même si le torse de cet inconnu de l'autre fois reste gravé en moi.

     — Elle a du caractère la demoiselle, commente un autre.

Celui-ci est plus grand que le premier. Il a des cheveux noirs qui tombent sur la nuque. Ses yeux marrons sont froids, mais décèlent de la malice.

     — Je dois rentrer. Ma famille doit s'inquiéter.

   Thaddeus se rapproche pour me demander où je vis pour me ramener à la maison. Devrai-je leur dire ? De toute façon, je ne pense pas que ce soit pire que me retrouver seule avec des loups.

     — C'est le village Caulus, à des centaines de mètres d'ici.

   Ils rient tous telles des faucons puis ils s'arrêtent quand ils voient que je suis sérieuse.

     — Tu es fille d'un chasseur ? demande Thaddeus, abasourdi. Et tu es toute seule ? Pas d'autres chasseurs ?

   J'acquiesce. Ils se regardent les uns des autres puis un sourire s'accroche à leurs visages. Mais je vois que c'est un sourire mauvais. Je sens que ça va mal se terminer.

Sang de chasseurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant