25 • Jeux dangereux

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Je suis assise sur une chaise dans la cuisine sous les regards des domestiques. Elles m'ont apportée de l'eau et une serviette pour que j'essuie ses larmes abondantes. Cependant elles sortent tous après. Je me retourne et vois la marquise me dévisager. Elle s'assoit devant moi et lève mon visage du menton.

     — Que vous a-t-il fait pour que vous l'humilier ainsi devant ses sujets ?

     Je toussote puis d'une voix cassée, je réussi à dire :
     — Rien. Il n'a rien fait. C'est cela le problème. Il m'a juste laissé entre les mains du duc de Gormas.

     Elle pose sa main sur ses lèvres d'un air outré.

     — J'ai eu vent de sa réputation de Dom Juan. Je ne peux supposer ce qu'il vous a fait mais je pense que ça vous a blessé au point de gifler un prince. Mademoiselle Stallia, faites-vous contenance. Ce n'est pas de cette façon que nous nous comportons devant un prince.

     Je ris sarcastiquement.

     — Il n'est pas un prince même si son titre le nomme ainsi. Je suis navrée de vous avoir fait déshonneur. Vous êtes une bonne personne contrairement à ce qu'on m'a racontée sur la noblesse. Et s'il vous plaît, arrêter de me vouvoyer.

     — Vous êtes-Tu es une jeune femme forte et avec des belles valeurs. Sache que ces hommes n'en sont pas. Mais le prince est d'une grande bonté.

Je souris et on retourne dans le salon. La joue de Nathanael est légèrement rouge. La marquise m'encourage du regard. Je m'approche du prince. Ses yeux reflètent de la peur comme s'il pensait en recevoir une autre. Ça m'en ferait presque rire. Quand je suis à sa hauteur, je lève la tête pour cause de ma petite taille. Ses yeux métalliques s'impriment dans les miens.

     — Votre Altesse.

     — Mademoiselle Stallia.

Le silence qui suit est pesant. Je me racle la gorge puis d'un air hypocrite, je lui dis :
     — Je suis fort peinée de vous avoir gifler sans raison valable.

     — Vous êtes pardonnées.

Nous restons ainsi à nous fixer longuement avant que la marquise tape des mains et fait redescendre cette tension ardente. Elle nous demande à tous de rejoindre la salle à manger.
Je suis assise juste en face de Nathanael comme si Dieu voulait que mon destin soit lié toujours à lui. Odile cogne mon bras de son épaule et me chuchote à l'oreille :
     — Il te dévore des yeux.

     — Balivernes !

Je pense avoir parler trop haut au vu que tous me regardent. La marquise de Granada me demande de partager mon opposition sur le sujet dont nous parlions, Odile et moi.

     — Je n'étais pas d'accord sur le fait...

Je suis déconcertée par les yeux de Nathanael qui me brûlent de l'intérieur tels un brasier voulant sortir d'une minute à l'autre. Une petite aiguille plantée sur son ego ne fera pas de mal.

     — Sur le fait que le prince a beau être un noble, il n'a pas de beaux yeux.

Mensonges... Pourquoi ai-je dis une telle idiotie ? Quel repartie sans intérêt. Vraiment, c'est la chose la plus idiote que je n'ai pu jamais dire. Certes, ils sont beaux. Je pourrai m'y perdre. Nathanael sourit ironiquement comme s'il avait perçu mon jeu.

     — Et pourrai-je savoir ce qui vous plaît chez moi autre que mes yeux ?

Question piège ? Je ne sais pas. Je ne peux rien lui reprocher sur son apparence. Dieu seul a pu Le créer ainsi : ses cheveux châtains bien coiffés alors que d'habitude ils retombent sur son front, son corps musclé qui est caché par cet accoutrement de prince, ses lèvres qui m'attirent de plus en plus que je les regardes. Stallia ! Ça suffit ! Je vais me perdre si je continue.

     — Madame la marquise de Granada, quand allons-nous pouvoir partir ? Non pas que ce logis est désagréable mais j'aimerai retrouver ma famille.

Je le vois sourire du coin de l'œil. Je vais le lui faire ravaler s'il continue.

     — Je vais vous préparer un carrosse et ces deux chevaliers présents vous tiendrons compagnies.

     — Je vous remercie pour tous ceci mais un cheval me suffit.

     — Acceptez au moins la protection de ces nobles chevaliers.

La voix de Nathanael resurgit nous coupant cours à notre discussion.

     — Je me joins à vous. Justement je devais m'en aller. Notre discussion se remettra à plus tard, marquise de Granada.

     — Serai-ce sensé, Votre Altesse le prince ? demande la marquise.

     — J'ai la sécurité de vos deux chevaliers.

Nous sommes sur le perron du château avec une petite valise où la marquise a tenu compte de me donner quelques robes dont elle n'utilisait plus. Je câline ma chère amie Odile. Elle a décidé de rester encore quelques jours avant de retourner voir sa famille. Je monte sur le cheval qu'on m'a attribué puis d'un geste amicale, je fais mes adieux à la marquise de Granada et Odile. Deux personnes de la noblesse dont je n'aurai jamais cru que je les côtoierai. Je tape doucement le cheval et nous galopons dans la forêt suivit des deux chevaliers et de Nathanael qui me rattrape. Un sourire niais arbore ses lèvres.

     — Pourquoi tu me regardes ainsi ?

Il rit. Je ne l'avais pas remarqué mais quand il fait ça, ses yeux se plissent et deux fossettes se creusent dans ses joues. Adorable. Qu'est-ce que je raconte ?

     — Tu me tutoies maintenant ?

     — Oh, excusez-moi, Votre Altesse le prince de Rollalya. Je ne pensais pas vous offusquer.

Cette fois-ci, il éclata de rire à gorge déployée puis reprend contenance. On oublie vite les deux chevaliers derrière nous. La forêt Sombre porte bien son nom. C'est un peu effrayant de se promener là dedans. Heureusement, j'ai trois hommes pour me protéger. Toutefois je ne sais pas si je dois leur faire confiance. La forêt cache tous ses secrets et referme les plus ténébreuses. Elle y loge des habitants peu fréquentables et chaque jour est une surprise.
     Après un long trajet, nous nous arrêtons pour faire une pause et donner à boire aux chevaux près d'un ruisseau. On prend place en dessous d'un arbre tandis que monsieur Fernant et Cologne discutent au loin.

     — Stallia, pourquoi es-tu partie loin de ton village ?

Mon visage doit s'assombrir à cet instant. J'ai envie de garder mes larmes à l'intérieur mais c'est plus fort que moi. Quelques perles salées arrivent à couler. Nathanael s'approche de moi pour essuyer cette douleur, cette tristesse. J'arrive à prononcer quelques mots sans trembler.

     — Rien de bien particulier. (J'ai envie de rire juste à dire ces quelques mots qui ne reflètent pas mes émotions). Une attaque s'est produite dans le village alors que mon père était avec toi et Vinandi.

Il pose une main sur mon épaule mais je frissonne de dégoût comme à mon habitude. Quand aurai-je oublié ça ? Quand pourrai-je prendre mon père dans mes bras sans être effrayer ? Je n'arrive toujours pas à supporter le toucher d'un homme. Il le remarque et me demande si j'ai froid ou que je suis malade.

     — Tu n'arrêtes pas de frissonner.

Duc de Gormas, voilà la personne qui faudrait pendre sur le champs. Ce criminel. C'est ma maladie, mon parasite qui me ronge de l'intérieur. Je ne sais pas si je trouverai un antidote pour guérir ce mal en moi.

Sang de chasseurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant