Chapitre 8

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Aimée :

Une fois dans le couloir, je le cherche de mes yeux perçants jusqu'à ce que la sonnerie ne me ramène à la réalité. Frustrée comme jamais, j'entre dans mon cours de sciences. Je m'arrête soudainement lorsque je trouve enfin la personne je cherchais désespérément depuis des minutes entières assis à côté de ma place. Comment j'ai pu oublier ...

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Je l'ai enfin trouvé, mais maintenant que je suis devant lui, je ne sais pas quoi lui dire. Les sons qui devraient sortir de ma gorge sont bloqués instinctivement, me faisant passer pour une vraie demeurée. Mr. Sema me le fait d'ailleurs remarquer d'un air particulièrement mauvais :

- Alors, Mademoiselle Dutertre, vous voulez rester debout encore longtemps ? J'ai un cours à donner je vous rappelle. Même Mr. Dolan est présent, c'est pour vous dire !

Sous les sourires discrets de mes camarades, mes jambes se dirigent d'une façon robotique, mes béquilles ne m'aidant pas vraiment, vers Nathan. Je pose mon sac à terre puis essaye de suivre le cours pour la première fois depuis des semaines ... Seulement, au bout de quelques minutes, la raison me revient. Une pensée me traverse l'esprit comme un couteau en plein cœur. Elle me rappelle à moi-même que je ne peux pas lutter. Ce que je suis en train de faire est humainement détestable. Je ne peux pas l'éviter par peur qu'il ne me rejette. Pour une fois, c'est à moi de venir vers lui, c'est bien la seule façon de savoir ce qu'il s'est passé avec Dan, s'il lui a dit toute la vérité. Même si j'ai une voix dans ma tête qui m'implore de ne pas me mêler de ça, mon cœur me dicte le contraire. Il faut que je sache. Quoi qu'il en coûte. Quand je lui écris ce mot, je ne pense à rien d'autre. J'oublie Steve, ce taré, et même ma propre dignité.

"Il faut qu'on parle, suis-moi à la fin du cours stp, c'est important"

Quand je la lui donne, en lui serrant la main, je sens une vive tension dans tout son corps. Il serre le mot dans son poing droit. Il n'effectue aucun mouvement vers moi et déplie très soigneusement le papier que je venais de déchirer de mon actuel cahier. Lorsqu'il le lit, mes yeux fixent l'horloge au-dessus du tableau indiquant que le supplice ne va encore durer que dix minutes avant que cela ne sonne.

Les 120 premières secondes passent si lentement que je m'interdis de changer pour la millième de fois de position sur cette chaise plus qu'inconfortable en cet instant. Pendant les huit minutes restantes, mes pensées me submergent, trop encombrées pour que j'en comprenne le sens. Au début, je me demande ce que je vais faire s'il ne sait pas pourquoi Dan a réagi de cette façon envers lui. Est-ce que j'aurais le courage de tout lui avouer ? Serais-je assez forte pour ça ou la lâcheté va –t-elle me rattraper comme une ombre me suivant à la trace chaque minute de chaque heure de chaque journée depuis des mois.

Et qu'est-ce qu'il se passerait s'il était au courant ? Je ne pourrais pas supporter ce regard empreint de pitié mêlée à de la rage. Peut-être m'en voudra –t-il ou au contraire comprendra -t- il enfin pourquoi il faut qu'il reste loin de Dan mais aussi de moi. Je n'ai pas envie de revivre les mêmes événements que l'année dernière, mais surtout je n'ai plus la force. Quand la cloche sonne, il n'y a qu'une seule chose qui me traverse l'esprit, et elle me fait mal, plus que je ne veux l'admettre.

"C'est la dernière fois que tu adresses la parole à Nathan, tu le dois au moins à lui mais aussi à toi-même"

Une partie de moi espère qu'il ne m'écoutera pas, qu'il ne me suivra pas. Mais, lorsque je quitte le cours, je sens sa présence derrière moi. Une pointe de remord dans l'air, je me décide de continuer de monter les escaliers. Sans me retourner, je me dirige vers l'un des seuls endroits où je me sens libre d'être la personne que j'ai envie être. Je prends un couloir adjacent, pousse d'un grincement une vieille porte enfoncée dans le mur comme si elle existait depuis des centaines d'années. Lorsque j'atteints le toit du bâtiment, une pression à m'en faire mal au ventre s'amoindrit petit à petit. Les nuages obscurcissent le ciel, d'un gris qui n'augure rien de bon. Assez ironique compte tenu de la conversation que je vais devoir aborder avec Nathan.

I don't wanna miss a thing ...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant