Chapitre Deux.

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- Rappel; le langage des signes est en italique et lorsqu'ils écrivent, c'est en gras
Thx. xx

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« On doit prendre les petites décisions avec sa tête, et les grandes avec son cœur. »
- Henri Jackson Brown

***

          Le garçon n’avait pas été loin, il s’était juste laissé tomber dans le couloir au bout de cinq mètres, ramenant ses genoux contre son torse en enfouissant son visage dans le tissus de son jeans. Le couloir n’était pas éclairé, il était trois heures du matin et l’équipe de nuit avait visiblement terminé les contrôles dans cette aile de l’hôpital.

Il était seul.

Le silence l’enveloppait, comme d’habitude, mais il semblait encore plus pesant ce soir-là, comme si en plus d’être sourd, on lui avait enlevé la visibilité. Il se sentait invisible, invisible et indésirable : le garçon qu’il aimait ne le reconnaissait pas. Il ne le reconnaissait plus.

*

_Monsieur Tomlinson ? questionna le médecin qui était arrivé aussi rapidement que Johanna l’avait appelé dès qu’Harry avait déserté la chambre.
_Oui ?
_Quel jour sommes nous je vous prie ?
Le garçon fronça les sourcils et haussa le épaules, visiblement peu disposé à réfléchir ; il était intrigué par les évènements qui venaient de se produire.
_L’année alors ?
_2010.
La bouche de l’homme en blanc se tordit aussitôt en une grimace qui alerta Louis, mais pas plus que le cri de désespoir qui échappa à sa mère.
_Maman ? s’enquit-il alors.
_Louis, quel âge avez-vous ?
Le concerné ne comprit pas immédiatement l’utilité de ces questions, répondant tout de même qu’il avait dix-sept ans depuis trois semaines.
_Maman, quelque chose ne va pas ?
_Qu’avez-vous fait avant d’arriver ici Louis ? attaqua de nouveau le médecin.
_Attendez, pourquoi ma mère est toute blanche ? Et ce sont quoi toutes ces questions ?
_Répondez.
_Je ne sais plus !
Il perdit patience et haussa les épaules, jetant un regard noir à l’homme qui l’interrogeait.
_Madame Tomlinson, puis-je vous parler s’il vous plait ?
Les yeux de Louis s’agrandirent de surprise et la désorientation fut totale. Qu’est ce qu’il avait dit ?

*

Les yeux de Johanna s’était fermée lorsqu’elle s’était appuyée contre le mur du couloir pendant que le médecin fermait la porte. Elle savait déjà ce qu’il allait lui dire.
_Madame, votre fils…
_Souffre d’amnésie, termina-t-elle.
Il leva un sourcil et elle rouvrit ses paupières.
_Je suis infirmière.
_Alors vous vous êtes rendu compte qu’il a visiblement oublié les quatre dernières années de sa vie ; ce qui arrive quelques fois à la suite d’un traumatisme crânien. Cependant, son amnésie n’est que temporaire.
_Il se souviendra ?
La mine grave du docteur éteignit aussitôt la flamme d’espoir qui avait brûlée dans les iris  de la jeune femme le temps d’un court instant.
_La plupart des patient se souviennent madame ; mais certains mettes plus de temps que d’autres. J’ai connu une jeune fille qui au bout de deux semaines retrouvaient déjà la moitié de ce qu’elle avait oublié. Bien entendu, son choc avait été léger.
_Mais ? termina-t-elle sa phrase car elle savait qu’il y aurait une opposition.
_Mais, admit-il, quelques fois, même après plusieurs années, il y a des patients qui ne recouvrent rien.
_Et que faut-il faire alors ?
_Juste avancer ; aller de l’avant et ne plus chasser le passé. Je ne dis pas que ce sera le cas de votre fils madame, loin de moi cette idée ; à l’heure actuelle, nous ne pouvons rien dire sur ceci ; mais sachez qu’il possède une chance sur deux de parvenir à retrouver ce qu’il a perdu. Les cartes sont dans ses mains et les dés sont jetés.
_Vous êtes en train de me dire que c’est le destin qui choisira ?
_Je dis qu’il ne faut pas qu’il abandonne même s’il ne se rappelle de rien au début. Il ne faut pas non plus qu’il s’épuise à vouloir se souvenir, ce n’est pas parce qu’il veut, que cela marchera ; mais la détermination et la volonté seront ses aides.
_Ce que vous dites est contradictoire.
_Car il n’y a pas de notice madame Tomlinson. Certains ont définitivement perdu lorsqu’ils ont abandonné, d’autres ont tout retrouvé.
_Donc vous ne conseillez rien ?
_Il peut juste passer du temps avec ce qu’il a oublié, cela pourrait agir comme élément déclencheur sur sa mémoire – excuser moi madame, on m’appelle au niveau inférieur. Je reviendrais vous voir dans la matinée si vous avez d’autres questions.  
_Attendez ! l’appela-t-elle. Est-ce que vous… Vous pouvez le lui annoncer ?
Elle avait les yeux rougis par la tristesse et le médecin regarda sa montre, il avait une visite de contrôle dans dix minutes pour vérifier l’état d’un patient dans le coma, mais il pouvait s’acquitter de sa demande.
_Oui, se contenta-t-il de répondre avant de lui sourire gentiment et de se ré-engouffrer dans la chambre.
Johanna s’apprêtait alors à le suivre mais elle aperçut une masse de boucles brunes un peu plus loin dans le corridor. Harry ne les avait pas remarqués car il ne les avait tout simplement pas entendus et son visage était caché dans ses genoux.
Elle décida d’aller d’abord voir si le bouclé allait bien avant de retourner voir son fils et s’agenouilla près de lui, lui tapotant légèrement l’épaule en se faisant sursauter.
Il releva aussitôt la tête et ses iris verts embués de larmes se fixèrent avec ceux, tout aussi rouges, de Johanna.
_Harry, signa-t-elle doucement, Harry, ça va ?
Il se contenta de secouer la tête en faisant rouler un nouveau set de perles d’eau salées sur ses pommettes.
_J’ai parlé avec le…
Elle s’arrêta, elle ne connaissait pas le signe pour « médecin ». Il fit aussitôt un signe et elle articula le mot qu’elle voulait, il acquiesça.
_Il m’a dit que Louis allait bien, il a juste…
Une fois encore, elle se mordit la langue et jeta un coup d’œil autour d’elle avant de repérer un chariot abandonné où étaient posé un calepin. Elle se leva, l’attrapa et retourna s’asseoir près du bouclé qui la regardait faire.

Silent Memories.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant