Silent Memories.

Chapitre Cinq.

« Combien de fois la surprise doit-elle être ressentie pour cesser de nous couper le souffle ? »
- Anonyme.

***

          Quatre heures ; l’horloge de la ville venait de sonner quatre heures de l’après-midi et les garçons étaient toujours à l’appartement, assis dans le salon, sur des poufs, le tapis ou le canapé. Ils avaient tous leurs yeux fixés sur l’écran de télévision et aucun autre bruit que celui des enceintes n’était perceptible.
Harry arrivait à suivre sans les sous-titres car il avait été habitué depuis tout petit à lire sur les lèvres, et cela intriguait Louis, qui depuis le début de Big Fish, l’épiait en catimini.
Le bouclé avait beau être sourd, il parvenait sans peine à comprendre toutes les répliques et semblait passionné par le scénario qui ne présentait cependant aucun intérêt pour le plus vieux. Les films à l’eau de rose n’avaient jamais vraiment été sa tasse de thé ; pourtant, quand Harry avait annoncé son choix, il s’était simplement contenté d’hocher la tête pour donner son accord.

« _Il y a un temps où un homme doit se battre et un temps où il doit accepter que son destin lui échappe, que le bateau a levé l'ancre et que seul un idiot insisterait. La vérité, c'est que j'ai toujours été un idiot. »

Les paroles firent écho dans la tête du garçon aux yeux bleus et son attention revint immédiatement à l’écran. Pourquoi cette phrase avait-elle à ce point attiré son attention ?
Parce que oui, il était prêt à se battre, prêt à se battre pour se souvenir de ce qu’il avait perdu, prêt à se battre pour ses souvenirs. Mais jusqu’où était-il prêt à aller ?
Et s’il découvrait que sa vie avait radicalement changé ? Si il s’était passé quelque chose qui avait – sa famille ; tout le monde allait-il bien ?
Son destin lui échappait mais il était près à se battre pour le retrouver.
Non, Louis n’était pas un idiot ; il était déterminé. Déterminé à vaincre cette foutue amnésie car c’était un combat qu’elle avait perdu d’avance.
Il voulait être capable de retrouver la complicité qui le liait avec ces quatre garçons à côté de lui, il voulait se souvenir des gestes qui lui permettraient de comprendre Harry. Il voulait se souvenir des quatre ans qu’il avait oubliés.
Le bateau avait donc peut-être levé l’ancre et s’était éloigné, mais il n’empêche qu’il restait à proximité du rivage. Tout ce qu’il fallait à Louis, c’était désormais une corde et un élan assez grand pour remonter à bord. Remonter à bord de ce bateau.
Retrouver sa vie.
_Louis ? chuchota alors la voix de Niall, assis près de lui.
La voix de l’irlandais le fit sursauter et il tourna sa tête vers lui.
_Oui ?
_Tu vas bien ?
_Pourquoi ça n’irait pas ?
_Je ne sais pas ; ça n’a pas l’air de t’intéresser.
_Si… murmura le plus âgé en se recentrant sur l’action, essayant de se convaincre lui-même par sa réponse. Si.
Son ami n’ajouta rien mais perçut le mensonge à travers la confiance et le sourire que Louis avait voulut montrer.

*

 Lorsque le film fut terminé et que tous les garçons furent repartis sur le campus où ils dormaient, les deux amis se retrouvèrent de nouveau seuls. L’ambiance n’était ni tendue, ni euphorique, elle restait simplement gênée.
Quelque chose tapota l’épaule de Louis et il frissonna, se retournant d’un bond pour se rendre compte qu’Harry se tenait derrière lui de manière maladroite, et lui tendait une feuille.

 « Tu veux commander des pizzas ? » 

Un sourire traversa alors le visage du plus vieux et il hocha la tête. 

« Une indienne ? Sans ananas avec supplément fromage. »

« Comment tu sais ? »

« Comment je sais quoi ? »

« Qu'il ne faut pas d'ananas. »