« Il n'y avait pas d'anormaux quand l'homosexualité était la norme. »
- Marcel Proust.***
~ Une femme d’une trentaine d’année venait d’entrer dans le salon ; ses cheveux noirs étaient coupés en un carré tombant de manière parfaite et régulière sur ses épaules frêles et elle portait un gilet ivoire sur un chemisier rose pâle, sa jupe feutre descendant légèrement en dessous de ses genoux.
Un homme était près d’elle, les tempes grisonnantes et quelques rides aux coins des lèvres ; il venait de refermer la porte d’entrée de manière brutale et avait croisé les bras sur son torse, un air plus qu’agacé peint sur ses traits.
Ses mains se levèrent soudain pour signer, et au même moment, Louis, encore assit sur le canapé, croisa l’éclat de ses yeux. Il comprit instantanément d’où Harry avait hérité ses magnifiques orbes verts avant même d’avoir été présenté aux deux inconnus.
_Bonjour Harold.
_Mon dieu, répondit le concerné avant de se mordre la lèvre, sous le choc. Qu’est-ce que vous faites ici ?
_C’est une manière d’accueillir ses parents ? s’indigna aussitôt sa mère en économisant ses gestes, les coupant à moitié, ce qui les rendit plus compliqués à comprendre.
Le bouclé grimaça, ignorant le regard étonné de la part de son aîné qui n’en revenait toujours pas de la conversation qui se passait devant lui. Harry avait toujours refusé de parler de ses parents, à qui que ce soit ; il ne les mentionnait jamais, n’avait jamais d’histoire ou de souvenirs à raconter les concernant.Et ils étaient là, justes devant lui, dans leur salon.
_Harold ?
Il ne répondit rien, se contentant de plonger son regard émeraude dans celui, exactement identique, de son paternel.
_Tu ne nous présentes pas ? Qui est ton ami ?
Le sang du plus âgé se glaça dans ses veines et il se pétrifia, ses doigts agrippant le coin écru du coussin qu’il avait sur ses genoux. Harry n’avait jamais dit à ses parents qui il était ? Il n’avait jamais mentionné son prénom ? Qu’est-ce que cela voulait dire ? Ne comptait-il donc pas assez à ses yeux ?
Se tournant rapidement vers son ami, le fautif comprit qu’il l’avait blessé et se mordit la lèvre, le suppliant de lui pardonner d’un regard, pour ce qu’il n’avait pas fait, et ce qu’il s’apprêtait à dire.
_Qu’est-ce que vous faite ici ?
_Tu n’as pas répondu à la question.
_Je n’en vois pas l’intérêt.
Une nouvelle lame d’acier se planta dans le cœur de Louis qui peina à garder une respiration calme et contrôlée pour ne pas paraitre fou.
_Harold, change de ton quand tu parles à ta mère.
_Pourquoi ? En quoi vous avez le droit de me poser ces questions quand ça fait plus de deux ans que je n’ai plus de nouvelles ? Pas un seul putain de message !
_Ton langage !
_Merde ! cria-t-il rageusement en même temps que ses signes, les faisant tous sursauter. Merde ! Et merde !
Des larmes de rages commençaient à se former lentement dans ses yeux et au moment où il fit demi-tour pour s’échapper du salon, il croisa les iris bleus, choqués, peinés mais inquiets de son ami, qui sauta sur ses jambes, oubliant son propre mal-être pour le prendre automatiquement dans ses bras.
_Harry, murmura-t-il le long de son oreille en le faisant frissonner, plus par le souffle qu’avait provoqué son chuchotement que par son prénom qu’il n’avait pas pu percevoir.
_Harold, reprit sa mère dans son dos.
Il ne l’avait pas entendu non plus évidemment mais elle ne s’en préoccupait pas ; elle regardait la scène d’un mauvais œil, lançant une décharge électrique à l’anglais qui enlaçait son fils, le faisant frissonner.
_Pardonnez-moi, annonça alors Louis d’une voix douce et aigüe, mais je pense qu’il faudrait mieux que vous partiez maintenant ; Harry est…
_Excuse-moi ? rétorqua alors son père avec un léger rire étranglé. Pour qui tu te prends toi ?
Les mots froids et tranchant déclenchèrent un nouveau set de tressaillement sur la peau du plus âgé, alertant le bouclé qui se retourna pour faire face à ses parents, les pupilles légèrement dilatés par les pleurs qu’il avait choisi d’étrangler.
_Je veux que vous vous en alliez, déclara-t-il en signant rapidement, s’éloignant un peu plus de Louis.
_Non.
Le mot fut bref, tranchant, froid et sans émotion, sortant de la bouche de l’homme comme une balle fend l’air en s’échappant d’un Baretta.
_Mais qu’est-ce que vous cherchez ; qu’est ce que vous faites ici ? Pas une seule fois vous ne vous êtes enquit de savoir comment j’allais, si je réussissais mes études depuis que vous aviez pu vous débarrasser de moi. Pourquoi maintenant ?
_On ne s’est pas débarrassé de toi ! s’écria aussitôt sa mère sans même penser à signer.
Les yeux de Louis s’ouvrirent alors grands de surprise. Ses parents l’avaient mit à la porte ?
_Oh s’il vous plait, à qui vous mentez ? On sait très bien que je n’ai pas décidé d’aller m’exiler à l’autre bout du pays pour entrer au collège tout seul !
Le cœur du brun battait la chamade, cela faisait plus de trois ans qu’il connaissait Harry, et en trois années, il n’avait jamais laissé une seule petite part de son passé échapper de ses lèvres. Pourtant, là, en à peine un quart d’heure, tout lui tombait dessus comme une avalanche de neige lourde et glacée.
_On a entendu des choses, signa enfin son père, son expression toujours aussi distante et dégoûtée.
_Bien. Cracher le morceau. Qu’avez-vous entendu ?
Louis n’arrivait pas à comprendre ; comment ses parents pouvaient-ils à ce point être désagréables et mauvais envers leur fils ? Comment pouvaient-ils détester ce garçon aux boucles brunes qui égayait une pièce par le simple fait de sourire ?
_Lydia nous a dit qu’elle t’avait vu pendant son séjour à Londres.
Harry leva un sourcil, désireux qu’elle en vienne aux faits rapidement.
_Avec quelqu’un.
_Vous avez fait tout ce chemin pour savoir si j’étais en couple ?
La nouvelle avait été lâchée : c’était cela ; ses parents voulaient juste savoir si malgré son handicap, il avait tout de même réussi à trouver quelqu’un d’assez déranger mentalement pour l’apprécier pour ce qu’il était.
_Nous étions de passage dans la ville, sinon il est vrai que nous aurions simplement téléphoné.
_Téléphoné ? Magnifique.
_Dans le sens d’utiliser le téléphone, essaya de se rattraper sa mère maladroitement. Nous n’aurions pas pu te parler parce que tu –
_Assurément.
_Répondras-tu à la question ? coupa son père dans un élan d’ennui total envers la conversation.
_Vous n’en avez pas posé.
_Es-tu vraiment en couple ?
A ce moment-là, la totalité des muscles de Louis se tendit et il recula, butant dans le canapé avant de se rattraper à l’accoudoir, son visage livide laissant comprendre le choc et la brutalité qui le secouait.
_Oui.
Une fois de plus, le mot avait passé le seuil des lèvres roses et pulpeuses du plus jeune, le laissant flotter dans l’air comme l’épée de Damoclès pendait dangereusement au sommet de leurs deux silhouettes.
_Et comptais-tu nous la présenter à un moment donner ?
Le jeune anglais réprima une grimace, n’osant pas tourner le visage du côté de son aîné car il savait qu’il venait d’être blessé en apprenant que ses parents n’étaient pas au courant de leur relation. Il savait aussi qu’il était en parti la cause de la douleur qui lui brûlait désormais les poumons et n’aurais pas pu supporter de lire toutes les émotions qui tyrannisaient l’esprit et le regard de l’homme qu’il aimait.
_A quoi bon ? signa-t-il néanmoins à l’adresse de ses parents.
_Pardon ?
_Et puis, tant que nous y sommes ; ce n’est pas « la », mais « le ».
_Tu peux répéter ça ?
_Bien sur. Je ne sors pas avec une fille papa ; je suis amoureux d’un garçon.
_Un… Un garçon ?
_Oui.
_Arrête de te foutre de nous veux-tu.
Phrase qui blessa le bouclé car il se rendit compte qu’ils ne lui faisaient définitivement pas confiance, ne le prenant même pas au sérieux. Ils riaient de lui au moment où il leur avouait quelque chose d’important, quelque chose qui faisait parti de sa vie, quelque chose qu’il voulait leur dire malgré tout ce qui avait pu se passer.
Harry avala sa salive et baissa les yeux, les gardant sur le sol un moment en admirant le carrelage blanc, décidant finalement de terminer sa confession.
_Tu veux vraiment savoir ? Vous voulez vraiment savoir ? Je ne suis pas tombé amoureux de lui immédiatement, j’ai d’abord apprit à le connaitre, à l’apprécier, et puis c’est là que c’est devenu inévitable.
_Harold, tu n’es –
_Vous êtes venus pour avoir des explications non ? Alors écoutez moi ; je suis désolé parce que je sais que vous allez me détester encore plus maintenant, mais vous avez demandé et voici ma réponse : je suis en couple depuis un peu plus de trois ans déjà et –
_Tait-toi ! hurla sa mère d’un coup en se retournant, ses membres tremblants de part en part.
Le cri fit sursauter tout le monde dans la pièce.
_Je ne parlais pas, signa cependant calmement Harry pour seule réponse, masquant sa surprise de voir sa mère aussi révoltée.
_Tu es homosexuel ?
C’était son père qui venait de signer. Louis ne bougeait plus, ne cillait plus, et il n’était même plus sûr de respirer non plus.
_Harold.
Il n’eut aucun mouvement.
_Répond-moi.
_Tu veux que je te dise quoi papa ? Je viens de te dire que j’étais amoureux d’un garçon mais non je suis à cent pourcent hétéro !
_HAROLD !
Il venait d’hurler lui aussi et le concerné tressaillit, reculant d’un pas pour mettre de la distance entre lui et son géniteur. Il n’avait pas entendu son cri car il ne le pouvait pas, mais il avait parfaitement déchiffré la fureur et la rage qui avaient déformé ses traits.
Sa mère se tourna de nouveau ; elle avait le visage encore plus pâle que la craie et fixa son fils sans vraiment le voir, comme s’il était invisible, comme s’il n’existait pas, comme s’il n’existait plus à ses yeux.
_Il fallait que tu sois gay en plus d’être sourd bordel… marmonna son père en masquant son visage pour être sûr qu’Harry ne parvienne pas à lire sur ses lèvres.
Seulement il n’avait pas anticipé ce qui allait suivre ; parce que Louis l’avait entendu lui ; il avait parfaitement comprit les derniers mots prononcés ; et il n’allait pas laisser passer une chose pareille sans réagir.
Il se redressa d’un bond, retrouvant tout son aplomb, et se posta entre Harry et ses parents, bien décidé à défendre l’anglais aux yeux verts près de lui, qui ne comprenait pas ce changement d’attitude car il en ignorait la cause.
_Je vous demande pardon ? éclata-t-il. Vous pouvez répéter ?
_Nous n’avons pas été présentez, rétorqua l’homme en face de lui, je ne crois pas que vous sachiez qui je suis.
_Bien sûr que je le sais, vous êtes le père d’Harry. Quoi que je ne sache pas si ce terme soit vraiment approprié. Quel genre de père dit ça à son fils ? Dans son dos putain ; ayez au moins le courage de le lui dire en face et de voir l’effet que ça lui fait !
L’homme le fixa effrontément avec un regard tellement mauvais que Louis ne douta pas une seule seconde d’être déjà au sol s’il avait eut des revolvers à la place des pupilles. Mais il ne se dégonfla pas ; maintenant qu’il était lancé, personne ne pourrait l’arrêter ; il n’arrivait pas à supporter que quelqu’un puisse être aussi cruel envers son meilleur ami.
_Quel genre de mère, reprit-il en se tournant désormais vers celle dont il parlait, renie son enfant parce qu’il est sourd ou homosexuel ? Quel bloody genre de parents êtes-vous mon dieu !?
Les yeux émeraude en face de lui lancèrent des éclairs mais il ne bougea pas d’un seul centimètre, insensible à tant de haine.
_Vous avez un avantage sur moi jeune homme, déclara alors le trentenaire en maitrisant le ton de sa voix avec difficulté, essayant de la garder calme et contrôlée. Vous avez l’air d’assez bien connaitre Harold et accepter ce qu’il est, mais il n’empêche que moi, je ne connais rien de vous. Daignerez-vous vous présentez avant de jurer devant moi et de m’insulter de toutes les manières possibles ?
_Bien sur, assura aussitôt l’anglais dans un accès de témérité, jetant un léger coup d’œil au bouclé derrière lui, qui avait son regard rivé sur lui. Je suis Louis, le co… ~
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Silent Memories.
FanfictionLa dispute venait d’éclater de nouveau ; le sujet n’était pas différent, il était seulement abordé avec plus de violence : Louis criait méchamment, même s’il savait qu’Harry ne l’entendrait pas. C’était juste plus fort que lui, il ne pouvait pas re...