Chapitre Vingt.

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« La colère est comme l'alcool : à petites doses et de temps en temps, cela peut rendre service. »
- Robert Escarpit.

***

          L’averse battait désormais son plein et il était difficile de voir à plus de trois mètres devant le rideau d’eau qui s’abattait de manière brutale sur le pare-brise. Louis roulait rapidement, les pneus de sa voiture éclaboussant les chaussées et les passants présents à chaque tournant qu’elle prenait à pleine vitesse.

Ses mains tremblaient sur le volant mais il s’en fichait, la seule chose qu’il désirait maintenant, c’était rentrer chez lui et s’enterrer sous la chaleur de ses couvertures, ne plus penser à rien et attendre patiemment que la mort vienne l’emporter dans son sommeil.

La mort était sa métaphore pour le néant ; il voulait le néant, le vide, le rien ; il voulait ce qu’un somnifère pourrait lui apporter : l’oubli. L’oubli car il ne comprenait plus rien malgré tous les signaux évidents qu’il recevait : son cerveau était en surperactivité et en surchauffe – une fois de plus.

Son clignotant se mit en marche lorsqu’il tourna au niveau d’Ebury Street, et au même moment, un flash de lumière aveuglant zébra l’atmosphère et le ciel noir à une dizaine de kilomètres. Cela fit sursauter l’anglais, qui, pour la première fois depuis qu’il avait prit le volant, écrasa son pied contre la pédale de frein en écoutant frénétiquement le silence complet de la nuit.

La voiture tressauta aussitôt devant tant de spontanéité de la part du conducteur et dérapa sur une flaque d’eau, glissant sur quelques mètres en lui octroyant la peur de sa vie.

Le cœur de Louis battait de nouveau la chamade lorsqu’elle s’immobilisa sans dégât à la fin de la rue et il remarqua qu’une fine pellicule de sueur recouvrait son front. Sa respiration s’était saccadée mais le bruit tonitruant qu’il redoutait tant ne vint pas, pas même après avoir compté lentement jusqu’à vingt : visiblement, l’orage était encore loin et il avait le temps de rentrer chez lui.

Essayant de se calmer en prenant de grandes inspirations, il releva la pression qu’il n’avait pas lâchée contre la pédale de frein et augmenta l’intensité de ses phares, tentant en vain de voir un peu mieux dans ce déluge angoissant. Sa vitesse n’avait pas forcément diminuée malgré la frayeur qu’il venait d’avoir, mais pas parce qu’il était inconscient et adepte des sensations fortes ; juste parce qu’il avait peur : il avait peur de ne pas être rentré à temps quand le craquement effroyable de la colère de dieu s’abattrait sur la ville.

~ Il roulait, la nuit était pratiquement tombée et chaque lampadaire qui éclairait la rue se reflétait dans le plexiglas du pare-brise comme un halo grossier et éblouissant de lumière. Il n’y avait plus beaucoup de monde à cette heure de la soirée et cela était une bonne chose étant donné que la voiture roulait un peu trop rapidement et approximativement pour que sa conduite soit sûre.

La pluie qui s’abattait en continu sur la couche de peinture rouge du capot n’arrangeait rien à la vision que Louis avait de l’extérieur et ses phares ne laissaient entrevoir que les trombes d’eau devant lui.

Il voulait se dépêcher parce qu’Harry l’attendait à la maison pour lancer le film, il l’attendait surement enroulé dans une couverture bleue sur le canapé. Cette seule pensée le fit sourire et il accéléra un peu plus, lui-même n’aimant pas être dehors par un temps pareil :

Une tempête se préparait, et si le son tonitruant de la foudre frappait la quiétude de la nuit avant qu’il ne soit de nouveau chez lui, il allait être en proie à une crise de panique qu’il devrait gérer seul.

Silent Memories.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant