Chapitre Six.

10.5K 789 148
                                    

« Les hommes, c'est comme les chiens, ça mord parce que ça a peur. »
- Jean Anouilh

***

          Lorsqu’Harry rentra de l’université ce soir-là, Louis était déjà à l’appartement, assis sur le canapé. Il avait les yeux rivés sur son téléphone et les leva à peine en entendant le bouclé entrer dans la pièce.
_Salut, le salua ce dernier tout de même, sans pour autant espérer de réponse.
Et il n’en obtint pas, il n’était même pas sûr que Louis l’ait vu signer.
Sans rien ajouter donc, il passa devant lui rapidement et s’enferma dans sa chambre. Son dos était collé contre la porte et il lança son sac sur le sol, inconscient du vacarme provoqué par la lourdeur des livres de cours sur le plancher. Il se laissa ensuite glissé sur le sol frais et ramena ses genoux contre son torse, enfouissant son visage à l’intérieur en sentant déjà les larmes rouler le long de ses joues.

*

 Louis venait de poser son cellulaire sur l’accoudoir du fauteuil où il était assis et se mordait la langue.
D’accord, il le reconnaissait, il aurait pu être un peu plus ouvert et sociable ce soir ; même s’il avait eu envie de maudire le jeune homme toute la journée pour l’avoir laissé le matin en pleine crise de tétanie.
D’un autre côté, il n’était pas encore en pleine crise lorsqu’il s’était enfui.
Mais la question restait la même : pourquoi était-il parti en courant ?
Il soupira et entendit son téléphone vibrer.

« De Eleanor : Je ne sais pas, mais oui, un soir de semaine serait cool. Un cinéma ? »
« Pour Eleanor : Vendu. On se tient au courant ! »

Il entendit alors quelque chose se fracasser sur le sol, quelque chose de lourd, quelque chose qui venait d’un peu plus loin dans la maison. Quelque chose de définitivement anormal.
Fronçant les sourcils, il jeta son cellulaire dans les coussins et se précipita dans le couloir. Il n’y avait qu’une seule autre personne présente dans cet appartement et Louis savait pertinemment qu’Harry était dans sa chambre.
Au moment où il voulu pousser la porte, il se retrouva bloqué par un obstacle qui empêchait l’ouverture totale du battant et fit quelque chose de stupide. Il l’appela.
_Harry ?
Et se sentit horriblement idiot.
Il tenta donc de forcer un peu plus et entendit un geignement de l’autre côté.
_Harry !?
Le poids contre la porte lâcha d’un seul coup et le plus âgé perdit l’équilibre en tombant dans la chambre, se retrouvant brusquement contre le plancher. Il se releva aussitôt, une douleur lancinante l’élançant au niveau du nez et de la mâchoire. Ses yeux scannèrent la pièce dans la seconde qui suivit et il l’aperçut.
Le bouclé était un peu plus loin, sur le tapis au milieu de l’espace, tout replié sur lui-même, et la seule chose que l’on pouvait distinguer était la masse de boucles brunes qui tremblotaient légèrement.
En se retournant, Louis remarqua que c’était une chaise qui avait bloqué l’entrée de la chambre et visiblement, Harry ne s’était absolument pas rendu compte de son entrée fracassante.
Il s’approcha donc doucement et s’assit maladroitement à côté de lui, déposant avec hésitation une main sur son épaule.
Aussitôt, le bouclé releva la tête en sursautant, s’écartant de son ami avant de se rendre compte de qui il était. Il se mordit alors la lèvre en baissant les yeux, se sentant terriblement idiot.
Voyant le malaise passer, Louis repassa son bras dans son dos et se rapprocha de lui, ne sachant pas vraiment comment faire mais écoutant cette voix dans sa tête qui lui affirmait que la manière dont il agissait était la bonne.
Et rien que pour cela, il ne se comprenait pas ; il aurait du se sentir énervé et en vouloir à ces yeux émeraudes qui refusaient obstinément de croiser l’azur des siens, comme s’il avait peur qu’il y voit la rougeur et les larmes qu’il avait du mal à arrêter de faire rouler sur ses joues.
Seulement il n’y arrivait pas, ni Harry et ses pleurs, ni lui et sa rancœur ; il n’arrivait pas à lui en vouloir maintenant. Tous les discours et les paroles qu’il avait préparé, qu’il avait voulut lui lancer au visage depuis qu’il était rentré s’étaient envolés. Il ne lui restait plus qu’une compassion exagérée pour le jeune homme aux boucles emmêlées près de lui.
Il ne tenta pas de lui parler, il se contenta juste de le garder dans ses bras.
Et d’une certaine façon, ça lui semblait normal ; tenir Harry dans ses bras, le réconforter. C’était étrange de trouver cela normal ; mais c’était ce que ressentait Louis.
Ils restèrent un moment comme cela, le bouclé lové contre le torse de Louis qui avait passé ses bras autour de lui. Ses sanglots se calmaient lentement et la marinière que le plus âgé portait était trempée. Ce dernier ne savait pas pourquoi il pleurait, mais il se doutait qu’il n’aurait pas obtenu de réponse, quand bien même il aurait osé lui demander.
Alors ils restèrent ainsi, pendant quelques secondes, quelques minutes, quelques heures, Louis ne savait plus, il n’avait plus la notion du temps ; et ce n’est que lorsqu’il observa que la nuit commençait à tomber par la fenêtre de la chambre de son ami qu’il se rendit compte que celui-ci s’était endormi.
Il allait se redresser calmement lorsqu’il entendit la porte d’entrée s’ouvrir et des rires emplir l’appartement.
Ses yeux s’agrandirent alors de surprise avant qu’il ne reconnaisse l’accent irlandais de Niall et que son corps se détende en réalisant qu’aucun voleur ou brigand n’allait les attaquer aujourd’hui.
_Lou ? appela justement le blondinet.
_Dans la chambre d’Harry !
_Bah, qu’est-ce que vous…
Zayn stoppa sa phrase en observant la scène.
Le bouclé était toujours assis, entouré des bras de son aîné, ses yeux clos et sa tête reposant sur son torse. Malgré le fait que la position ne semblait pas particulièrement confortable, Harry avait l’air de dormir paisiblement et un sourire se dessina lentement sur les lèvres des trois nouveaux arrivants.
_Qu’est-ce que vous faites ici ? s’enquit Liam gentiment.
_J’ai hm… En fait, balbutia Louis, mal-à-l’aise. Harry pleurait alors je suis venu pour le réconforter et…
Il haussa les épaules, il était évident que le jeune homme s’était ensuite endormit dans les bras de son ami.
_Harry pleurait ?
_Oui.
_Pourquoi ?
_Je n’ai pas osé demander, répondit lamentablement Louis. Et… Je ne sais pas comment faire.
_Viens, on va t’apprendre quelques signes.
_Mais hm…
_Tu veux qu’on t’aide à le déposer dans le lit ?
_Non, répondit aussitôt Louis.
Un peu trop précipitamment d’ailleurs car un nouveau sourire traversa les visages qui se trouvaient dans la pièce.
_Je peux le faire juste… J’arrive.
Niall haussa les épaules et s’éloigna, suivit des deux autres, pendant que le plus âgé se mordait la langue et se redressait légèrement.
Il attrapa Harry et le soutint dans ses bras en se relevant, se dirigeant vers son lit en l’y déposant doucement, faisant attention à ne pas lui faire mal. Il ramena ensuite la couverture et avant qu’il n’ait pu empêcher ses gestes, ses doigts avaient frôlé son front pour y relever une boucle qui lui barrait le visage.
_Lou ? appela alors Zayn en faisant irruption dans la chambre, le faisant sursauter.
_J’arrive, répondit-il précipitamment en faisant volte-face pour éviter d’être tenter de faire un nouveau mouvement déplacé envers son ami.

Silent Memories.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant