Chapitre Dix-Neuf.

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« Il est plus facile de nier les choses que de se renseigner à leur sujet. »
- Mariano José de Larra.

***

          La porte avait claqué depuis trente secondes déjà mais aucune des personnes restantes dans la pièce n’avait effectué un seul mouvement.
Le tracé des doigts incandescents de Louis jouait toujours sur le dos d’Harry, le chamboulant tout aussi bien que le goût épicé et apaisant qu’avaient laissé ses lèvres sur les siennes. Il ne se rendait pas bien compte encore de ce qu’il venait de se passer ; c’était comme si le temps s’était arrêté au moment où la silhouette du plus âgé avait disparu dans le couloir : plus personne ne bougeait et il était même devenu difficile d’entendre les respirations saccadés des cinq étudiants toujours présents.
_Pourquoi tu as fait ça ?
Le murmure provenait du pakistanais, qui avait été le premier à oser affronter la situation, et il était évident que Niall était le destinataire de cette réplique chuchotée mais pourtant cinglante.
Aucune réponse ne parvient ; l’irlandais avait baissé les yeux sur le plancher poussiéreux et se mordait la lèvre de manière tellement violente qu’elle avait blanchie et rougie à la fois. Il était mal-à-l’aise et n’osait pas relever son regard parce que malgré le fait que Louis soit parti ; il n’éprouvait aucun regrets.
_Niall ? répéta Liam, sortant lui aussi de son mutisme.
Le blondinet n’avait pourtant pas envie de leur donner une quelconque explication ; pas à eux en tout cas ; la seule personne dont il se souciait était le bouclé. C’est pourquoi il prit sur lui en rassemblant son courage et releva les yeux, les posant immédiatement sur son ami pour remarquer qu’Harry n’avait pas bougé et fixait la porte comme si Louis allait revenir d’une seconde à l’autre.

Pourtant ils étaient tous conscient qu’il ne le ferait pas.

Niall se redressa et se traina jusqu’au plus jeune, n’attendant pas qu’il remarque sa présence pour le prendre dans ses bras.
_Je suis désolé, chuchota-t-il même s’il savait qu’il ne l’entendrait pas.
Le bouclé frissonna en sentant le souffle chaud du murmure de son ami hérisser sa nuque, mais il répondit tout de même à son étreinte, refermant ses bras sur lui en le serrant fort ; le serrant comme si sa vie en dépendait.
_Pourquoi tu as fait ça Niall ? soupira de nouveau Zayn dans son dos, abandonnant l’idée d’être fâché contre son ami.
_Il vaut mieux vivre sa vie avec des remords qu’avec des regrets, se contenta de leur répondre le concerné en sentant les boucles brunes s’enfouir un peu plus dans son cou pendant que les premières larmes inondait son T-shirt blanc.
Et rien qu’avec ces treize mots, l’irlandais avait réussi à faire comprendre à ses amis les motivations qui l’avaient poussé à poser ce défi à Louis :
Il avait espéré que cela puisse agir en élément déclencheur ; que le flot d’émotions les emporte à tel point qu’ils se retrouveraient tels qu’ils étaient avant ; dans une autre pièce, un autre contexte, un autre espace temps.

Il avait espéré que la situation s’arrange.

Il avait espéré que quelque chose se passe.

Il avait tout simplement espéré que les contes de fées étaient réels et qu’un baiser pouvait réveiller une personne endormie – parce que si la vie était une utopie ; alors Louis était la princesse et avait besoin d’aide pour retrouver ce qu’il avait perdu.

Mais là était son erreur, la vie était loin d’être parfaite et parfois, un simple peu défi pouvait virer à la catastrophe.

*

Cela faisait désormais un temps incalculable que Louis roulait sur l’autoroute ; sa tête était vide et il conduisait sans même faire attention aux voitures qu’il doublait ou aux directions qu’il prenait. La seule chose dont il avait conscience était qu’il roulait beaucoup trop vite.
Il ne voyait pas le conteur s’affoler devant lui et ce ne fut que lorsqu’il se rendit compte que la sortie qu’il venait de prendre le menait droit à Doncaster qu’il lui parut évident qu’il avait abusé la pédale d’accélération : au lieu de trois heures quinze, il en avait mit deux et demie.
Les lumières de la ville lui parurent familières dès qu’il passa le porche de la mairie et il se sentit un peu mieux malgré la colère qu’il n’avait pas cessé de ressentir vis-à-vis de lui-même pendant les dernières heures.
La maison de son enfance apparut dans son champ de vision en même temps que le numéro de Liam sur son téléphone et il lança le dernier sur la plage arrière, ne voulant même pas se donner la peine de décrocher pour rassurer ses amis.
Il se gara à l’arrache sur le bord de la chaussé et s’il avait par chance évité une quelconque amende du à ses excès de vitesse, il n’en couperait pas une pour avoir stationné toute la nuit de manière grossière sur la chaussée.
La porte d’entrée était évidemment fermée et même s’il n’avait pas de double sur lui ; il ne s’en formalisa pas, il savait que sa mère laissait toujours trainer une clef pour le genre de situation dans laquelle il se trouvait actuellement.
Il fit donc le tour de la propriété en sautant le petit portail qui menait au jardin et souleva plusieurs pots de géraniums violets – ou bleus, mais il ne parvenait pas forcément à bien en discerner la couleur étant donné qu’il faisait nuit noire et que les seuls éclairages étaient ceux de la lune et de la faible lueur de l’écran de son téléphone.
Il trouva finalement son bonheur sous le paillasson, devant la porte de derrière, et déloqua rapidement l’entrée sans bruits. Les clefs furent ensuite déposées sur le meuble dans le salon et il monta les marches de manière discrète avant de s’introduire dans la chambre qui était toujours la sienne, se laissant lourdement tomber sur le matelas deux places qui craqua sous son poids.
C’est à ce moment-là que son esprit émergea du blackout complet qu’il avait effectué ; se mettant véritablement en marche depuis les trois dernières heures.
Qu’est-ce qu’il s’était passé ? Quel était son foutu problème ? Pourquoi avait-il embrassé Harry ? A quel moment avait-il perdu le contrôle de la situation ?
Toutes ces questions se bousculaient dans sa tête, d’autres s’ajoutant encore à l’interminable liste à mesure que les secondes défilaient, ne laissant plus aucune place pour trouver des réponses ou un semblant de raisonnement.
Plus il pensait au baiser, plus il se souvenait de la douceur des lèvres de son meilleur ami sur les siennes, de la sensation d’authenticité et de béatitude qui l’avait envahi et des papillons qui avaient voletés dans la totalité de son estomac. Pourquoi diable fallait-il que cela lui arrive ? Pourquoi avait-il fallut qu’il l’embrasse ?
N’aurait-il pas pu embrasser une autre personne ? Zayn ? Niall ? Liam ?
Non ; il aurait du embrasser Lily ; il aurait du embrasser Lily parce que Lily était une fille. Lily était une fille et Louis aimait les filles. Louis n’aimait pas les garçons ; il n’aimait pas Harry ; il n’aimait pas son meilleur ami. Il aimait les filles.

Silent Memories.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant