Chapitre 1 *

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 Axel transpirait déjà à grosses gouttes, alors que le Soleil n'était même pas encore à son zénith.

Il s'épongea le front avec une serviette usée par le temps, en grommelant. Son chapeau, orné d'appâts, n'arrivait pas à protéger son crâne des rayons du Soleil, qui faisaient cuire sa boîte crânienne comme un œuf sur une poêle.

— J'ai complètement oublié de ramener des vêtements plus longs pour me protéger du Soleil, se maudit-il à voix basse, les yeux rivés sur l'infini bleuté qui s'offrait à lui. Je suis vraiment un idiot !

Et puis, pour en rajouter une couche, la pêche ne s'avérait pas très bonne, aujourd'hui. Le portique était silencieux, et presque rien ne mordait à l'hameçon. Axel se pencha vers l'eau calme, admira quelques instants son reflet, puis soupira, le cœur pincé par la déception. C'étaient les règles du jeu, après tout, et il le savait.

— Encore une vingtaine de minutes, et après je rentre. Ça ne sert à rien que je m'acharne, de toute façon.

Tandis que le jeune pêcheur patientait – et qu'il commençait à perdre espoir de revenir sur l'île avec autre chose d'autre qu'un pauvre bar qui avait eu le malheur de croiser la route de sa canne à pêche –, à peine conscient du monde qui l'entourait, le fil robuste qui reliait le portique et le filet submergé se mit à se tendre de plus en plus. Une secousse traversa le chalutier, ce qui fit sursauter Axel, suivie d'une autre, bien plus violente. Un grand sourire naquit sur son visage, et le jeune homme se précipita vers le portique pour remonter le filet, jetant sa canne à pêche contre le pont tel un enfant qui s'était déjà lassé de son tout nouveau jouet. Il appuya fermement sur un bouton blanc – qui avait dû être vert à une autre époque – et, dans un grincement insupportable, le filet remonta à la surface.

Quand le filet fut à quelques pieds du pont, Axel appuya sur un autre bouton – à droite de l'autre, de ce même blanc écaillé : le bras mécanique du portique lâcha le filet et, dans un bruit visqueux, son butin s'affaissa au sol. À la vue de cet agroupement timide de sardines frétillantes, le jeune pêcheur laissa échapper un cri de victoire, qui se mût immédiatement dans un cri d'horreur.

Car, dans le filet, il y avait quelque chose de plus gros qu'une sardine.

Quelque chose de bien plus gros. Quelque chose qui se débattait comme un démon.

Axel se pencha pour récupérer sa canne à pêche, et la brandit comme un gourdin, prêt à l'abattre sur le monstre qu'il venait d'arracher des abysses de l'océan. Mais la canne glissa de ses doigts entrouverts. Sa gorge s'assécha brutalement, tandis que la chose parvint enfin à se dégager du filet. Elle secoua sa tête dans un soupir irrité, puis son regard se posa sur le jeune pêcheur. Elle ouvrit plusieurs fois la bouche, mais aucun son n'en sortit.

De longues secondes passèrent, et personne n'osa bouger. La respiration d'Axel s'était bloquée.

Puis, la créature s'effondra sur le pont, et se mit à convulser, les yeux grands ouverts et la langue tirée. Totalement dépassé, le jeune homme ne parvint pas à bouger, paralysé face à ce spectacle qui oscillait entre le morbide et le grotesque. La créature s'immobilisa d'un coup, et Axel entendit ainsi des respirations profondes, alors que les yeux écarquillés de la créature fixaient le firmament d'un air absent.

— Oui, bon. Ça ne sert à rien que je continue à jouer la comédie, je respire aussi à l'air libre.

Enfin, la créature se redressa, et leva ses yeux vers Axel. Des yeux vert-de-gris, qui oscillaient entre le vert des algues et celui des marécages. Des yeux totalement et parfaitement humains.

Mais le jeune pêcheur ne pouvait décrocher son regard de la queue de poisson, qui remplaçait les jambes de cette inconnue.

— J'ai attrapé une insolation, chuchota-t-il pour lui-même, d'une voix blanche.

I am not a fish ! // REÉCRITUREOù les histoires vivent. Découvrez maintenant