Le Centre Ionespel

C'est beau l'espoir ...

- QUOI ?!

- PARDON ?!

- COMMENT ÇA ?

Notre Père, qui est au cieux ... dites moi que c'est une blague ???

Un concert d'exclamations avait soulevé son offre alléchante bien que suspecte, et j'en faisais partie. La seule réaction de Mr Taranosviska fut de lever un sourcil impeccable, et ce simple geste nous refroidit aussitôt, certains se roulèrent presque en boule, s'attendant à voir le fouet apparaître dans la main du sous-directeur. Eh oh, on a le droit de parler, non ? Et la liberté d'expression merde !

- J'ai la gentillesse de ne pas relever cette insubordination de votre part mais j'attends de vous que vous ne recommenciez plus jamais un tel manque d'obéissance et de respect, nous dit-il d'une voix calme mais froide comme la glace, est-ce clair ? Monsieur aime les règles ? Heureusement que je me tiens à carreaux là ... ma stupidité doit être sous la douche ... Instinct de survie menait la barre ...

- Oui, murmurèrent quelques uns, hésitants à répondre même si l'ordre sous-jacent lui autorisait à le faire.

- Très bien, laissez moi continuer dans ce cas. Vous connaissez Ionespel de réputation n'est-ce pas ? (Évidement, je n'en faisais pas parti vu le trou pommé où j'avais grandi mais j'avais appris plus tard que cet endroit était célèbre même si sa localisation était inconnue) On produit ici de nombreux jeunes dociles, qui n'ont plus aucun gramme de violence dans leur sang par peur des représailles car, bien entendu, nous les gardons toujours à l'œil au cas où ils décideraient de récidiver. Et nous leur faisons passer cette envie ... à notre façon, ajouta-t-il avec un air fugace de satisfaction qui nous fit frissonner. Ah, il rigole pas beaucoup cet homme ! Il dégage direct dans la catégorie : "cons" ... même pourquoi il y était pas avant ? Ah, il est trop sournois quand même c'est vrai ...

J'osais à peine imaginer le courroux que les pauvres rebelles devaient subir en étant rapatriés au centre Ionespel. Et vu les respirations saccadées de mes camarades, je n'étais pas la seule que cette dernière remarque avait touché. Ben les gars, vous avez l'imagination qui déraille ? Moi aussi ! ... Chut crétine, chut !

- En échange de cette liberté feinte, ils nous donnent, en leur pleine conscience, les pleins droits sur eux et leur avenir que, jusqu'alors, ils pensaient vivre entre ses murs. C'est mieux que l'enfermement à vie n'est-ce pas ? Demanda le russe sans pour autant attendre une réponse de notre part, bouche bée par ce qu'il nous proposaient. ... Je vote pour ! Ils deviennent alors comme des hommes à tous faire, ou plutôt de bons soldats que nous gardons sous la main pour des missions spéciales que des personnes normalement constituées ne pourraient pas faire. Mais vous, comme eux, qui ont subi tant d'épreuves durant leur vies, ont maintenant les graines des capacités qui feront de vous de parfaits moutons. Ah, je vote moins pour ... je n'aime pas être un petit soldat sans liberté d'expression, ça exploserait là haut à force !   Et interdiction de jouer la brebis galeuse en cherchant à contacter quiconque serait en mesure de vous aider dans cette situation que je trouve bien trop gentille pour des criminels qui ont encore l'âge de faire dans vos couches, le gouvernement nous soutient.

Au mot ''criminel'', le visage de Mr Taranosviska avait reflété toute la haine que lui inspirait notre vue, comme si nous étions des créatures de Satan lui-même, d'ailleurs cela ne m'étonnerai pas plus que cet homme soit un fervant chrétien extrémiste. Il doit dormir dans un lit en croix avec un nounours baptisé ! Je comprenais mieux pourquoi il prenait un malin plaisir à nous insuffler les pires tourments possibles et imaginables, nous ne sommes pas plus que des déchets à ses yeux, des bêtes sauvages n'ayant même pas le rang ''d'humain''. Et si on allait lui refaire la façade ??? Colère semble impatiente de lui foutre une bonne raclée !

Pourtant c'était une nouvelle vie qu'il nous offrait, certes une vie entière plongée dans le sang et les horreurs de la vie, mais une existence au soleil, pouvant respirer de l'air pur et presque libre. Ah tiens, optimisme bonjour ! Je ne te voyais plus trop toi ... Cette liberté était une cage dorée mais cette simple mention sous-entendue réveillait en nous un sentiment qu'on avait presque tous oublié : l'espoir.

C'est beau l'espoir ... mais c'est bien loin ...  et après optimisme, laissons la place au défaitisme ! Mesdames et messieurs, rien de mieux pour commencer la journée !