Chapitre 22/ Camila

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Elle m'a appelé sur Instagram. Elle a même téléphoné sur le fixe parce que mon portable était éteint. Sans le petit morceau de papier déchiré avec son nom et son numéro gribouillés par Alejo, je n'aurais jamais cru que Lauren ait vraiment composé le numéro de chez moi. Toutes mes questions à Alejo ont été vaines ; il ne se souvenait même pas d'avoir pris l'appel. Il m'a simplement dit que je devais la rappeler. C'était hier après-midi, quand elle n'avait pas encore vomi sur mes chaussures et perdu connaissance dans mes bras.

Quand je lui ai dit d'être honnête, j'ai bien vu qu'elle avait peur. Mais de quoi ? Mon objectif, à présent, c'est de briser son mur de perfection. Sa carapace. Elle a des secrets qu'elle emportera sans doute dans sa tombe et d'autres qu'elle meurt d'envie de partager, c'est certain. Cette fille est une énigme, et je n'ai qu'une obsession, lever le voile de son mystère. J'étais sérieuse en lui disant que nous n'étions pas si différentes. Le lien qui existe entre nous ne disparaîtra pas, il ne peut que se renforcer. Plus je passe de temps avec elle, plus je me sens proche d'elle.

J'ai une soudaine envie de l'appeler juste pour entendre le son de sa voix, même si elle ne fera que cracher son venin sur moi. J'enregistre son numéro dans mes contacts. 

— T'appelles qui ?

Julian déboule chez moi sans même sonner ni frapper à la porte, accompagné de Selena et Dinah. C'est comme ça entre nous.

Je verrouille mon portable.

— Nadie.

— Alors lève ton cul de ce canap et viens faire une partie !

Jouer aux cartes, sera toujours mieux que de rester assise ici, obsédée par Lauren et ses secrets, même si je subis encore les effets de la soirée d'hier. Nous allons donc dehors nous poser sur le murai. Fabio, un type dont le frère a été tué par balle l'an dernier, vient se joindre à nous.

— On se fait un menteur ? demande-t-il pendant que Selena mélange les cartes.

J'ai toujours eu un don pour mentir et puis, ma vie est un gigantesque mensonge, pas de doute, ce jeu est vraiment fait pour moi.

— Qui commence ? s'interroge Julian.

— On va faire un tirage au sort. répond Fabio.

Chacun tire une carte de un à cinq trèfles. Et Julian, ne se doutant de rien, choisit le numéro trois. Au moment, de retourner la carte devant moi, je m'aperçois que c'est moi qui commence. 

On se retrouve régulièrement en bas de l'immeuble pour jouer. La plupart des joueurs viennent de mon quartier. Nous avons grandi ensemble, joués ensemble sur ce murai depuis que nous sommes petits, et intégrés le gang pratiquement en même temps. Avant que je ne sois enrôlée, je me souviens que Dinah me racontait qu'être dans un gang, c'était comme avoir une deuxième famille... Une famille qui serait là si la première faisait défaut. Le gang offrirait reconnaissance et protection. Parfait, pour une gamine perdue qui venait de perdre son père.

Au fil des ans, j'ai essayé de faire abstraction des passages à tabac, des trafics de drogue, des coups de feu quand ça tourne mal. J'en connais qui ont essayé d'en sortir, qu'on a retrouvés morts ou battus si violemment par leur propre clan qu'ils auraient probablement préféré se suicider. En entrant dans le gang, je me suis condamnée à n'accomplir que de mauvaises choses. À être perçu comme une personne infréquentable. Peu importe, le nombre de bonnes actions que je ferais dans ma vie, je serais toujours la dealeuse de drogue du Southside.

J'imagine alors que mon jeu contient mon destin. Si je réussis à me débarrasser de toutes mes cartes, je soulagerais enfin ma conscience et me retirerais de cette vie de merde.

𝐓𝐡𝐞 𝐤𝐞𝐲 𝐭𝐨 𝐦𝐲 𝐜𝐥𝐨𝐬𝐞𝐭 [CAMREN]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant