Chapitre 33/ Lauren

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Nous roulons inlassablement. À chaque nouvelle accélération, l'air chaud frappe ma nuque. Le contact de mes mains sur son ventre, réchauffe mon corps tout entier. Je sens comme des cendres incandescentes brûler à l'intérieur de moi. Les brûlures sont profondes et commencent à me piquer et me donner des frissons. Qu'est-ce que ça veut dire ? Quand est-ce que l'incendie s'éteindra ?

Je fais à présent le vide dans mon esprit et me concentre sur le paysage qui défile à toute allure devant mes yeux. Nous ne sommes plus qu'à quelques kilomètres de ma rue, quand soudain, elle s'arrête brusquement au bord d'une chaussée. Elle coupe le moteur et abaisse la béquille, me contraignant à poser pieds à terre.

— Qu'est-ce qui se passe ? je lui demande inquiète, alors qu'elle est toujours dos à moi.

— Eh bien...

— Quoi ? Ne me dis pas que tu n'as plus d'essence ! je me mets à ricaner bêtement.

— Non. Ce n'est pas ça.

— Alors, qu'est-ce que c'est ?

Elle semble hésitante. Moi qui la pensais si sûre d'elle...

— Viens chez moi, maintenant. parvient-elle enfin à articuler du bout des lèvres.

— Est-ce que c'est un ordre ?

Un silence s'installe désormais entre nous. Aucune de nous deux n'ose parler. Elle semble fixer l'horizon, comme si elle suppliait les cieux de son regard. Quant à moi, je fixe le sol, cherchant désespérément quoi lui dire. Mais la réponse ne se trouve ni par terre, ni dans le ciel. Elle se trouve dans mon coeur, je le sais. Alors pour la première fois depuis des décennies, je profite de ce silence, pour analyser la moindre émotion qui le traverse, le moindre petit détail qui échapperait à mon esprit. Car je crois que certaines choses sont au-delà de la raison et sont connues par une autre faculté, une espèce d'intuition immédiate.

— Llévame. (Emmène-moi.)

Elle se retourne si rapidement, qu'elle manque de nous faire basculer sur le goudron. Elle me regarde pendant un court instant, avant d'avancer sa main vers moi pour relever la visière de mon casque...

                                                                            [Ellipse du trajet]

Je jette un œil autour de moi. Je ne suis jamais venue dans cette rue. Il n'y a même pas de maisons, ce ne sont que d'imposants immeubles et caravanes. Un chat ne passerait pas entre eux, tellement ils sont collés les uns aux autres. Je suis incapable de réfréner ma peine. Comment peut-elle vivre dans un endroit pareil ? Sale et lugubre. Je voudrais pouvoir lui dire que l'endroit d'où elle vient, n'aura pas d'incidence sur ce qu'elle va devenir, mais je suis bien forcée de constater que c'est faux.

J'ai l'impression d'être épiée, comme si des centaines de paires d'yeux étaient braquées sur moi. Camila se tient tout près de moi, comme pour me rassurer, me montrer qu'elle ne laissera aucun d'eux s'approcher de moi.

Je la sens hésitante, presque honteuse, alors que nous montons les escaliers, jusqu'à son étage. Des graffitis parsèment les murs et cela ne me déplait pas. Ces dessins, ces inscriptions semblent porter une âme, comme s'ils avaient été réalisés avec du sang. Je ne sais comment l'expliquer. Tout semble authentique ici.

— C'était une erreur. déclare soudain Camila. Je te ramène chez toi.

Je m'arrête stupéfaite, ma main tenant toujours la rambarde. 

— Tu en as suffisamment vu, je ne veux pas t'en faire endurer davantage. murmure-t-elle, en fixant les semelles de ses Doc Martens.

Mais qu'est-ce qui lui prend ? 

— Mais qu'est-ce que tu racontes ? Je suis prête Camila ! Je t'ai montré un aperçu de ma vie, maintenant c'est à ton tour, comme on l'avait décidé. Tu te souviens ?

— Oui, je sais. Mais... Peut-être que je ne suis pas encore prête...

Je sens qu'elle est en train de perdre pied, parce que, la réalité — ou plutôt, sa réalité est dure à encaisser. Mais je sais ce que c'est, Camila. Je sais ce que ça fait, d'avoir l'impression que personne ne peut comprendre. Elle a peur, c'est évident. Mais comment surmonter sa peur si on baisse les bras aussi facilement ? Hein, Camila, comment ?

Sans dire un mot, je saisis délicatement sa main et nous continuons à monter. Elle n'impose aucune résistance à mon geste. Elle se laisse simplement guider dans son propre immeuble ; sa main toujours dans la mienne. Son regard est si doux. Je crois que personne ne m'avait encore regardé comme elle le fait. Je me sens bien. Je me sens sereine. Et ensemble, nous avançons avec le même engouement.

Ça y est, nous nous tenons devant la porte d'entrée. Je vais enfin avoir un aperçu de son intimité. Elle tourne la clé dans la serrure et j'entends le verrou se détacher de l'autre côté du mur.

Si vous m'aviez dit un jour, que je m'apprêtais à entrer chez Camila Cabello, je ne vous aurais pas cru. Pire que cela, j'aurais pris mes jambes à mon cou, mais aujourd'hui pourtant, je suis là.

J'ai la sensation d'avoir passé un cap dans ma vie : je n'ai plus peur, j'ai hâte.

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J'ai comme l'impression que le chapitre suivant va terriblement vous plaire ! Celui-ci n'est qu'un petit aperçu ! Alors restez éveillés encore un peu, pour connaitre la suite !

𝐓𝐡𝐞 𝐤𝐞𝐲 𝐭𝐨 𝐦𝐲 𝐜𝐥𝐨𝐬𝐞𝐭 [CAMREN]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant