Chapitre 24/ Camila

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Pour la première fois, nous avons une conversation cordiale. À présent, je dois trouver quelque chose pour briser ses défenses. Putain. J'ai besoin de révéler quelque chose qui me fasse paraître vulnérable. Si elle pense que je le suis, peut-être que je progresserais un minimum avec elle. Malgré tout, je dois faire attention : je suis certaine qu'elle saura si je mens ou non.

Finalement, est-ce que je fais tout ça pour le pari, pour le projet de chimie, ou pour moi ? En fait, ça me convient parfaitement de ne rien analyser de ce qui se passe.

— Papà a été tué devant mes yeux quand j'étais gamine.

Elle ouvre grand les yeux.

Je n'aime pas en parler, je crains même d'en être incapable. Des cicatrices profondes se rouvrent en moi pendant que ses doigts manucurés se posent sur sa bouche.

— Mon Dieu, je suis tellement désolée... C'est affreux.

Ça fait du bien de m'en décharger, de m'obliger à en parler à voix haute. Je revois les yeux de papà submergés par un toran de larmes, avant le tir. Puis son expression désemparée, passer soudainement à la stupéfaction.

Je n'arrive pas à croire qu'après tout ce temps, je me souvienne encore de son expression. Pourquoi semblait-il soudain si surpris ? 

— Ce soir là, on m'a enlevé mon papà, on m'a arraché une partie de moi. Et je savais, du haut de mes sept ans, que plus rien ne serait pareil désormais. 

Je retiens mes larmes qui menacent sévèrement de couler. Sur son visage apparaît un mélange de regret, de tristesse et d'empathie. Je vois qu'elle est sincère. Elle prend la parole quelque peu bouleversée.

— Je... euh, merci de m'en avoir parlé. Je... j'ignorais ce que tu avais traversé, je crois bien que je t'ai jugé trop vite, Camila.

— Ce n'est rien. À toi maintenant. je l'encourage timidement à s'ouvrir à moi.

Lauren détourne les yeux. Je n'insiste pas, de peur qu'elle ne se ressaisisse et décide de partir. Est-ce que partager une partie douloureuse de sa vie est plus difficile encore pour elle que pour moi ? Une larme solitaire perle au coin de son œil, elle l'essuie aussitôt.

— Ma petite sœur... ma petite sœur souffre d'une déficience mentale. Au sens large, elle est attardée. Elle utilise ce qu'on appelle des paraphasies verbales et la communication gestuelle plutôt que des mots car elle est... incapable de parler...

Se forme alors une nouvelle larme. Cette fois, Lauren la laisse couler sans l'essuyer. J'ai envie de le faire à sa place, mais sens bien qu'elle préférerait ne pas être touchée. Elle inspire profondément avant de poursuivre.

— Ces derniers temps, elle est en colère mais je ne sais pas pourquoi. Elle a commencé à tirer les cheveux et hier elle m'en a carrément arraché une touffe. Mon crâne saignait et ma mère s'est mise à paniquer en s'en prenant à moi.

Cela explique cette mystérieuse zone chauve. Rien à voir avec des tests toxicologiques. C'est bien la première fois que je me sens désolée pour elle. J'imaginais sa vie comme un conte de fées, où la pire chose qui pouvait lui arriver, était un élastique sous son matelas qui l'empêcherait de dormir. J'avais complètement tort.

Quelque chose est en train de se produire. Le vent tourne... comme si nous arrivions à nous comprendre. Je n'ai pas ressenti ça depuis longtemps. Je me racle la gorge.

— Ta mère s'en prend à toi, probablement parce qu'elle sait que tu peux encaisser le choc.

À présent, je me montre la plus sincère possible, j'espère qu'elle aussi : 

𝐓𝐡𝐞 𝐤𝐞𝐲 𝐭𝐨 𝐦𝐲 𝐜𝐥𝐨𝐬𝐞𝐭 [CAMREN]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant