Par amour pour la mort

Inscription à la mort

    Le silence... Les ténèbres et le silence. J'adore cette sensation de plénitude. Être au calme, dans un endroit vide et au silence presque assourdissant. Je me sens apaisée. Je suis dans cet immense espace noir, vide et silencieux. C'est alors que deux silhouettes apparaissent. Une vêtue de blanc, aux immenses ailes immaculées, l'autre vêtue simplement, quoique de façon assez élégante, une tondeuse à gazon à la main. Je m'avance et les deux me saluent.

- Bienvenue à toi, Laina Shinsen. Tu es morte de froid et noyée dans un lac en étant accusée d'être une sorcière, dit le grand blanc. Désormais, deux choix s'offrent à toi. Tu peux décider de me suivre et venir au Paradis, vivre une éternité paisible, ou bien alors continuer de "vivre" en travaillant comme Shinigami.

Il prononce le mot vivre en faisant des guillemets avec ses doigts puis désigne son compagnon en parlant des Shinigami. Je suis du genre acharnée, j'ai besoin de bouger et passer l'éternité dans un vieux parc tout blanc à jouer aux cartes, non merci. Je décide donc de mettre un bon gros vent à l'ange en ne lui donnant pas de réponse et me dirige directement vers l'homme élégant. Je tends la main, tout sourire.

- Laina Shinsen. J'ai hâte de travailler avec vous.

- Ahah tu me plais déjà ! Fait-il en saisissant ma main. Je suis Ronald Knox, pour te servir.

Il fait une légère révérence et l'ange prend un air exaspéré. Il déploit alors ses ailes et annonce :

- Bon eh bien je te la confie, Ronald.

- Pas de problème Angel ! Et passe le bonjour au vieux de ma part.

Le dénommé Angel se retourne d'un coup et lance sèchement :

- Notre Créateur mérite le respect alors arrête de l'appeler le vieux !!

- Oui patron !

Ronald fait un salut militaire en tirant la langue puis me tire par le bras et nous entraîne je ne sais où, alors que l'ange nous court après. Lorsqu'on s'arrête, je reprends rapidement souffle et demande :

- J'aurai pu avoir une paire d'ailes comme ça si j'avais choisi l'autre camp ?

- Oui et non. C'est réservé aux défunts de longue date. Tu aurais donc dû attendre plusieurs siècle avant de pouvoir te pavaner avec des plumes dans les dos.

Il se met alors à marcher comme s'il avait un balais dans le derrière et j'éclate de rire. Fier de son coup, il rajoute une pause absurde et ça finit de l'achever. Je suis tordue de rire, me tenant le ventre. Je n'arrive pas à m'arrêter mais Ronald m'aide quand même à me relever et reprends un air sérieux.

- Bon, bon, bon. On commence par le commencement étant donné qu'il n'y a pas de fin. Eh oui, l'éternité bah... Ça commence mais on sait pas si y a un bout. Bref ! Premièrement, ton nom et  prénom ça c'est fait, marmonne-t-il en gribouillant sur un bloc-notes. Ensuite... Ah ! Je t'explique le boulot et on pourra passer à la suite.

Un banc sort de nulle part et on s'assoit dessus. Je croise les jambes et lui sort quelques anti-sèches. Génial, ça risque d'être long...

- Bien, bien, bien.  Le travail des Shinigamis, ou Dieux de la mort, consiste à récupérer les âmes des humains. Ils savent où et quand ils doivent mourir. Pour prendre les âmes, ils utilisent des faux qui leur sont attribuées dès qu'ils entrent dans le métier. Les Dieux peuvent customiser leur faux à leur image en lui donnant une autre forme ou une autre couleur.

« Les Shinigamis utilisent des lanternes cinématiques pour "sauvegarder" la vie de la personne. Ensuite, ils doivent l'amener à la bibliothèque des Shinigamis. Ceci sert à vérifier qu'ils soient bien mort au cas où ils s'aperçoivent que la personne est revenue à la vie.

    Une fois qu'il a fini de me parler de mon futur rôle tout en louchant sur ses fiches, il me regarde, comme attendant une parole de ma part. Je lève un sourcil puis fais un petit compliment.

- Tu as très bien expliqué, c'était très clair.

Il est tout content. Il garde son sourire collé sur sa face de grand enfant puis reprend son bloc-notes.

- Pour la suite, c'est très simple. Tu réponds aux quelques questions que je te pose et on pourra rentrer à la maison.

- La maison ? Je n'ai pas de maison ! me suis-je écriée. Je n'ai jamais rien eu, je vivais dans la rue comme une pauvre avant de mourir.

- Premier point rempli, on va te loger t'en fais pas pour ça, répond-il en griffonnant. Ensuite, la tenue. Évidemment que tu ne vas pas bosser comme tu es habillée maintenant. Les Shinigamis ont un minimum de classe.

Il prend un petit air hautain hilarant. Il me fait penser à Kiara, ma meilleure amie. Cette vampire a un humour certain mais est-ce que je pourrais à nouveau rire avec elle un jour ? Je ne laisse pas la nostalgie m'envahir et écoute la suite.

- Donc déjà, le style de vêtements. Tu es plus quoi ? Robe, chemisier, pantalon, jupe, corset ? Dis et on obéit !

- Hum... Je prends un peu de temps pour réfléchir avant de répondre. Chemise, corset, pantalon, bottes hautes -à talon par pitié !- et une ceinture en soie pour le petit style.

- Je vois que madame a un certain goût, fait-il en notant à vitesse grand V ma requête. Tu me diras les couleurs et on pourra terminer avec le meilleur.

- Chemise blanche, corset, bottes et pantalon noir et ceinture bordeau.

- Nickel ! Maintenant, la meilleure partie.

Son sourire s'agrandit et une faux apparaît devant moi. Je la saisi par le manche et une sensation étrange s'empare de moi, comme si j'étais reliée à cette arme. L'autre guignol continue de sourire comme un imbécile. Je ne lui prête pas attention et ferme les yeux en me concentrant sur ma faux. Je ne sais pas pourquoi mais je m'imagine un katana à la lame noire avec quelques inscriptions rouges sur le tranchant. Le pommeau et le fourreau sont blanc avec les mêmes inscriptions rouges que sur la lame. En ouvrant les yeux, la faux est devenue ce que je venais d'imaginer. Je dégaine mon katana qui fait ce bruit si agréable à entendre de la lame contre le fourreau. C'est une copie conforme de ce que je venais de visualiser dans ma tête. Je regarde Ronald avec des yeux ronds comme ceux des chouettes mais il fini d'écrire sur son bloc-notes, tout heureux.

- Génial, on a terminé. Tu as ressenti la connexion avec ta faux ? Incroyable, pas vrai ? Ça témoigne du lien qui vous unit à jamais.

- Donc elle est à moi maintenant ?

- Oui Mam'zelle.

    On se lève après avoir réglé les petits détails inutiles puis il prend une clé qu'il enfonce dans le vide. En la tournant, j'entends un déclic et une porte s'ouvre.

- Bienvenue chez nous, Laina. La grande bibliothèque des Shinigamis.