Par amour pour la mort

Retrouvailles et découvertes

Il fait nuit. Je me réveille en sursaut, entourée par les bras protecteurs de mon Undertaker. Je fais des cauchemars depuis quelques temps, mais rien d'alarmant. En fait, je revis de façon assez glauque tout ce qui m'est arrivé depuis ma mort : mon arrivée ici, mes premières missions, mon kidnapping, le duel chez le vieux Midford et enfin les premiers bons moments passés avec l'homme de ma vie. Tout ça revient mais de façon inquiétante, j'assiste à mon propre sort et je ne peux rien faire. Je suis impuissante à chaque fois. Et lorsque viennent les moments de douceurs que je partage avec Undertaker, tout devient flou et s'efface, balayé par un étrange coup de vent. J'ai décidé d'en parler à mon bien-aimé et il a décidé de dormir avec moi. Maintenant, toutes les nuits nous partageons le même lit. Je me sens sereine, blottie dans ses bras, mais les cauchemars ne partent pas. Cette nuit, j'ai refait un cauchemar, mais la fin l'a laissée de glace. Je voyais Kiara, ma meilleure amie mourir de je ne sais quelle façon. Je voyais Undertaker et tous les Shinigamis anéanti par la tristesse, le désespoir. Et le corps inerte de la vampire était soutenu par un homme à l'apparence démoniaque. Je ne le reconnait toujours pas.

Je me lève discrètement pour ne pas réveiller le bébé qui ronfle à côté de moi et enfile ma tenue de travail. Je regarde mon carnet, deux nouveaux noms sont apparus. Je m'en occuperai plus tard, c'est pour demain après-midi après tout. Je me saisis de Jōnetsu et sors par la fenêtre avec la discrétion et la souplesse du vent. Je la referme derrière moi sans un bruit et escalade le toit. Je contemple alors Londres baignant dans la nuit de la pleine lune, illuminée ça et là par les lampadaires. Je déploie mes ailes, noires comme le ciel avec quelques tâches blanches pour représenter des étoiles, puis m'envole dans le ciel nocturne. Je passe sur la Tamise, frôlant l'eau calme du bout des doigts et perturbant le film d'eau lisse jusqu'à maintenant. Je remonte d'un puissant battement d'ailes et rejoins le sommet de Big Ben pour me poser sur le toit. Je m'assieds sur les tuiles chauffées par le soleil de la journée. Le début de l'été se sent, les nuits sont plus douces et le temps plus joyeux.

Je contemple de nouveau la ville, mais du haut de mon piédestal, tout est beaucoup plus petit mais beaucoup plus discernable. La belle Londres n'en est que plus splendide. Je scrute l'horizon quand du bruit derrière moi me fait sursauter. Une lueur grisâtre ainsi qu'un grincement sinistre se font entendre avant de s'estomper dans le calme de la nuit. Deux personnes viennent alors s'assoir à côté de moi.

- Eh bien, Laina-chan ! On ne rend plus visite à ses petits camarades ? lance Grell de sa voix grinçante qui m'a bien manquée.

- J'avoue que ton absence s'est grandement faite ressentir, ajouté ce cher Will de son éternel ton blasé. Grell s'est montré insupportable depuis qu'il vous a vu, toi et Undertaker en train de... De quoi déjà ?

- De s'embrasser espèce d'imbécile ! De s'embrasser... Oh lala tu as eu la chance de goûter aux lèvres si envoûtantes de senpai !

Le Shinigami écarlate se met à se trémousser d'excitation en saignant du nez pendant que son acolyte soupire d'agacement. Un petit rire s'échappe de ma bouche.

- Vous m'avez manqué vous. Et où est Ron ?

- Il est actuellement en mission. Il ne reviendra pas tout de suite, je le crains.

- Moui, ce pauvre Ronald doit surveiller des âmes de quelques messieurs qui n'ont absolument rien de charmant ! Pas comme Undertaker...

Et c'est reparti. Will, n'en pouvant plus, remet ses lunettes en place et pousse le pauvre Grell du bord de l'horloge. Le malheureux se retient puis se hisse à sa place en criant sur le fautif. Quelle belle bande de fous, je l'ait regrettée pendant tout ce temps... Le souvenir du majordome sans scrupules me revient à l'esprit et je décide d'en parler aux garçons. Je leur raconte tout ce qui s'est passé dans les moindres détails et je n'oublie pas de décrire le grand homme et son maître, tous les deux sinistres. Lorsque j'achève mon récit, Grell est littéralement projeté au sol par une nouvelle hémorragie.

- S-Sebastian...

C'est tout ce qu'il arrive à gémir avant de tomber dans les pommes, vidé de son sang. Je me tourne vers Will qui est désormais ma seule aide disponible.

- Tch, se fichu démon se mêle sans arrêt de ce qui ne le regarde pas. Je ne peux pas supporter les êtres de son espèce !

- Un démon ? Ils existent ? Et sous cette forme ?

- Bien sûr que les démons existent ! me lance mon ami, surpris de mon ignorance. Ils existent comme nous ou les anges. Mais ce ne sont  que des êtres vicieux et sans vergogne, prêts à tout pour se nourrir des âmes de leurs victimes. Et pour l'apparence, je suppose qu'il choisisse celle qui se rapproche le plus des circonstances.

- Ce Sebastian est donc un démon...

Je me perds dans mes pensées, me remémorant les actions et paroles du majordome. Je me rappelle alors également comment le jeune comte le traitais. Certe, c'est un majordome, mais c'est aussi et avant tout un démon !

- Est-ce normal qu'un mortel comme le comte Phantomhive traite un démon de la sorte ? Je veux dire, malgré le fait qu'il soit son majordome.

- Ah mais c'est tout à fait normal ! lance Grell qui vient de reprendre ses esprits. Cet Apollon a fait un pacte avec le comte, promettant de le servir jusqu'à ce que vengeance soit faite ! Ensuite il dévorera son âme. Je suis tellement jaloux... Je donnerais corps et âme pour être à la place du mioche.

- Oui enfin... Désormais, Sebastian est au service du comte pour l'éternité.

- C'est possible ça ? m'étranglais-je à moitié.

- Eh bien, le comte s'est fait dévorer son âme par un autre démon. Le pacte n'avait donc plus lieu d'être mais Ciel Phantomhive a réclamé à Sebastian qu'il soit à son service pour toujours.

- C'est fascinant.

Ces derniers mots s'échappèrent en un murmure. Je sortis de ma torpeur en sentant que les deux autres bougeait. Je me lève à mon tour.

- Vous partez déjà ?

- Plus rien ne nous retient, commence Will, et à cause de l'autre idiot ici présent, il faut ranger la bibliothèque.

- C'est pas ma faute si tu laisses traîner ta faux n'importe où !

Et c'est reparti pour une petite dispute. Je ris en les regardant puis scrute le ciel. Le soleil apparaît lentement à l'horizon, il faut que je rentre.

- Bon eh bien messieurs, si vous êtes libres en fin de matinée, je souhaiterais que vous m'accompagniez récolter quelques âmes.

- Moi je viens ! Et si Undertaker veux nous accompagner...

Le rouge se remet à baver et le brun secoue la tête.

- Je viens aussi, il faut bien garder un œil sur cet enfant.

Encore une dispute. Je ne compte même plus. Je le salue donc puis avance au bord du toit. Je me tourne vers mes amis et leur lance mon plus beau sourire avant de me laisser tomber dans le vide. Je déploie de nouveau mes ailes et m'envole en direction de la maison, en direction de mon homme.