Passer par le passé pour avancer

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    Je leur ai tout raconté, depuis que je m'étais levée ce jour-là jusqu'à maintenant. Ils me regardent, le regard perdu dans le vide. Je ne pensais pas que mon problème aurait un tel impact sur eux. Même Will est en train de réfléchir à une solution. Ce Shinigami que je pensais si sérieux à un grand cœur mais il ne le laisse pas paraître. Pas du tout même. Mais ce n'est pas important car il est mon ami au même titre que les deux autres. Et dire que je me suis attachée à tout ce monde en si peu de temps. J'ai l'impression que ma mort est la meilleure chose qui me soit jamais arrivé. Je réalise que mes ailes sont toujours sorties. Je les rentre et me lève.
- Un problème Laina-chan ? m'interroge Grell.
- Non, je vais mieux grâce à vous, dis-je en leur souriant à tous les trois.
- Si c'est le cas, il faut maintenant régler le problème avec Undertaker, répliqua Will en remettant ses lunettes en place.
- Will tu es gentil mais vous n'avez pas besoin de vous occupez de ça...
- Ne dis rien ! lance Ronald en se levant et en me prenant par les épaules. On est tes amis et on compte bien t'aider à résoudre tes problèmes.
- Les garçons...
Dans un élan de tendresse, je les attrape et les serre contre moi. Will se raidit, Grell me rend mon câlin et Ron prends un certain plaisir à ce que je le tienne contre moi. Nous nous séparons et je les regarde une dernière fois.
- Vous êtes adorables mais je dois régler cette histoire toute seule. Sur ce, je reviens demain.
À ces mots, je prends mes affaires et ouvre la porte avec ma clé.

    Quand j'arrive devant le magasin, j'hésite à entrer. Je prends mon courage à deux mains et ouvre la porte. Lorsque j'entre, je me paralyse. Il y a trois personnes dans la boutique : Undertaker, Sebastian et le jeune noble. Je m'incline à l'attention des deux visiteurs et me dirige vers l'arrière boutique sans un regard à Undertaker. Une fois la porte refermée, je me dépêche d'aller m'enfermer dans ma chambre. Une fois parfaitement seule, je m'adosse au mur et me laisse glisser par terre. Mon coeur bat si vite, s'en est troublant. Je reste assise quelques minutes puis me lève. Je réfléchis à ce que je dois faire maintenant. Devrais-je reprendre ma vie comme avant mais en étant plus distante ? Devrais-je accepter de lui parler ? Je ne sais pas quoi faire. On tape alors à ma porte. Je me pétrifie et ne dis rien. La fenêtre est ouverte. La fuite sera-t-elle toujours la meilleure solution ? Je saute sur mon lit avec la grâce d'un phoque et plonge sous mes draps. Je suis stupide ou bien ?! Il fait encore jour dehors. La personne entre. Je reconnais les pas d'Undertaker sur le parquet. Il s'approche doucement de mon lit.
- Laina. Je sais que tu fais semblant mais je sais aussi que c'est dur pour toi, soupire-t-il. Si tu as besoin de temps prends le mais pitié, laisse-moi me justifier.

    Il reste à me fixer cinq bonnes minutes. Alors qu'il s'apprête à refermer la porte de ma chambre, je me tourne vers lui et nos regards se croisent. Je lis l'espoir dans le sien. Moi, je reste incertaine. Je décide cependant de m'asseoir et de lui indiquer de venir à côté de moi. Il hésite puis vient s'installer près de moi. Il regarde le sol tout en se tordant les doigts à cause du stress.
- Hé, tu n'as pas à t'inquiéter, lui dis-je doucement. Je ne vais pas m'enfuir.
Il me regarde avec ses magnifiques yeux verts. Son visage à la fois sérieux et immature me fais craquer. Je garde tout de même mon calme et attends. Il souffle un grand coup et commence.
- J'étais encore vivant lorsque nous nous sommes rencontrés. Nous ne sommes pas côtoyés longtemps et pourtant on s'aimait à la folie.
Je lis la nostalgie sur son visage et mon cœur se serre.
- Je me souviens, la première fois que je l'ai vu, mon cœur est devenu fou. Nous nous sommes tout de suite rapprochés et en très peu de temps, l'amour nous a liés. Nous passions nos jours et nos nuits ensemble, rien ne pouvait se mettre en nous. Rien excepté nos familles.
<< Comme notre relation était secrète du fait de nos milieux sociaux opposés, il fallait absolument être les plus discrets possible. Mais un jour que nous étions dans le parc de son manoir, ses parents nous ont vu en train de nous enlacer. Ils étaient furieux et pour nous punir, ils ont annoncé, devant nous deux, que Claudia serait promise à un autre.
<< Ils nous ont ensuite interdit de nous revoir sous peine de prévenir les autorités que j'harcelais leur fille. Le chagrin me prit et lorsque j'appris les fiançailles de Claudia et le comte Phantomhive, je ne tins plus. L'amour que j'éprouvais pour elle m'a donné la force de commettre l'irréparable. Je suis mort la nuit de la veille de leur mariage, les veines taillées. C'est de là que proviennent mes cicatrices.
Tout en parlant, il me montre la cicatrice qui file sur son visage et une autre sur son cou. Je le regarde, le cœur fendu. Il est mort pour la femme qu'il aimait.

    Plusieurs minutes s'écoulent dans un silence pesant. Je ne cesse de penser à ce qu'il vient de me dire. Il s'est hotté la vie parce qu'il ne pourrait plus jamais voir la femme qui le rendait heureux. Je me doute bien qu'il ne ferait jamais ça pour moi. Je vois qu'il me regarde, attendant que je réponde, que je fasse un geste.
- Laina... Je sais ce que tu penses et tu te trompes. Tu es quelqu'un de formidable, quelqu'un qui m'est précieux. Après avoir vécu deux cents ans en solitaire, je ne pensais pas pouvoir retrouver ma joie. Mais quand tu es arrivée, j'ai ressenti ce qui m'avait manqué pendant deux siècles. Laina je...
- Ne dis rien de plus, répliquais-je en tendant la main pour qu'il se taise. Ce que tu as vécu, ressenti ou autre ne me regarde pas. Et ce que je ressens est inutile à savoir dans l'état actuel des choses. Maintenant excuse-moi mais j'ai du travail.
Je me lève et m'empare de Jōnetsu. Il n'a pas remarqué que j'avais ouvert mon carnet pendant qu'il parlait. Après tout, à quoi bon l'écouter si ce n'est pour l'entendre pleurer la jeune femme. Sous son regard m'implorant de rester, je prends ma clé et ouvre la porte, direction le manoir d'un dénommé Alexis Midford. L'heure de la mort n'était pas indiquée sur le carnet. Je monte donc sur le toit du manoir et guette. Je vois un homme dans la fleur de l'âge se promener dans les jardins. Je décide une approche directe. Je descends donc en sautant dans un buisson. En entendant le bruit du craquement des branches sous mon poids, il se retourne et me regarde, étonné. Je m'approche de lui et, comme si je venais simplement pour le rencontrer, je m'incline.
- Excusez-moi mon seigneur mais êtes-vous le marquis Alexis Midford ?
- En personne, répondit le bonhomme en frottant sa moustache. En qui ai-je l'honneur ?
- Je me nomme Laina Shinsen, dis-je aimablement en me redressant et en dégainant ma faux. Je suis malheureusement venu jusqu'à vous pour vous prendre votre âme.
Je prends un air désolé et tends ma lame vers le torse du marquis.
- Ah enfin un peu d'action dans cette vie monopole ! s'exclame-t-il à ma grande surprise.
Il dégaine aussitôt un sabre qu'il avait au côté et tend la fine lame dans ma direction.
- Montrez-moi donc ce que vous valez en escrime.

Par amour pour la mortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant