L'erreur du débutant

1K 77 22
                                    

Je patiente tout juste cinq minutes. Juste avant l'heure de la mort, je me place sous la fenêtre de la chambre du comte. Je reste suspendue durant les dernières secondes d'attente, Jōnetsu accroché dans mon dos. Je me risque à regarde par la vitre. Il y a une femme dans la fleur de l'âge qui est à genoux à côté d'un lit sur lequel gît le corps du comte. Elle pleure toutes les larmes de son corps en serrant la main de celui qui devait être son mari. Près d'elle, un homme à la carrure de taureau veille. Il regarde dans ma direction. Juste avant que je me retrouve dans son champ de vision, je me baisse et manque de tomber. Je me rattrape tant bien que mal au rebord de la fenêtre. J'entends ensuite les personnes présentes dans la pièce sortir. Je me baisse par la fenêtre et l'approche du comte, sans bruit. Je dégaine Jōnetsu et, alors que sa lame va transpercer le torse de l'homme, une force surpuissante m'envoie contre le mur. J'en ai le souffle coupé et l'impact me sonne. Ma vue est un peu floue. Je distingue tout de même le colosse de tout à l'heure. Il s'approche de moi et me saisit par le col. Il me soulève en me plaquant contre le mur. Mes pieds ne touchent plus le sol. Je veux me débattre mais le choc a été si puissant que je n'ai plus de force. J'arrive seulement à gémir. C'est pathétique. Il sort une dague de sa manche et je la vois luire à la lumière du soir. Alors qu'il la précipite vers mon cœur, son geste s'arrête net, à même pas un centimètre de ma peau. L'homme me lâche. Je m'écroule comme une masse de deux tonnes et assiste à la scène, incapable du moindre mouvement. Une tronçonneuse est passée au travers du torse du géant. Une tronçonneuse rouge vif, plus vif que le rouge sang. La lame se retire et le Titan s'effondre, laissant son sang couler sur le sol. Je vois Grell sourire et faire un signe avec sa main. Pendant qu'il s'extasie devant le corps monstrueusement musclé de mon agresseur, Ronald et Will m'aident à me relever. Je titube mais reste en équilibre.

Je reprends peu à peu mes esprits en me frottant la tête. Ils me fixent tous les trois, comme si j'avais un oeuf de pigeon au milieu du front. Je tâte la zone au cas où mais tout va bien.
- Tu vas bien Laina-chan ? s'inquiéte Grell.
- On est arrivé quand cet homme est entré dans la chambre, renchérit Ron. Il t'as littéralement propulsée contre ce mur.
Il pointe le mur que j'avais percuté. Il est un peu renfoncé. Le scène devait être incroyable à voir.
- Ne vous en faite pas pour moi, je vais bien, dis-je en ramassant Jōnetsu. Si vous permettez, j'ai un travail à accomplir.
Sur ces mots, je me replace devant le corps du comte et plante ma lame dans son torse. La lanterne cinématographique jaillit de l'entaille. Sa vie avait l'air paisible. Je regarde le visage du défunt. Une légère calvitie pour des cheveux argentés et une petite moustache élégante.

Une fois ma lanterne et celle de Grell récupérées -parce que bien sûr, la mort du colosse était prévue- nous rentrons à la bibliothèque. Will prend les lanternes cinématiques et les passe à Undertaker. Les garçons me ramènent dans ma chambre. Ils veillent à ce que j'aille bien et repartent. Je m'étale sur mon lit et ferme les yeux. Je suis fatiguée au point de vouloir mourir une seconde fois. Cependant, une migraine atroce empêche le sommeil de s'installer. Résignée, je me lève et vais à la salle de bain. J'ouvre l'armoire à pharmacie mais il n'y a rien. Rien dans le sens vide du terme. Il n'y a pas de médicaments mais pas non plus de bandages ou autres. Je soupire en faisant ressortir la migraine et décide d'aller faire un tour en ville. Alors que je sort par la porte de la boutique, je rentre dans un grand gaillard au corps à la fois fin et robuste. Je lève la tête pour voir à quoi il ressemble car il me dépasse largement. Je vois un fin sourire dessiné sur son visage. Ses yeux en amande sont perçant comme des lames. Ses fins cheveux bruns brillent au soleil. Cet homme et à la fois impressionnant et chaleureux par son allure. Je m'incline.
- Excusez-moi, je ne vous avais pas vu.
- Sebastian ! Que fais-tu et qui est cette jeune femme ?
Je me tourne et voit un jeune homme habillé richement. À côté de lui, le grand homme, dénommé Sebastian, ressemble à un domestique. Je m'incline face au jeune bourgeois.
- Acceptez mes plus plates excuses, jeune seigneur. Je ne voulais vous importunez, vous et votre domestique.
- Tch, trêve de blabla. Qui es-tu ?
Quelle impolitesse ! C'est à ça que ressemble les jeunes de la noblesse ? Bref, terminons-en le plus vite possible.
- Je me nomme Laina Shinsen, répondis-je en m'inclinant à nouveau. Veuillez me pardonner mais je suis souffrante et je dois aller chercher des remèdes aussi vite que possible.
Après une dernière révérence, je me dépêche de passer ces étranges personnages mais Sebastian me retient par l'épaule. Je le regarde, l'implorant du regard de me lâcher. Il est là, tout calme à me sourire. Les gens sont-ils tous fous ici ?! Il dépose une bourse plutôt bien remplie dans mes mains et me laisse partir. Avant que je sois trop éloignée, je l'entends juste dire :
- C'est la première fois que je vois une femme Shinigami.
Comment est-il au courant ? Je ne me retourne pas et passe mon chemin.

Il est midi quand je rentre à la maison. J'ai mis un temps fou à trouver une pharmacie ouverte. Je prends mon cachet d'aspirine, remplis les stocks du placard à pharmacie et vais me coucher. Je ne peux pas me reposer qu'Undertaker revient de la bibliothèque... En passant par ma chambre ! Il ferme la porte de la mort et se rends compte du lieu où il se trouve. Il rit un peu de sa bêtise puis ouvre la porte pour sortir. Je me retiens de hurler dans mon oreiller lorsqu'il revient sur ses pas et se dirige vers mon lit. Non, ne viens pas, je ne veux pas parler. Il s'arrête et pose sa main sur mon front. Son geste est si doux que ça me surprend et un frisson me parcourt. Sa peau au contact de la mienne procure une étranges m sensation. Il retire sa main.
- Eh bien alors, jeune imprudente ? dit-il sur un ton rieur, on part en mission sans renforts ? Ta première, qui plus est. Heureusement que ce cher Grell avait lui aussi a faire sur les lieux sinon je ne donne pas cher de ta peau.
Je m'enfonce un peu plus sous ma couverture pour ne pas avoir à répondre en prétendant vouloir me reposer. Il m'arrache les draps et les rabats aux pieds du lit.
- Hé, rendez-moi ça ! m'écriais-je en tentant de rattraper les draps.
- Mais qu'est devenu la jeunesse, s'esclaffe-t-il. Tu comptes rester couverte comme ça avec ta fièvre ? Ahah tu vas réussir à mourir une seconde fois, jeune effrontée.
Je lui fais face. La colère et la fatigue m'ont fait me lever. Je regarde et à travers sa frange, je perçoit un éclat vert qui me transperce comme une flèche. Je me décompose instantanément et me rassois. Il sourit et sort chercher une poche d'eau froide qu'il me pose sur le front. Ce reflet vert... Ce regard... C'était à la fois un rêve et un cauchemar. Je ne ferme pas l'œil, trop choquée par ce que j'ai vu. Ce yeux sont le reflet même de la mort.

Par amour pour la mortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant