La douleur dans l'âme

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Je me réveille et vois Undertaker à moitié allongé sur mon lit. Ça fait trois jours et pourtant, il continue de veiller sur moi. Je lui répète que je vais bien et qu'il n'y a plus rien à craindre mais ça fait deux semaines que je vis chez lui et je commence à me rendre compte que c'est la pire tête de mule existante. Il fait encore nuit. Il y a quelques miettes sur mes draps. Mon petit doigt me dit qu'il est allé chercher des biscuits pour passer le temps. Je m'approche du bord et, en effet, il y a un bocal vide aux pieds de mon lit. Je secoue la tête en riant et me lève le plus discrètement possible. Je prends une de mes couvertures et la mets sur le dos de la marmotte. J'enlève vite les miettes, ramasse le bocal et va à la cuisine. En ouvrant le placard pour ranger le bocal, je m'aperçois que les stocks de gâteaux ont diminué. Comme je n'ai rien d'autre à faire, je sort les ingrédients et le matériel nécessaires puis je commence à cuisiner. Je n'ai même plus besoin de lire la recette, vu le nombre de fois où j'ai dû lui préparer ses petits os en pâte d'amande. Ce que ce gourmand ne sait pas, c'est que je rajoute de la cannelle et du sucre. J'ai décidé de faire ça car un jour, j'ai pris le risque de goûter un des biscuits et j'ai regretté. C'était juste de la pâte qui ramollissait dans la bouche. Ça n'avait aucun goût et j'ai tout recraché. Heureusement qu'Undertaker n'était pas là, sinon je me serais attirer des foudres et en me voyant recracher mes tripes, il aurait éclater de rire et j'aurai eu la honte de ma vie.

Je sors ma cinquième fournée et la laisse refroidir sur la table quand la porte s'ouvre dans un grand fracas. Oh non... Il est là, dressé dans l'encadrement de la porte. Il vient vers moi et me soulève. Il me met sur son épaule à la façon d'un vulgaire sac à patates et me ramène dans ma chambre.
- Je ne vais pas me répéter, tu restes dans ton lit jusqu'à être parfaitement guérie ! me réprimande-t-il pour la énième fois.
Habituée à ça depuis ces trois derniers jours, je me laisse faire en me laissant pendre, lasse. Il me pose sur mon lit, me borde et se remet en position de surveillance, me fixant comme un faucon veille sur sa proie. Je prends un air de gamine boudeuse.
- Papa j'ai pas sommeil ! criais-je en croisant les bras et en faisant la moue.
- Nan tu restes dans ton lit, petite effrontée, réplique-t-il d'un ton sérieux que je ne lui connais pas. Ça fait quinze fois que je te le dis, tu restes au lit jusqu'à ce que JE dise que tu vas mieux.
- Pitié, soupirais-je. Je n'en peux plus de rester assise la à rien faire de mes journées. J'ai besoin de bouger, me défouler. Tu comprends ?
Je parle en faisant de grands gestes avec mes mains qui sont toutes engourdies à cause du manque d'activité. Il se lève en pestant et sort de ma chambre.

Il revient quelques secondes plus tard et me tend une chemise blanche. C'est vrai que la précédente est partie en lambeau lorsque j'étais dans le laboratoire du scientifique fou. Je frissonne en repensant à ce jour horrible. Une petite douleur se fait sentir dans mon dos mais je n'y prête pas attention. En prenant la chemise dans mes mains, je sens une différence au niveau du tissus. J'interroge Undertaker du regard.
- Tu as remarqué ? C'est un tissus spécial qui a été adapté à ta nouvelle... Capacité.
Il dit ce dernier avec un ton froid. Je me sens mal. Pourquoi fallait-il que ça m'arrive ? En plus, c'était ma deuxième mission et elle s'est aussi mal passée que la première. Je m'en veux de prendre des risques inconsidérés mais c'est plus fort que moi, j'aime l'action et même si mes propos peuvent en blesser certains, je dois avouer que ce qui m'est arrivé lors de mes deux missions m'a procuré une certaine joie. Excepté le fait d'avoir servi de cobaye pour une expérience.
- Merci Undertaker, dis-je en lui souriant.
Je me lève pour aller ranger la chemise dans un tiroir de ma commode. En ouvrant le tout premier, j'écarquille les yeux. Undertaker me rejoins pour voir ce qui a provoqué cette pose dans mon action et il se pétrifie en voyant ce que je vois.

Je pose la chemise sur la commode et saisis le tableau. Je le sort délicatement et le contemple. Il représente une magnifique jeune femme aux yeux perçants et au doux sourire. Elle porte une ravissante robe au col de dentelle blanche. Elle est coiffée en un élégante chignon haut. Je pose le tableau et Undertaker s'avance doucement. Il tend la main pour caresser la toile mais n'ose pas juste l'effleurer, comme s'il avait peur que tout parte en fumée au moindre contact. Je l'entends murmurer un prénom.
- Claudia... souffle-t-il, bouche bée.
- Qui est Claudia ? demandais-je en toute innocence.
Je ne cherche pas plus de réponses. Ses yeux sont visibles à travers son rideau argenté et le regard avec lequel il fixe le portrait veut tout dire. Je ne sais pas pourquoi je me mets à reculer à pas lents, tout en me dirigeant vers Jōnetsu. Je l'attrape délicatement puis prends la clé qui est posée à côté.

Lorsque je tourne la clé, le déclic de la serrure se fait plus fort que je le voulais. Undertaker se tourne vers moi et je lis soudain la peur dans son regard. Je retiens mes larmes et fonce de l'autre côté de la porte. Je referme en vitesse avant qu'il cherche à me rattraper et tombe, sanglotante sur l'herbe de la clairière. Les larmes coulent toutes seules, je n'arrive pas à les retenir. Pourquoi je me mets dans cet état pour si peu ? Pourquoi je sens mon cœur se briser en repensant au regard du Shinigami vers le tableau ? Je n'y tiens plus et hurle ma douleur en serrant les poings contre mon cœur. Je souffre et je ne sais pas pourquoi. Je veux disparaître mais j'ignore la cause de mon malheur. Dans un geste furieux, je m'empare de ma faux et la dégaine. La lame noire, brillante me renvoie mon reflet. Je me vois, je vois la douleur dans mes yeux, j'appelle au secours. Dans un dernier cri de fureur, je tourne la lame meurtrière vers le sol et la plante de toute mes forces. Je pleure toutes les larmes de mon corps pendant plusieurs heures. Pourquoi souffrir pour si peu ? Je déteste ce sentiment enfouie en moi. Est-ce que c'est ce qu'on appelle l'amour ?

Par amour pour la mortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant