Par amour pour la mort

La vampire et le majordome

Je suis étendue dans mon lit, mes cheveux blancs m'entourant. Le rayon de lune traversant ma fenêtre se reflètent sur eux et la lumière céleste emplissant ma chambre donne air mystérieux, presque inquiétant à la pièce. Mon regard est fixé au plafond sombre. Même s'il est très tard, le sommeil ne vient pas. Je n'ai d'ailleurs aucune envie qu'il arrive ; mon cerveau est beaucoup trop actif. Ça fait une semaine que j'ai retrouvé Kiara, une semaine que le choc est passé, mais ça fait également une semaine que je n'arrête pas de repenser à tout ce que j'ai perdu. Certes, personne à part mon amie ne se souciait de moi. Personne ne me connaissait, à part ce qui m'ont tuée et Kiara. Je me demande s'ils m'ont oubliée eux aussi. Et d'ailleurs, je ne suis pas vraiment morte par leur faute. C'est moi, brave et insolente qui me suis livrée à eux et qui leur ais donné l'idée de me noyer. Cela est-il considéré comme un meurtre ? Ou bien est-ce plutôt un ordinaire suicide, simplement commis par quelqu'un d'autre.

Mes pensées se bousculent dans ma petite tête quand la porte de ma chambre grince. Je tourne la tête et aperçoit mon cher et tendre entrer. Il s'approche du lit et s'accroupit sur le sol, à mon chevet. Il parle de cette voix douce et calme que j'aime tant.

- Voyons Laina, tu ne dors toujours ?

- Je pourrais te faire la même remarque.

Nous rions puis je me replonge dans ma contemplation du plafond et il pose sa main sur la mienne. Nous n'échangeons aucune parole, seul le bruit de la nuit se fait entendre.

Nous restons comme ça pendant bien dix minutes puis je me redresse et m'assois au bord du lit. Le grand homme fait de même et me scrute à travers sa frange couleur de lune.

- Dis-moi ce qui te travaille... Tu es dans cet état depuis que tu es revenue de ta dernière mission.

- Je... J'ai retrouvé une amie.

Je n'arrive pas à parler. Je ne sais pas quoi dire. Comment lui expliquer ce que je ressens par rapport au fait que la seule personne qui comptait pour moi avant m'a littéralement oubliée.

- Elle t'as oubliée ?

Je me tourne instantanément vers lui en ouvrant de grands yeux. Comment sait-il ? Il rit doucement face à mon amie ébahie puis il baisse la tête, gardant un petit rictus triste sur le visage.

- C'est comme ça pour tous les Shinigamis. Comme nous avons fait le choix de mourir et pas de laisser le hasard nous tuer, nous sommes punis en disparaissant de la mémoire des gens. Un triste destin mais c'est ce qui attend ceux qui décident de se suicider.

- Donc si j'étais morte "naturellement", elle se serait souvenue de moi en me voyant ?

- Non, parce qu'elle ne t'aurait pas vue. Tu deviens Shinigami parce que TU décides de mourir. Si tu étais morte contre ton gré, tu serais forcément allée au paradis.

Tout s'éclaire alors dans mon esprit. Toutes les pièces se mettent en place et s'emboîtent sans problème. Ce que j'ai fait est donc un suicide. Ces pauvres gens ne sont pas responsables, ou tout du moins pas totalement. Une infime joie s'empare de moi à l'idée de comprendre un peu mieux le pourquoi du comment. Je saute instinctivement au cou de Undertaker et l'embrasse sur tout le visage.

- Merci merci merci mon amour ! Je comprends mieux grâce à toi.

Il rit puis attrape doucement ma tête entre ses mains douces. Les mèches de sa frange sont légèrement écartées et ses yeux verts se plongent dans les miens. Notre échange silencieux laisse en réalité passer tous les mots d'amour qu'on ne se dit qu'avec le cœur. Il caresse mes cheveux et approche ma tête de son cœur. J'entoure son torse de mes bras et nous restons comme ça longtemps. Sans nous en rendre compte, nous finissons allongés et je finis par m'endormir dans les bras de mon homme.

*

Undertaker travaille à la boutique pendant que je lui prépare de nouveaux gâteaux en forme d'os. Et j'ai rajouté du chocolat pour lui faire une petite surprise. J'espère qu'il va aimer. Je mets la première fournée à cuire quand une voix suave me fait me retourner en sursautant. Je trouve face à moi un grand homme en costume. C'est celui qui m'a donné de l'argent quand j'étais malade. Comment s'appelle-t-il ? Ah oui, Sebastian. Je lui fais un signe de tête pour le saluer et m'approche.

- Hum... Vous cherchez quelques chose ? Je suis désolée mais la boutique est au rez-de-chaussée.

- Alors c'est bien vrai, une femme Shinigami...

Je rêve ou il a esquivé ? Je ne l'aime pas beaucoup avec son air suffisant et son sourire narquois. Je risque de m'énerver s'il joue avec moi.

- Sebastian c'est ça ? Je vous prierai de retourner à la boutique, cette zone est privée.

- Pardonnez mon impolitesse mademoiselle mais mon maître m'a ordonné de vous surveiller.

- Pardon ?

C'est quoi cette histoire ? C'est le nabot de l'autre jour qui lui ordonne de me surveiller, moi ?!

- Eh bien sachez que c'est extrêmement désagréable. Je vous raccompagne à la bout...

J'allais le pousser hors de la cuisine lorsqu'il m'attrape le visage avec sa main. Son gant est immaculé et doux mais cet infâme bonhomme serre fort et scrute mon visage. C'est quoi ce sourire ?

- Vous n'êtes pas banale ma petite dame.

Il me lâche et repars. Je le suis jusque dans la boutique et m'approche de Undertaker qui discuté avec le jeune noble. En me voyant, mon grand homme m'accueille à bras ouverts et me présente.

- Comte Phantomhive, je vous présente ma petite protégée, Laina Shinsen. Laina, dis bonjour au comte Ciel Phantomhive.

Je fais une rapide révérence et retiens un léger rire. Sa «petite protégée», haha quel comique. Je redresse la tête et vois le jeune comte me fixer d'un regard étrange. On dirait qu'il essaye de lire en moi, de cerner qui je suis. Il prend appuie sur sa canne et un sourire mesquin se dessine sur son visage d'enfant.

- Une femme Shinigami, hein ? Ce n'est pas banal.

Son toutou de majordome est placé derrière lui en souriant également. Je ne les aime pas beaucoup ces deux-là... Je m'excuse auprès d'eux et retourne dans l'arrière boutique. Non mais on croirait rêver ! Un mini noble et un grand dadet en costume de pingouin qui se croient tous les deux au-dessus du monde, c'est tiré par les cheveux. Et je me demande qui du maître ou du chien se fait mener par le bout du nez. Je souris à cette pensée et me dirige vers les escaliers pour monter à la maison mais du grabuge dans la boutique me stoppe.

Je reste à tenter d'entendre ce qu'il se passe pendant cinq petites minutes mais je n'entends rien de là où je suis et décide de m'approcher de la porte. Je l'entrouvre très légèrement et regarde ce qu'il se passe. Quelle n'est pas ma surprise en voyant Kiara et Sebastian qui se querellent. La pauvre vampire a dû tenter de lui mettre la lame sous la gorge mais il semblerait que le pingouin ait riposter. Il se débrouille bien pour un majordome !

J'assiste à leur petite rixe en cachett, esquissant un sourire amusé. Les voir se disputer comme ça est assez drôle. Et le fait qu'ils semblent se connaître l'est encore plus. Je n'assiste pas à la fin de la bagarre car une odeur de brûler me rappelle à l'ordre. Je monte les marches quatre à quatre et me rue dans la cuisine inondée d'un nuage de fumée noire. J'ouvre le four et sors les biscuits carbonisés. Un soupir l'as s'échappe de ma bouche et je regarde les petites pâtisseries, dépitée. C'est partie pour refaire deux-cents petits gâteaux avant la fin de la journée...