L'âme du métier

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Ronald ouvre une porte et nous arrivons devant un petite maison délabrée. Une tondeuse à gazon rouge apparaît à côté lui. Il sort un petit carnet de sa veste et le feuillette.
- Tu en auras un une fois qu'on aura terminé cette mission. Il contient les noms des personnes qui doivent mourir et sur lesquelles tu dois collecter les âmes, m'explique-t-il en remettant ses lunettes en place. Pour aujourd'hui, tu vas observer comment je procède et tu pourras t'exercer sur la prochaine victime. Ah, trouvé ! clame-t-il en pointant une page du doigt. Mina Kyroh, âgée de 25 ans, cette jeune femme est atteinte d'une maladie incurable. Que c'est triste de mourir si jeune...
Il soupire puis saute sur le toit. J'hésite puis saute à mon tour. D'un bond prodigieux, j'aterris juste à côté de lui. Nous nous installons puis attendons plusieurs minutes. Pendant ce temps, je m'amuse avec Jōnetsu en le faisant tournoyer en l'air. Ronald regarde ensuite sa montre et se lève.
- C'est l'heure princesse.
- L'heure de quoi ? Et évite de m'appeler "princesse", rétorquais-je, légèrement frustrée. Je ne suis pas du genre guimauve qui font lorsqu'on lui donne un petit surnom.
Il me fixe un instant, sonné par la ferveur de mes paroles. J'y suis peut être aller un peu fort. Il secoue ses cheveux blonds et reprend ses esprits.
- Autant pour moi... J'ai oublié de te préciser que l'heure de la mort est inscrite sur ton carnet. Le mieux est donc d'arriver en avance et d'agir dès que l'heure a sonné, sinon les croque-morts vont venir récupérer le corps et il sera trop tard.
Je hoche la tête et on bouge. Nous glissons du toit et restons suspendu près d'une fenêtre. Peu de temps après, un cri de douleur déchire la nuit. Plusieurs personnes pleurent dans cette petite maison. On entend ensuite des pas qui quitte la chambre et Ronald ouvre la fenêtre. J'entre après lui et examine les lieux. Il n'y a qu'un lit avec dessus, le corps étendu d'une jeune femme, sans doute Mina. Ronald se place à côté du lit et allume sa tondeuse. Je n'ose pas regarder mais j'y suis obligée. Je le regarde donc lever sa faux et la poser sur la tête de la défunte. Le spectacle qui s'ensuit me laisse bouche bée. Les lames entaillent le crâne de la femme mais il n'y a pas de sang. Lorsque le Shinigami hotte la tondeuse de la tête de Mina, il n'y a pas de sang. Juste une lumière qui s'échappe des coupures. Puis ce qui ressemble fortement à des pellicules cinématiques jaillissent des entailles. Je vois Ronald sourire.
- Ceci, jeune demoiselle, est l'âme de Mina Kyroh. Si tu regardes bien, tu peux voir sa vie défiler.
Il pointe du doigt une des pellicules et j'aperçois une femme ressemblant à Mina, riant, entourée de ce qui doit être sa famille. Une fois le "film" terminé, la lanterne cinématique retourne dans le corps de la jeune fille. Un livre apparaît alors et Ronald le saisit. Il se tourne vers moi, tout sourire.
- Notre travail ici est terminé. Rentrons avant que la famille ne revienne.
Il saute par la fenêtre et je fais de même. Nous atterrissons dans la rue puis Ronald nous ramène à la bibliothèque. Il passe le livre à Undertaker qui le place sur son chariot et nous allons nous assoir sur un des bancs près de la rambarde.
- Alors, ton avis sur le travail ? demande-t-il en posant des fesses sur un coussin.
- Je dirais que c'est intéressant. Voir les différents types de vies de chaque personne, ce qu'ils ont vécu me paraît enrichissant. Et puis peut être que ça me permettra de changer ma vision des gens, soufflais-je en baissant la tête.
Ron me regarde avec un air suspicieux mais ne pose pas de question. Il se lève et commence à s'en aller avant de se retourner vers moi.
- Au fait, cadeau, dit-il en me lançant un petit carnet. Tu en auras besoin pour travailler. Et prends ça aussi, ça t'évitera les longs trajets.
Il me passa une clé sur laquelle il y avait un petit crâne en argent. Sûrement la clé permettant de se déplacer n'importe où à partir d'ici. Je repense à l'adresse de la boutique d'Undertaker et plante la clé dans le vide. Je sens un déclic lorsque je la tourne puis une porte s'ouvre. Je la passe et me retrouve devant le magasin. Toute contente, je rentre dans la boutique puis monte à la maison. Je me rends compte que je n'ai pas manger depuis un certains temps... Enfin c'est plutôt mon ventre qui me le rappelle. Je vais à la cuisine et regarde dans les placards. Je réalise qu'ils sont remplis de bocaux contenant des biscuits en forme d'os. Poussée par la faim, je saisis un bocal, le pose sur la petite table et l'ouvre. J'ai à peine touché aux gâteaux que Undertaker déboule comme une tornade dans la cuisine. Il attrape le bocal, le referme et le serre contre lui.
- On ne touche pas !
Il ne sourit pas. Paniquée, j'ai levé les mains en l'air et je reste dans cette position quelques instants.
- Je suis désolée je ne savais pas, lançais-je, un peu inquiète de sa réaction. Je ne trouvais rien d'autre du coup je me suis servie... Je ne savais pas que c'est interdit d'en prendre !
- Grrrr.
Je rêve où il me grogne dessus ?! Vexée, je me lève et part dans ma chambre, le ventre vide. Je prends Jōnetsu que j'avais posé sur le lit en rentrant et prends ma clé. Je la plante, la tourne et arrive à la bibliothèque. Je pense ensuite à la forêt dans laquelle j'avais passé la plupart de mon enfance. J'ouvre la porte et me retrouve au milieu des arbres. J'inspire profondément l'air pur de la nuit mélangé à l'odeur des arbres en fermant les yeux. Cet endroit m'apaise instantanément. Je n'arrive pas à croire que je me suis énervée à cause d'une histoire de biscuits... N'empêche que j'ai faim. J'irai m'excuser plus tard et j'essayerai de grappiller quelque chose. Pour l'instant, je vais m'entraîner avec ma faux. C'est bien beau de planter une lame dans un corps mais s'il faut me battre, autant être prête. Je marche donc en direction de la clairière que je connais si bien et une fois arrivée, je savoure le spectacle.

L'herbe humide luit sous le ciel étoilé. La clairière est baignée dans la lumière de la pleine lune. Je m'avance au centre de cet endroit qui m'est si familier et dégaine Jōnetsu. Je le tends devant moi puis respire calmement, les yeux fermés. Lorsque je les rouvre, je commence à frapper à l'aide de coup précis, de gestes maîtrisés. Je tourne sur moi même, mes cheveux blancs volant autour de moi. Alors que j'assène un coup puissant sur un ennemi imaginaire, je m'immobilise. Je sens que quelqu'un m'observe. Depuis longtemps, je ne sais pas mais en tout cas je suis épiée. Je me redresse, droite et tends Jōnetsu dans la direction d'où provient mon malaise. La lame du katana brille sous la lune. Je remarque un crâne sur le pommeau du sabre. Sûrement un symbole distinguant les faux. Peu importe, je m'avance lentement, telle un prédateur, me préparant à sauter sur ma proie. Alors que je bondis, une lumière ou plutôt un flash se produit. Je tombe dans les buissons, éblouie. Il n'y a rien ni personne. Je me relève tant bien que mal en enlevant les saletés de mes vêtements. Comme je ne suis plus sûre d'être seule, je vais ramasser le fourreau de mon arme et retourne à la bibliothèque puis à la boutique. Lorsque j'arrive à la maison, j'entends Undertaker rire dans sa chambre ainsi que quelques craquements et une odeur sucrée. Il est hilare tout en mangeant ses biscuits. Je me retiens de frapper à la porte et vais dans ma chambre. Je m'assieds​ sur le lit et réfléchis à ma journée.

Je suis passée de l'état de morte à Shinigami. Je suis tout de même la seule femme Shinigami, j'ai donc intérêt à me montrer à la hauteur. Qui plus est, devoir passer l'éternité entourée d'hommes ne va pas être une partie de plaisir. Enfin, ce que j'ai rencontré jusque là sont plutôt sympas. Entre Ronald le séducteur amateur, Grell l'homme rouge qui à la voix qui fait saigner les oreilles et Undertaker le vieux barge, je devrais pouvoir m'en sortir. Je défait les draps de mon lit, me change et me couche. Je me demande à quoi ressemblera demain.

Par amour pour la mortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant