06 - Nuit de passion

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15e jour de la saison du soleil 2448

Un hululement perça le silence de la nuit. Était-ce la nuit? Serfantor n'en n'était plus certain. Le temps n'existait pas à Norkux mis à part le changement des saisons. Était-ce le début, le milieu ou la fin de l'été? Il ne pouvait pas plus dire. Le ciel était aussi sombre que le cœur des assassins qui rôdaient les rues brumeuses de la citée ténébreuse à la recherche de cibles qui leur accorderaient un répit rien qu'éphémère. Coincés dans un cycle vicieux comme la plupart des elfes gris, cette récompense en était juste assez pour qu'ils gardent leur raison.

Depuis le toit du château, Serfantor voyait la ville s'animer sous ses yeux attentifs. Les elfes gris, la plupart habillé de sombres habits pour promouvoir la subtilité, se faufilaient d'une rue à l'autre comme des fourmis dans leur nid. Lorsqu'il trouvait le temps long, il aimait observer le peuple. Une jeune enfant se faisait traîner dans une allée solitaire par deux adultes pour se faire tuer simplement parce qu'elle avait été née dans une maison plus puissante que la leur. La jalousie est une bête perverse, mais la soif du pouvoir l'est encore plus. Parfois, la volonté pour survivre surpasse les deux. 

La gamine dont l'âme paraissait si innocente il y a un instant de cela s'en tira alors que l'instinct animale prit contrôle de son petit corps et qu'elle empala ses assaillants avec leurs propres armes. Cela plaisait à Serfantor qui sourit légèrement alors qu'il observait la survivante nettoyer le sang de ses victimes maculé sur ses vêtements déchirés avec de l'eau provenant d'une flaque au sol. Elle n'avait même pas crié ; elle savait mieux : que personne n'allait l'aider. Qu'elle possédait cette notion à son âge attristait le dragonnier.

- La guerre des maisons elfes grises, murmura Serfantor.

Il soupira, un soupire qui semblait porter le fardeau de tout le sang versé pour la cupidité du peuple elfe gris. Malgré toutes les atrocités et son aversion pour la culture des siens, il ne pouvait rien faire. C'était trop grand et trop ancien pour lui.

- Qu'est-ce que je fais ici? Pourquoi ai-je été né elfe gris?

Il dévia ses pensées à son devoir qu'il devait à sa maison. Les paroles de sa mère résonnèrent dans sa tête, ses mots comme un fouet cruel sur son esprit. Un coup de vent refroidie sa sombre peau. Il frissonna et baissa son grave regard et aperçut une silhouette encapuchonnée quitter le château, sa soit-disant demeure. Il reconnut sans effort la démarche maladroite de l'inconnu. Il s'agrippa aux rebords de la structure sur laquelle il était perché et sauta d'une plateforme à l'autre, tous aussi familières l'une que les autres, jusqu'à ce qu'il atteigne le sol. Le son de sa dague qui frappa contre sa ceinture fit sursauter le fugueur.

- Qui va là? demanda ce dernier d'une voix incertaine.

Il s'arrêta et se tourna avec crainte, main sur le garde de son cimeterre. Serfantor reconnue la voix. Il sourit alors que son petit frère le regarda avec surprise.

- Ce n'est que moi.

Il s'approcha. Sa révélation ne calma pas Katanor autant qu'il ne l'aurait voulue. Une perle de sueur qui brillait à la lueur de la lune l'informa que le plus jeune elfe était stressé.

- Tu peux lâcher prise de ton cimeterre, petit frère. Ce n'est que moi.

Finalement, Katanor obéit et sa respiration ralentit. Il se détendit, mais resta tout de même sur ses gardes.

- Qu'est-ce que tu fais? demanda Serfantor. C'est très dangereux dans Norkux seul. Tu devrais le savoir. Nous ne sommes pas à l'académie ici.

Katanor baissa son capuchon et fit une grimace taquine.

2 - L'union des ÂmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant