45 - Rampante noircissante

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12e jour de la saison de la mort 2448

La flèche fendit l'air dans un sifflement aigu et manqua sa cible de si près et d'un angle si improbable qu'on aurait dit un acte de magie. Azéna jura, mais fut tout-de-même satisfaite car, dans un coup de chance, la pointe de l'arme de jet avait réussi à fendre la robe du chaman. L'ouverture était si longue qu'Erurawin grimaça, clairement agacé par le dommage infligé à sa précieuse robe de rituel. Ce dernier agrippa le tissu et tira, agrandissant la fissure de façon presque barbaresque.

- Sale foutaise de dragonnière ! hurla l'elfe.

Il lança la robe ruinée vers l'archère avec un sourire dément comme s'il était sur le point de perdre la raison. Maintenant torse nu, certains de ses secrets furent révélés. Azéna éprouva un mélange de dégoût et de pitié pour le chaman qui s'était clairement mutilé pour ce qui était probablement des rituels de nature sombre.

L'adolescente n'avait pas de temps à perdre; la distance entre elle et le chaman continuait de grandir. Elle banda son arc et visa son cou. Si elle pouvait atteindre sa cible, celui-ci périrait sûrement. Sur le point de lâcher prise, elle sentit une douleur poignante lui traverser le bras gauche comme de l'électricité. Distraite et son membre affaiblit, elle hoqueta et décocha sa flèche. Cette-dernière fila et atteint la jambe du dragon noir qui ne broncha pas comme si rien ne s'était passé.

- Q-qu'est-ce que... ? questionna Azéna.

Elle appliqua de la pression sur son bras et la douleur était maintenant endurable. Elle était prête à réessayer. Encore une fois, elle manqua sa cible qui était à présent trop haute dans le ciel.

- Merde ! lança-t-elle.

Alors que sa rage rugit dans le tréfonds de son ventre, elle aperçut un point noir sur sa main endoloris qui se déformait lentement et se propagea comme des branches. C'était très alarmant, mais elle n'avait pas le temps d'en prendre compte. Elle serra les dents, canalisa ses émotions ardentes et encocha une autre flèche. Une rangée d'écailles violettes apparut sur sa main dominante et elle se sentit plus forte que d'habitude. Confiante, elle banda l'arme, visa et relâcha.

- Meurt salot ! tempêta-t-elle.

Cette-fois, la flèche décrit sa trajectoire avec une rapidité qui mettait les talents de vol de Tyrath à l'épreuve. Elle se ficha directement sur l'immense cicatrice fraîche en forme de cercle qui se trouvait à côté du cœur d'Erurawin. La force de l'impact fut si brutale que l'elfe fut légèrement repoussé vers l'arrière. Une goutte de sang se faufila hors de la blessure et roula le long du torse de la victime.

Le chaman se mit à rire comme un dément. Pendant longtemps, il ignora ce qui venait de se produire.

Sourcils froncés par la confusion, Azéna examinait l'homme qu'elle avait tentée de tuer. Elle ne comprenait pas sa réaction, mais dans le fond, cela importait peu. Elle allait terminer son travail avec une dernière flèche. Lorsqu'elle banda l'arc, une nouvelle vague de douleur parcourut le long de son bras et l'empêcha de tirer.

Erurawin était toujours en train de rigoler, tellement qu'il avait des larmes aux yeux.

L'archère ne pouvait presque plus le voir à présent. Il était si loin, n'était rien qu'un point ricanant là-haut.

- Non ! beugla-t-elle en ignorant sa douleur.

Sachant qu'elle avait perdu sa chance de l'achever, elle n'arrivait pas à contrôler une envie de cogner. Elle avait besoin de frapper. N'importe quel objet ferait l'affaire, mais il n'y avait rien à proximité. Elle s'en foutait ; elle s'en prendrait au sol sablonneux. Lorsqu'elle leva les bras, la douleur empira drastiquement et elle remarqua enfin: la tâche noire avait grandi et faisait maintenant la grosseur de sa paume. Puis, son cœur s'estompa momentanément alors qu'elle réalisait que c'était sûrement la malédiction de Noktow. C'était donc pour cela qu'Erurawin se marrait malgré sa situation fâcheuse. Elle observa la marque étrange avec des yeux écarquillés par la frayeur. Une fine ligne, un peu comme une veine, s'échappa de sa source et s'allongeât vers le haut, soit en direction du cœur ou de la tête. Paniquée, elle figea, incapable de regarder ailleurs.

2 - L'union des ÂmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant