Chapitre 1

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Il s'appelait Levi Ackerman, tout le monde s'adressait à lui en disant Ackerman-sensei et on parlait de lui en le nommant Le Pianiste. À 30 ans, l'homme silencieux, au visage peu engageant n'avait jamais rien fait d'autre que de jouer du piano. Il composait des morceaux remplis d'émotions, le plus souvent tristes et mélancoliques.

Son quotidien consistait à se lever et s'asseoir à son piano, puis jouer et composer sans cesse. Emporté par ses sentiments les plus profonds et les plus inavouables, il grattait le papier avec son âme.

Ses œuvres se voulaient tristes parce qu'il n'avait connu que ça dans sa vie. Son enfance n'avait pas était des plus joyeuses ; le peu d'ami qu'il avait eu dans sa jeunesse étaient partis trop tôt, et les deux seules personnes qui lui restaient habitaient à Tokyo, c'est-à-dire à près de 70km de là où il vivait. Levi avait décidé de rester dans sa petite ville rurale, celle-la même où il avait toujours vécue.

Il y avait dix ans de cela, alors que ses meilleurs amis habitaient encore les environs, il s'était lancé dans l'enseignement du piano aux enfants et adultes des alentours. Ces cours devinrent sa seule vraie source de revenue et la connexion qu'il avait réussi à établir avec quelques uns de ses élèves lui donnait envie de continuer et de ne jamais s'arrêter.

Cependant il n'avait encore jamais écrit de morceaux réellement joyeux. Car bien que ses élèves lui mettait du baume au cœur, celui-ci était toujours empli de noirceur.

Chaque jour, sa vie était réglée comme du papier à musique : tous les matins il s'asseyait à son vieux piano cherchant des nouvelles mélodies, les fredonnant en même temps que ses doigts effleuraient délicatement les touches noires et blanches du clavier. Certaines mélodies retenaient son attention et venaient s'inscrire sur des pages de partitions vierges ou compléter des essais précédents. Il pouvait rester assis là cinq minutes comme des heures, selon son humeur. Puis il partait se préparer avant de passer au peigne fin toute la maison, ne laissant aucun grain de poussière. La solitude de sa vie passée l'avait rendu maniaque. Et c'en était devenu son petit rituel.

Ses cours commençaient à 11h pour lui permettre de rester plus que nécessaire seul devant son instrument. Adultes, adolescents, enfants. Mains agiles ou engourdies par les âges frappaient, effleuraient ou glissaient sur le piano droit que Levi avait finit par acquérir pour ses élèves. Seuls quelques favoris avaient droit au vieux piano à queue, soigneusement caché dans un bureau privé.

11h. Le premier élève allait arriver. Celui-ci l'avait prévenu qu'un ami à lui l'accompagnerait. Ce garçon n'était pas doué pour faire courir ses doigts sur les touches et n'y mettait de toute façon aucune d'envie. À ce qu'avait compris Levi, c'était surtout pour satisfaire l'orgueil de ses parents que le jeune Jean Kirstein se devait d'apprendre à jouer du piano.

On sonna à l'interphone alors que le sensei¹ était toujours plongé dans ses pensées. Un deuxième coup de sonnette, plus long cette fois, lui signifia que c'était bel et bien son élève qui était à la porte. Se levant pour aller lui ouvrir, il soupira, anticipant déjà les fausses notes et les erreurs de tempo.

À travers la porte d'entrée, Levi entendit une discussion animée entre les deux adolescents. Il reconnut facilement la voix grave, hautaine de Jean, et la seconde légèrement plus aiguë, appartenant sûrement à cet ami.

Il ouvrit la porte avec sa légendaire tête blasée, lâchant un bonjour des plus "chaleureux" aux nouveaux venus, laissant entrer les deux garçons. Ils lui répondirent d'un signe de tête respectueux et s'avancèrent dans l'entrée.

C'est à ce moment précis que sa vie bascula. La première page était écrite, et l'histoire commença.

¹professeur

Sonate Pour DeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant