Chapitre 15

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2h... Ça allait bientôt faire 2h qu'Eren avait été emmené par les pompiers. Et presque 3h qu'il avait sombré dans l'inconscience. 2h qu'Armin se rongeait les sangs au lycée alors que son meilleur ami était à l'hôpital, 2h qu'il était sans nouvelle. 2h qu'il se traitait de tous les noms d'oiseaux possible, s'insultant d'incapable et d'incompétent, n'ayant pas vu que son ami allait mal. 2h qu'il s'angoissait d'idées noires qui le bouffaient, le mettant de plus en plus mal. 2h qu'il se demandait ce que pouvait être la cause du mal dont souffrait son ami . 2h qu'il s'indignait de se prétendre être le meilleur ami d'Eren alors qu'il n'avait rien vu de ce qu'il se passait sous son nez.

Et presque 3h qu'il pleurait intérieurement, déchiré de toute part par la peur, l'angoisse et l'anxiété. La petit blond avait appelé plusieurs fois la mère d'Eren, à chaque interclasse, mais elle n'avait répondu à aucun de ses appels, augmentant crescendo la souffrance psychologique que s'infligeait Armin.

Et Mikasa qui tentait tant bien que mal de le rassurer par des paroles et des gestes, sans aucun effet. Même si ses paroles étaient pleines de compassion et de tristesse il n'en comprenait pas sens. Pourtant Armin savait à quel point Mikasa était touchée elle aussi par la soudaine perte de connaissance de leur ami, mais à ce moment seules les paroles d'Eren ou de sa mère pourraient le rassurer. Le blond n'avait plus confiance en rien ni en personne, encore moins en lui-même.

L'adolescente, accablée de tristesse, partageait les remords d'Armin, elle non plus n'avait rien vu de l'état dégradant d'Eren. Et le fait qu'aucune nouvelle ne leur soit donnée empirait les choses. Elle était plus attachée à lui qu'il n'y paraissait et la présence d'Eren lui manquait soudainement.

Un vide béant, voilà ce que les deux amis ressentaient depuis la fin du cours d'SVT. Un néant, un océan de peur, de remords, d'angoisse et de prières dérisoires. Ils se soutenaient malgré tout dans la peine sans pour autant réussir à se remonter le moral mutuellement. Armin n'avait pas parlé depuis que les pompiers étaient entrés dans l'infirmerie du lycée et Mikasa n'arrivait pas à se taire, disant tous ce qui lui passaient par la tête. Leurs camarades de classe n'en revenaient pas de ce soudain changements de personnalité ; alors qu'habituellement Mikasa ne pipait mot et qu'Armin était un moulin à paroles, les deux semblaient s'être échangés leur caractère. Tous dans la classe étaient plus ou moins touchés par le soudain malaise de l'adolescent et l'inquiétude se faisait largement ressentir. Pourtant, personne n'avait de nouvelles et chaque heure qui passait devenait un peu moins supportable pour tous.

* * *

Il était réveillé depuis beaucoup trop de temps pour être encore engoncé dans ce lit, beaucoup trop de personnes en tuniques blanches étaient venues vérifier ses signaux de vies et beaucoup trop de secondes avaient tiquées à la petite horloge en face de lui. Eren, encore un peu dans l'inconscience mais plus qu'apte à compter les minutes, se faisait chier comme un rat mort. Il n'y avait pas de formule plus polie pour exprimer son état d'esprit. Le nombres incalculables d'infirmières différentes qui étaient passées et repassées dans sa chambre pour vérifier les différentes perfusions, ses bandages (à quel moment s'était-il fait assez mal pour avoir besoin de bandages ?), et ses pulsions cardiaques, l'insupportait. Aucunes d'elles n'avaient eu l'amabilité de répondre à ses questions et les 3 ou 4 médecins qui étaient entrés puis sortis en coup de vent "n'avaient pas le temps de lui parler", disaient-ils.

Il en avait lourdement marre d'attendre et de rester cloîtré ici à admirer la vue depuis sa chambre comme un poisson dans son bocal. Et puis que s'était-il passé en SVT ? Ses souvenirs étaient flous, il se souvenait simplement d'avoir dessiner puis plus rien. Comme si on était venu lui gommer la mémoire.

Il examina pour la énième fois sa chambre et les tubes qui lui rentraient dans le bras. Les liquides transparents qui s'infiltraient dans son organisme ne lui plaisait pas du tout et le sang qui sortait de son second bras l'hypnotisait. Ce liquide rouge foncé lui appartenait réellement ?

La machine dans laquelle son sang rentrait puis ressortait pour retourner, plus clair, dans son bras, était étrange. Quelques fois, une feuille de papier en sortait et une infirmière arrivait dans la seconde pour la récupérer et repartir aussi vite qu'elle était apparue.

Et puis, il se sentait faible, fatigué. Il n'avait pas mangé depuis de longues heures et son estomac lui faisait remarquer. L'heure était cependant propice à un repas mais personne n'était venu lui apporter un de ces plateaux immondes. Peut-être que l'une de ces perfusions servait à le nourrir ? Ne pouvait-il pas manger normalement ?

Le pire dans tout ça s'était qu'il était seul, énormément seul et que le temps passait beaucoup trop lentement. Eren n'avait aucune idée de combien d'heures s'étaient écoulées depuis qu'il s'était réveillé et encore moins depuis qu'il avait sombré en SVT. Même si l'horloge lui indiquait 13h passées il n'avait pas regardé l'heure à son réveil et ne se souvenait plus avec exactitude quand avait eu lieu son cours.

Sa mère lui manquait, Armin et Mikasa aussi. Ackerman lui manquait. Son père, plus qu'absent, lui manquait. Et il s'ennuyait ferme. D'ailleurs, étant dans un hôpital, peut-être était-il dans celui de son père ? Il travaillait à Seirei Sakura Shimin byōin, l'un des nombreux hôpitaux de la ville de Sakura. L'adolescent, pressé de connaitre une réponse à ses nombreuses questions, se penchât et lût du mieux qu'il le pût sur la couverture de son lit le nom de l'hôpital dans lequel il avait été transporté. "Sannō Hôpital" voilà ce qui était cousu sur le drap qui le couvrait... Quel idiot, il ne pouvait pas être dans l'hôpital où son père travaillait. On l'avait mis dans l'hôpital le plus proche de son lycée.

Un médecin entra, lui lança un regard et ressortit. On se foutait clairement de sa gueule là, non ? Le même homme rentra de nouveau en compagnie de sa mère. Ses grands yeux turquoises brillèrent de joie en voyant un visage familier, son cœur s'allégea et il sourit. Mais l'apparence qu'avait sa mère lui coupa le souffle.

Elle pleurait, ses yeux étaient rouges et bouffis, ses joues écarlates et ses cheveux en batailles montraient qu'elle pleurait depuis longtemps et que son angoisse lui avait fait se tirer les cheveux plus que nécessaire, jusqu'à se les arracher. Quand leur regard se rencontrèrent, Carla laissa un hoquet lui échapper et elle courut prendre son fils dans les bras, le serrant contre son coeur du plus fort qu'elle le pût. Ses petites mains tremblantes et douces vinrent lui caresser le visage, les cheveux, regardant sous tous les angles si Eren était entier. La lueur de profonde inquiétude blessait ses yeux dorés si brillants d'habitude. Le médecin n'avait ni bougé ni parlé, et les seuls bruits de la pièce était le tic de l'horloge, la respiration saccadée de Carla et ses pleurs silencieux.

Refermant ses bras autour du corps frêle de sa mère, Eren lança un regard emplit de colère et d'incompréhension à l'homme qui restait muet et immobile, tel une statue. Désirait-il les faire s'impatienter encore longtemps ? Se délectait-il de la souffrance qu'il infligeait à sa mère ? De l'extérieur on aurait pu le confondre avec un chien qui grogne, protégeant à n'importe quel prix sa génitrice.

L'adolescent lança encore quelques éclairs meurtriers au médecin avant que celui-ci ne se racle la gorge, faisant se redresser la femme.

" - Madame Jäger, jeune homme... Ce que j'ai à vous dire n'est pas très positif. Les nouvelles sont plutôt mauvaises. Si l'un de vous ne se sent pas encore prêt à entendre ça, je prendrais l'autre à part. Ne vous inquiétez pas trop, il y a toujours des solutions à tous problèmes."

Sonate Pour DeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant