Chapitre 6

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Levi se rassit sur son fauteuil et prit sa tasse, de la manière si significative qu'il avait à les tenir, pour la porter à ses lèvres, s'enfonçant légèrement dans son siège.

" - Alors, de quoi devions-nous parler déjà ? "

L'homme sourit derrière sa tasse en voyant la tête que tirait Eren. Le garçon était encore beaucoup trop crédule. Son côté candide le faisait ressembler à l'enfant qu'il avait connu. Son visage était crispé avec un air de dire "Sérieusement ?" et ses sourcils quelques peu froncés créaient une ride au milieu de ses yeux. Sa mère rit en voyant la tête dépitée de son fils.

" - Eren voyons, tu croyais vraiment que Monsieur Levi oublierai pourquoi nous sommes ici ? continua-t-elle en rigolant toujours alors que son fils se renfrognait et boudait.
- Carla, bien qu'Eren n'ait pas l'air prédisposé à discuter je vais quand même vous poser la question. Combien d'heure voulez-vous qu'il fasse ? poursuivit le professeur, un sourire en coin sur le visage, fier de lui.
- Je pense que vous êtes plus apte à le dire vous même Monsieur. N'est-ce pas Eren ?
- Mmmh... Mouais. Peut m'importe, tant que je reprends les cours ça me va. "

Ils discutèrent encore quelques minutes, arrivant à la conclusion suivante : grâce à l'emploi du temps de l'adolescent, il pouvait prendre deux cours par semaine, une heure le mardi après-midi et une le vendredi soir. Quand Carla engagea la discussion sur les prix, Eren se leva et sortit faire un tour dans le jardin. Ses parents lui avaient toujours appris à ne pas se mêler des discussions comme celles-ci.

Le jardin s'était agrandit avec le temps. En plus de l'olivier et des multiples fleurs colorées dont il n'avait aucune idée du nom, de grands massifs floraux et du lierre grimpant avaient fait leur apparition. Le petit banc en pierre était toujours aussi propre que dans ses souvenirs et le petit lapin en travertin* s'écaillait toujours plus au fil du temps. Eren flâna quelques instant parmi tous ces parfums qui, l'hiver se rapprochant de plus en plus, s'évanouissaient en même temps que les fleurs fanaient. Pourtant, le jardin n'était pas mourant, Levi devait l'entretenir tous les jours. Le jeune homme levait les yeux au ciel alors qu'une image du passé lui revint en mémoire. Il ne voulait pas y penser. Il ferma donc les yeux, serrant ses paupières l'une contre l'autre du plus fort qu'il le pouvait se répétant en boucle une même phrase. Il ne voulait pas y penser. Énervé par ce soudain regain de souvenirs indésirables, le grand brun entra à l'intérieur de la maison.

Les deux adultes discutaient encore, mais de tout autre chose. Et le sujet de leur conversation, c'était lui. Lui et son avancement. Juste ce dont il n'avait pas envie d'entendre parler. Il râla dans sa barbe en s'approchant pour signifier sa présence. Sa mère releva les yeux vers lui, un regard bienveillant mais au fond, peiné, et elle se tut.

" - Ah, Eren. Si jamais tu te posais la question, entreprit le professeur devant l'ambiance quelque peu pesante, je ne t'autoriserai à reprendre ta place devant mon piano seulement que lorsque je t'en aurais jugé apte. Ça fait un moment que tu n'as plus joué et je ne veux pas que tu massacres mon précieux clavier.
- Bien sensei. sourit le brunet, ses yeux brillant devant ce qu'il prit pour un défi à relever.
- Et n'espères même pas avoir un traitement de faveur. Tu me connais, tu as donc un léger avantage sur tes camarades, ce qui engendre donc un traitement plus sévère de ma part. Clair ? "

Eren hocha vivement de la tête, ayant déjà oublié sa frustration, tout heureux de se remettre dans le bain. La femme sourit devant l'entrain évident de son fils et se leva. Après de brèves embrassades d'au revoir, Levi n'étant pas à l'aise avec l'affection dont faisait preuve Carla, les deux Jäger rentrèrent chez eux.

* * *

Levi s'était, comme toujours, levé de bonne heure même en ce jour saint qu'était le dimanche. La discussion qu'il avait eu hier avec la mère d'Eren l'avait inquiété. Il n'avait jamais oublié ce problème, bien qu'après le départ d'Eren, celui-là était passé en arrière plan dans ses soucis quotidien. Dimanche était le seul jour où il ne donnait pas de cours. Parce que c'était un jour de repos où l'on retrouvait sa famille. Et Levi n'y faisait pas exception.

Aux alentours de 9h, n'ayant pas traîné devant son instrument, il prit sa voiture et roula sur quelques kilomètres. Ainsi, une vingtaine de minutes plus tard, l'homme se gara dans un petit parking. Marchant sur le sentier de bois légèrement vermoulu à cause du temps et des changements de météo, Levi avait le visage sombre. Toutes les personnes autour de lui semblaient attendre. Attendre qu'il parle, lâche un son ou même un soupir. Personne à part lui ne bougeait, tout le monde était plongé dans une sorte de transe paisible. Enfin il arrivait. Il la voyait apparaître derrière d'autres. Il sera les poings en la découvrant sale, se crispant autour du bouquet qu'il lui avait apportée. Elle, c'était sa mère. Enfin, ce qu'il restait d'elle. Une pierre lisse et sculptée de plantes grimpantes, gravée de quelques mots d'adieu.

" - Bonjour maman. Aujourd'hui j'ai des choses à te raconter. J'espère que tu vas bien. Est-ce que papa est avec toi maintenant ? Je n'ai toujours pas de nouvelles, mais tu sais que je m'en branle. Pardon, je m'en fou. il déposa le bouquet de lys blanc, remplaçant le précédent désormais fané. Tout en commençant à nettoyer la pierre grise avec un chiffon il continua : J'ai revu Eren. Tu sais mon p'tit gamin aux grands yeux brillants et aux grosses lunettes. Ben j'l'ai revu. Il n'a plus ses lunettes rondes mais ses yeux sont toujours aussi beaux. Il a grandi aussi. Tellement que je ne l'ai pas reconnu quand il est réapparu. Et il va reprendre les cours avec moi. J'suis content m'man, il n'a pas tout oublié concernant le piano. Par contre, je m'inquiète, d'après sa mère ça ne va pas mieux, mais pas plus mal non plus. Donc, selon elle, tout va plutôt bien. "

Il continua de parler à sa mère, qui reposait depuis maintenant presque vingt ans ici et, il l'espérait, veillait sur lui de là-haut, pendant encore une bonne heure. Il ne faisait que se remémorer du mieux qu'il le pouvait les souvenirs qu'il avait d'elle et ceux du gamin. Quand il eut finit son petit ménage autour de la stèle, et par conséquent sa tirade, il se leva et envoya un baiser vers le ciel, priant pour qu'elle le reçoive, comme à chaque fois. C'était les seuls moments où il brisait le masque, celui qui faisait de lui un homme "sans-cœur". Après un ultime au revoir à sa mère, il retourna à sa voiture et reprit la route pour les quelques dizaines de minutes qui lui permettrait de reconstruire son masque terne.


*type de pierre grise comportant des petites cavités.

Sonate Pour DeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant