Eren soupira longuement, tentant de se donner du courage avant de passer le pas de la porte. Les commissures de ses lèvres remontèrent en douceur, tentant d'y placer un léger sourire, alors qu'il percevait la silhouette fine et délicate de la patiente. Le sourire sonnait faux, comme à chaque fois qu’il venait rendre visite à sa mère.
Elle était de dos, et tout ce qu’il pouvait voir d’elle était ces longs cheveux bruns rassemblés en une tresse décoiffée.
Le lycéen soupira discrètement en remarquant les vêtements mis à l'envers et les mains tremblantes de sa génitrice.
Il était toutefois soulagé. Au moins, aujourd'hui, elle était consciente et éveillée.
- Maman ?
Sa mère se retourna vivement, les sens en alerte, comme une bête acculée. Elle finit par remarquer son fils et se détendit. Elle s’approcha du brun avant de le prendre dans ses bras, lui apportant une étreinte maternelle bien plus qu'étouffante. Il sourit en la serrant contre elle.
Il voulait profiter de son état de conscience le plus longtemps possible.
- Mon poussin, je... Ils veulent encore m'empêcher de voir Papa. Puis, ils me donnent des exercices, ils ne veulent pas que je dorme, je... Rentrons à la maison, veux-tu? Papa nous attends sûrement, et...
Eren resserra son étreinte afin de calmer sa mère, et ses yeux ne purent s'empêcher de s'embuer alors que les souvenirs refirent surface. Affreux. Morbides.
Un frisson lui parcouru l'échine, il se sépara de sa mère avant de lui embrasser la joue en douceur. Il répondit en essayant d'être le plus gentil possible :
- Maman, tu sais bien qu'il faut que tu restes encore un peu. Tu sais quel jour nous sommes aujourd'hui ?
- Eren, pour qui tu me prends ? Voyons, bien évidemment !
Il plissa les yeux et une part de lui-même voulut croire à son mensonge.
Le regard confus, les vêtements de travers, les cheveux coiffés mais en désordre total, tout ça, tout démontrait qu'une part de sa mère n'était plus connectée avec la réalité. Elle qui était si soigneuse de son apparence, allant même jusqu'à vider la carte bleue de son mari pour s'acheter de quoi se rendre belle. Elle perdait la boule, complètement.- N'oublie pas que ce sont tes exercices, je ne fais que vérifier.
Il avait dit ça d'un ton léger, mais au fond, rien de ce qu'il faisait dans cette pièce n'était naturel. Et quand il y avait des airs de naturels, des instants fugaces où lui et sa mère semblaient réellement complices, il ne pouvait s’empêcher de remarquer que quelque chose dans leurs gestes et leurs paroles sonnait toujours faux.
Il ne pouvait s'empêcher de constater la déchéance de cette femme, de comparer les deux Carla Jaeger. La vraie Carla, celle de ses souvenirs heureux.
Et la Carla actuelle, malade, cinglée si l’on voulait être franc. Sa mère.
- Mon chéri, comment je pourrais oublier ton anniversaire ? S'exclama Carla en riant, tout en tripotant nerveusement une mèches de cheveux. Tu m'excuseras, je n'ai pas de cadeau.
Elle sourit un moment avant de rajouter qu'ils iraient le chercher quand elle sortirait. En voyant l'air tellement enjoué de sa mère, Eren n'avait pas eu le cœur de lui dire qu'elle ne sortirait jamais.
Puis, d'ici la semaine prochaine, elle lui souhaiterait sans doute pour la vingt-quatrième fois un joyeux anniversaire.
* * *
Levi soupira en remarquant la sale gueule que tirait Eren. Le serveur n'avait souri à aucun de ses clients, chose qui n'arrivait jamais quand il se trouvait dans la pièce - du moins depuis qu'il était devenu un membre régulier à part entière du café, ainsi qu'un demeuré payant la peau du cul pour un café et un serveur emmerdeur professionnel.