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JADEN

Mercredi matin, maison de retraite.

—Ça ne va pas ?

Léna me contemple en silence.
Elle semble figée dans le temps. J'ai l'impression que ses petits yeux verts essayent de me dire des choses, mais qu'ils n'y arrivent pas. J'aimerai la prendre dans mes bras, car ce silence me tue.

Quand soudain une petite voix tremblante s'échappe de son corps.

—Emmènes-moi loin d'ici.

Troublé, je la fixe quelques secondes, avant de lui prendre la main.

—Viens.

Elle se laisse faire, et nous traversons le couloir en sens inverse.
Elodie sort de son studio au même moment. Je passe devant elle en entraînant ma rose avec moi à l'intérieur.

—Elle a changé d'avis ? me demande-t-elle surprise par notre subite intrusion chez elle.

Je fais asseoir Léna sur un fauteuil, lui fais un signe de la tête qu'elle ne bouge pas de là, avant de prendre ma cousine à part.

—Écoutes, elle et moi on doit parler. Tu...Tu ne veux pas rejoindre les autres dans le hall ? Je crois qu'ils ont prévu une activité.

La rouquine acquiesce de la tête sans dire un mot.
Un peu déstabilisée, elle attrape son sac à main qui trône sur une petite commode à l'entrée, puis elle sort en refermant la porte derrière elle.

Je me retourne pour faire face à une Léna figée. Ses yeux braqués sur moi, semblent vides.

Merde, qu'est-ce que je fais ?

Ne pas lui faire peur.
Y aller doucement.

Je prends sur moi, et vais m'asseoir sur le fauteuil en face d'elle. Elle me suit d'un regard que je n'arrive toujours pas à déchiffrer.

—Dis-moi ce qui se passe.

Ses mots se battent toujours en elle. En silence.

Pourquoi à chaque fois que je la vois, je crains le pire ?

Elle se lève du fauteuil, et viens s'asseoir sur mes genoux pour se blottir dans mes bras.
Ma peau brûle sous son contact. Je l'enserre contre moi en expirant un soupir de soulagement. Ma rose est dans mes bras. Elle est là, elle a besoin de moi.

Son visage enfoui au creux de mon cou, je sens son souffle chaud expirer lentement. Son parfum vanillé envahissent mes narines. Bordel, elle ne sait pas l'effet qu'elle me fait. L'avoir juste comme ça contre moi, me rend fou d'elle.

On reste longtemps enlacés dans cette position, jusqu'à que je réalise qu'elle ne pleure pas. Rien. Elle repose dans mes bras en silence, sans bouger.
Au bord d'un affolement que je tente de maitriser, je la repousse légèrement pour m'assurer qu'elle est encore en vie.
Son visage est pâle, ses yeux sans éclat.
Putain.

Je nous redresse sous le coup de la colère, et une fois face à moi, je l'agrippe par les bras pour la secouer.

—Qu'est-ce qui se passe, merde ? Parles-moi !

Elle me jette un regard désespéré.
Puis s'avance vers moi pour coller ses lèvres aux miennes.

Surpris par ce baiser, je la laisse prendre possession de mes lèvres et lorsque sa langue rencontre la mienne, je sens mon pouls s'emballer.
Ses baisers m'enflamment, mais quelque chose cloche.

Ses mains ont fait tomber ma veste sur le sol et s'attaquent désormais à déboutonner mon pantalon.

Je l'arrête net.

—Qu'est-ce que tu fais ?

Ses lèvres se posent dans mon cou et le parsèment de langoureux baisers.
Je suis obligé de l'arrêter en l'écartant de mon corps. Je croise enfin son regard qui cri.

—J'ai besoin de me sentir en vie, Jad ! S'il te plaît !

—Tu veux régler ça par le sexe ?

J'en reviens pas.
La Léna dépravée me fixe pleine de désespoir. Il est à peine 11h du matin et elle est déjà au bord du précipice.

Putain.

Elle tremble comme une feuille, m'implorant d'un regard tourmenté. Je ramasse ma veste pour l'enfiler, avant de lui saisir sa main d'un geste ferme.

On sort de la chambre, je lui lance à bout de nerfs :

—Putain Léna, pourquoi tu fais ça ?

—Mademoiselle Bennett !

Léna lache ma main dans un sursaut.

Un homme aux cheveux grisonnants, habillé d'un costume noir, s'avance vers nous d'un pas affolé.

—Vous êtes là ! se rejouit-il une fois à notre hauteur. Je vous cherchais partout ! Madame Lepage nous fait une crise d'angoisse. Allez vite la voir, s'il vous plaît. Elle est au spa.

Sans même un regard, Léna lui emboîte le pas, et en moins de trente secondes ils ont disparus au fond du couloir.

Merde. Merde et merde.

***

12h40.
Ça fait presque une heure que je poireaute devant ce portail à l'attendre.
Je ne voulais pas la rater sous aucun prétexte. Sa voiture est toujours garée sur le parking, elle est forcément encore là-bas.

Putain mais qu'est-ce qu'elle fout ? Combien de temps dure une crise d'angoisse ? Et comment elle fait pour la gérer alors qu'elle-même se vide de jour en jour ?
Putain, je la sens mal cette histoire...

Elle apparaît enfin au bout de dix minutes, avec une allure méconnaissable.
Cette fille doit avoir une double personnalité, c'est pas possible autrement.
Tenant fermement une sacoche marron à la main, elle marche le dos bien droit avec une démarche assurée. Plus elle s'avance vers moi, plus je remarque un visage détendu, presque serein, mais toujours aussi pâle.

Dès qu'elle me voit elle esquisse un grand sourire comme si rien n'était. Elle balance sa sacoche sur la banquette arrière, avant de prendre place sur le siège passager.

—On y va ? me sourit-elle.

Cette fille me rend dingue.

Quitte moi si tu peux  [Terminé ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant