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Après avoir déposé mon vélo dans la grange à côté de la maison de pierre des propriétaires, je m'approche de Jaden, et dépose un petit baiser sur les lèvres.

Étonné, il s'exclame :

—Pourquoi t'as fais ça ?

Je lui souris.

—Parce que je veux bien te donner une seconde chance.

Il range son vélo un peu brusquement contre un mur, avant de rétorquer :

—J'ai pas fais ça pour ça.

—Alors pourquoi tu l'as fait ? je souffle excédée. Tu ne voulais pas une autre chance ?

Ses yeux plongent dans les miens dans un affreux silence.
Encore plus remontée, je sors de la grange en criant:

—Je te préviens Jad, tu n'auras pas de troisième chance !

La colère qui m'a laissé tranquille depuis ce matin est revenue en force.
Telle une furie, je rentre dans son studio pour me laver les mains et me débarbouiller le visage.

Lorsque je retourne dans le salon avec la ferme intention de lui aboyer de me ramener chez moi, je pile net.

Debout dans la cuisine, ses deux bras reposent sur l'évier et sa tête est baissée entre ses épaules.
Le voir ainsi courbé, me déstabilise.
Je murmure :

—Je suis prête.

Il tourne la tête vers moi, et mes yeux croisent son regard tourmenté.

En moins de deux secondes, il s'approche de moi, passe sa main derrière ma nuque, et presse ses lèvres contre les miennes.

Mes jambes manquent de flanchir, tellement ce baiser est subjuguant.
Sa langue épouse parfaitement la mienne, dans une telle harmonie. Je ressens une foule d'émotions faire battre mon coeur, que je me demande ce qui m'arrive.

Sa main empoigne mes cheveux pour légèrement les tirer en arrière, et avec une douleur dans la voix il m'avoue :

—Tu me rends dingue, putain. Tu sais ça ?

Déconcertée par cette fougue, j'ai à peine le temps d'acquiescer qu'il s'empare de nouveau de mes lèvres.

Son corps pousse le mien contre un mur, et une fièvre dangereuse s'immisce entre nous.
Mes mains glissent sous son pull noir, et ce premier contact avec sa peau nue me fait frissonner. Ses mains se baladent sur tout mon corps aussi pour le caresser, mais par-dessus mes vêtements.

Entre deux baisers, il me susurre droit dans les yeux:

—Je ne coucherais pas avec toi.

—Ok...

Ses baisers font très bien l'affaire. Je n'ai jamais été embrassée de la sorte.

Malheureusement ils sont trop courts à mon goût. Jaden prend son service dans deux heures, et il est temps de partir.

                               ***

Une fois garé au bout de ma rue, je suis contente qu'il brise enfin ce silence oppressant dans lequel on a roulé pendant une heure.

—Donne-moi ton numéro de téléphone.

Je lui transmets et il le tape directement dans son portable.
Puis le moment super gênant arrive.

—Léna...

—Oui...

—Je...Tu...

Ses yeux brillants cherchent ses mots sans me blesser. Il prend une profonde inspiration, avant d'énoncer :

—Tu dois régler tes problèmes...C'est trop compliqué pour moi tout ça, tu comprends ?

J'hoche la tête, en serrant les dents.

—Merci pour la balade.

J'ouvre ma portière, mais sa main saisit mon bras.
Surprise, je le dévisage, jusqu'à qu'il s'approche tendrement de mes lèvres pour les embrasser.

Je sens mon coeur chavirer. Ses baisers sont encore meilleurs que ceux échangés chez lui.
Je lache malgré moi quelques gémissements, notamment quand une de ses mains s'aventure dans mes cheveux.

Pourtant le "Léna, il faut que j'y aille" vient tout gâcher.
J'aurais tellement voulu emprisonner ce moment et le bloquer dans le temps.

***

Une fois rentrée chez "moi", je découvre les deux frères avachis sur le grand canapé blanc du salon, en train de regarder une émission à la télévision.
Je dépose un petit baiser sur les lèvres d'Hylan, un autre sur la joue de Max, avant d'attraper mon sac à main qui traînait sur la grande table en verre du salon, pour monter au premier étage me changer.

Pendant que je mets mon portable en charge, j'en profite pour me débarrasser de mes vêtements qui puent le tabac et la sueur. Je prends une nouvelle douche, avant d'enfiler mon jogging et mon haut gris du weekend pour être en mode décontracté.
Je suis tellement fatiguée, que je ne vais pas faire long feu ce soir.

Allongée sur le grand lit d'Hylan avec mon portable à la main, c'est alors que j'aperçois un appel manqué de l'hôpital.

La suite, vous la connaissez.
Ma mère est décédée à 17h57, soit au moment précis où Jaden et moi avons échangé notre premier baiser.

Contrairement à ce que je pensais, je ne pleure pas. Je ne crie même pas.
Mes jambes descendent les escaliers jusqu'au rez-de-chaussée comme anesthésiés, et je dis aux garçons : "Maman est morte".


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Quitte moi si tu peux  [Terminé ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant