La Papesse

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Un phare dans la nuit. Voilà ce que j'ai l'impression d'être à leurs yeux. Je pourrais pointer dans n'importe quelle direction, ils me suivraient aveuglément. Ils s'en remettent complètement à moi. Ils restent assis là à me regarder, pendant que je relis encore et encore ce foutu exemplaire des contes de Beedle le Barde, et ils attendent que je délivre mon jugement. Se rendent-ils compte qu'ils font ainsi peser leur existence, l'issue de cette guerre toute entière, sur mes épaules ? Je ne suis pas un puits de science dont sortent magiquement toutes les solutions. Je suis Hermione Granger. Je suis une adolescente de dix-sept ans, sans famille, sans amour, aussi terrifiée qu'ils le sont... Mais cela, ils ne le voient pas. Ils ne voient que ce que j'ai toujours représenté pour tout le monde : la grosse tête, la solution miracle, celle sur qui on peut se reposer car elle ne dira jamais non.

Inspirant à fond, je chasse ma mauvaise humeur du mieux que je peux. C'est plus facile depuis que Ron a détruit le médaillon.

Il a détruit le médaillon...

Malgré moi, mon regard et mes pensées se tournent vers l'adolescent roux qui partage mon existence depuis déjà sept ans. Il est assis là-bas au bord du feu, avec Harry, et je sais qu'il baisse les yeux pour ne pas capter mon regard. Ron a peur de moi depuis qu'il est revenu. Il ne s'attendait pas à ma colère, à tant de froideur. Pour dire la vérité, moi non plus, je ne m'y attendais pas...

J'ignore d'où me vient cette colère. Elle est juste là, c'est tout. Constamment. Elle me donne envie de hurler à la moindre remarque de Ron, de le secouer par les épaules et d'enfin lui faire comprendre tout ce qu'il n'a jamais été capable d'assimiler...

Mais je ne fais rien. Je reste assise là, à tenter de juguler cette fureur inconnue en moi...

Une partie de ma conscience me susurre que je suis injuste avec Ron. Que je me mens à moi-même. Je sais très bien pourquoi je suis en colère. Je suis en colère parce que ce n'est pas lui que je veux...

Secouant la tête, je tente désespérément de me replonger dans ma lecture. Mais c'est peine perdue. A côté de la colère, il y a une forme très particulière de douleur et d'angoisse qui palpite... Comme chaque soir depuis notre fuite du mariage et le début de notre errance, je scrute le ciel. J'ai ce reflexe depuis toute petite lorsque je me sens seule : je me dis que peut-être, quelque part, quelqu'un d'autre regarde la Lune en même temps que moi... Alors on se sent un peu moins seule, pas vrai ?

Peut-être que Malefoy regarde la Lune, ce soir. Peut-être qu'il s'est encore réfugié dans la salle de bain des préfets et qu'il pense à moi. Peut-être qu'il garde toujours une bière pour moi en souvenir du bon vieux temps. Cette pensée me fait sourire. L'amertume en moi se contracte, et je me détourne pour que les garçons ne voient pas les larmes qui m'échappent.

Malefoy me manque.

A la fin de l'année dernière, je me suis séparée de lui parce que les circonstances l'exigeaient. Parce que nous allions fatalement nous retrouver ennemis dans une guerre qui nous dépassait. Parce que je devais partir, et parce que Ron venait de se séparer de Lavande... Il y avait une chance, pour lui et moi. Aucune avec Drago. Ron était mon premier amour, mon premier flirt, celui que je n'hésitais pas à appeler pour moi seule en pensée mon âme sœur...

Je crois que je n'ai fait que regretter ma décision depuis que j'ai quitté Poudlard.

Bien sûr, je dois aider Harry dans sa quête des Horcruxes, et j'irai jusqu'au bout. Mais je regrette d'avoir quitté Drago pour Ron. De toutes les raisons du monde, je n'aurais pu en choisir de pire. J'aurais pu épargner à Drago cette souffrance...

Les Jeux du SortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant