Pour ceux qui se posaient la question, le précédent chapitre faisait référence à Xenophilius Lovegood, le père de Luna.
Bonne lecture !
Nat'
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La salle de bain est froide et sans émotion. C'est une grande pièce blanche, carrelée de marbre, où la robinetterie d'argent grince sous les assauts de l'hiver. Il n'est pas rare de voir l'eau geler dans les conduites d'évacuation. La chaleur du poêle ne suffit pas à adoucir l'atmosphère : dans le silence du soir, l'eau du bain répand des volutes de vapeur à travers la pièce. Elle se colle aux miroirs, s'y condense et transforme les murs en fontaines ruisselantes. Cela m'est égal. Immergé dans le bain, j'écoute le murmure délicat des gouttes qui s'écrasent sur le sol. Je contemple la lueur des torches osciller dans l'obscurité, animer l'humidité d'un sillon doré, creuser dans chaque perle d'eau un monde lumineux aussitôt dérobé. Je respire les arômes des sels de bain et celui, plus discret, du parfum qu'utilise ma mère.
Il est étrange pour moi d'être à la maison. Mon estomac se noue rien qu'à cette pensée. Mais je repousse cette peur tout au fond de mon esprit.
La peur et moi sommes des amis de longue date, à présent. Nous nous sommes apprivoisés l'un l'autre, si je puis dire. Je l'ai laissée prendre possession de moi, s'inscrire dans mon ADN aussi profondément que la Marque des Ténèbres sur mon bras, et en échange, elle a accepté de me laisser les idées claires. Je ne suis pas sûr que ce soit toujours une bonne idée, ceci dit...
Un hurlement perce le silence. Je ferme les yeux. J'ai conscience de l'eau brûlante qui irrite ma peau, d'ordinaire aussi pâle que le carrelage de la pièce, mais désormais rouge comme le sang que j'ai sur la conscience. Je n'y peux rien si je me sens sale. Je n'y peux rien si la seule idée de ce hurlement me donne envie d'enfouir mon visage au fond de l'eau quitte à ne plus jamais refaire surface. Mais cette option-là, je l'ai exclue depuis longtemps. Ma vieille amie la peur le sait, pas vrai ? Je ne veux pas mourir. Combien de vies auraient été épargnées, cependant, si j'avais choisi de mourir ?
Comme à chaque fois que ces idées noires me menacent, j'allonge la tête en arrière dans la large baignoire en porcelaine et je contemple les rideaux de vapeur sublimés par les flammes. J'imagine que je suis ailleurs. Je revois une autre salle de bain : la salle de bain des préfets de Poudlard, avec ses dizaines de robinets colorés, ses onguents improbables, et la jeune fille qui venait me retrouver au plus noir de la nuit, à l'insu de tous, pour partager une bière, un baiser, une étreinte...
Combien de fois Hermione et moi nous sommes nous retrouvés ainsi, dans le secret de ce petit monde aquatique qui n'appartenait qu'à nous, cette bulle d'harmonie qui, chaque matin, éclatait lorsqu'était venu le moment de retrouver la réalité ?
Il y a bien longtemps que la réalité nous a rattrapés désormais. Hermione Granger est partie suivre la trace des héros avec son premier amour. Et moi, Drago Malefoy, j'ai suivi le chemin tracé devant moi depuis ma naissance.
Je ne me suis jamais fait d'illusions. Lorsque cette guerre a commencé, j'ai toujours su où elle me conduirait et quel rôle me serait dévolu. Je ne suis pas de ces idéalistes qui se voilent d'espérances, qui espèrent au prix d'une souffrance plus grande encore... Mais Hermione, elle, espérait. Je crois qu'au fond d'elle, elle espérait que notre volonté seule empêcherait cette guerre d'arriver, qu'en fermant les yeux suffisamment longtemps, la tempête nous épargnerait... Mais cela n'a pas été le cas, bien sûr. Moi-même, je n'ai jamais cherché à fuir mon destin. Peut-être que j'aurais dû.
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Les Jeux du Sort
FanfictionTarot divinatoire : 22 cartes, 22 destins, 22 personnages. Une réécriture du tome 7 au prisme de la guerre, de la beauté, des triomphes et de la mort, de la fatalité... et de l'amour, peut-être ? (Suite de "Zodiaque").