Chapitre 12

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« La neige tombait drue au moment où Neal Cassidy gara sa voiture dans l'allée. Des sacs de commissions se trouvaient sur la banquette arrière. Il les saisit tous avant de gagner la porte d'entrée de la maison, devant laquelle il les posa. Il revint ensuite vers le véhicule, utilisa la clef pour déverrouiller la portière afin de libérer Emma. En public, il paraissait toujours extrêmement galant, bien qu'en réalité il ne supportât pas de la laisser seule un instant, n'acceptant pas qu'un homme lui parlât ou la regardât. Ainsi, dans les allées du supermarché, il se collait aux basques de la jeune femme blonde, tandis qu'elle scrutait les rayons à la recherche de promotions. Leur budget était serré certes, mais le véritable problème venait du fait que le jeune homme refusait qu'elle travaillât. En réalité, les seuls moments où elle pouvait sortir de la maison était lorsqu'il l'accompagnait. De plus, il se mettait dans des colères noires s'il pensait qu'elle avait trop dépensé. Elle ne dépensait pas trop. Il lui avait donné l'argent. Lorsqu'elle avait eu réglé les courses, elle lui avait tendu la monnaie. Il avait compté les pièces, avait veillé à ce qu'aucun cent ne manquât.

Une fois à l'intérieur, l'orpheline enleva sa veste, ne put s'empêcher de se frotter les bras pour se réchauffer, avant de rapidement glisser ses mains dans les poches de son pantalon. La bâtisse était glaciale. Elle évitait autant que possible de poser ses pieds nus sur le sol. Il lui était interdit de monter le thermostat : Neal trouvait les factures de chauffage trop élevées. Lorsqu'il était au travail, elle se couvrait allègrement, mais, dès qu'il se trouvait là, le jeune homme souhaitait la voir habillée sexy : ses bras et ses jambes devaient être visibles, ses seins mis en évidence, sans soutien-gorge, sauf, bien sûr, lorsqu'ils sortaient. Elle avait fini par comprendre qu'elle n'était qu'une sorte de trophée, un objet qu'il aimait exhiber.

Il posa les courses sur la table de la cuisine, s'approcha immédiatement du réfrigérateur, abandonnant le rangement à sa compagne. Il sortit du freezer deux ou trois glaçons. Il les jeta dans un verre, sortit de la pièce pour se diriger vers le meuble du salon où il remplit celui-ci de rhum. Presque à ras bord. Il prit la carafe d'alcool afin de la placer sur la petite table du séjour, à portée de sa main. Il se laissa tomber pour s'asseoir sur le divan.

Restée dans la cuisine, celle-ci l'observait d'un œil, tout en sortant des sacs une bouteille de liquide vaisselle. Elle s'approcha rapidement de l'évier. Elle se baissa vers le placard d'en dessus, y posa le flacon tandis qu'elle glissait une main dans la poche arrière de son pantalon. Elle y attrapa hâtivement le téléphone qu'elle venait d'acheter sans que son conjoint n'en ait eu conscience. Cela avait été facile. Il avait la manie de regarder autour d'elle, cherchant ceux qui auraient pu la mater. Elle avait prétendu avoir oublié les éponges, lui avait demandé avec des yeux de biche débile de surveiller le chariot. Elle était partie en courant avant qu'il n'ait le temps de réagir, était passée par le rayon adéquat pour y prendre un tout petit portable, à clapet, qu'elle avait glissé dans son manteau. Elle était revenue avec des Chamex, qu'elle avait fièrement posées dans le caddy. Lorsqu'elle avait disposé les courses à la caisse, après une longue queue, elle y avait ajouté le téléphone. Là encore, à trop chercher dans la file ces soi-disant dragueurs qui l'obsédaient, il ne l'avait pas vue le déballer, le glisser dans la poche de sa pelisse. Elle l'avait ensuite déplacé, lors de leur retour, dans celle de son pantalon.

Elle attrapa un vieux seau, dont elle ôta rapidement les chiffons sales, y glissa l'appareil au fond, par-dessus les clefs qu'elle avait dérobées, replaça l'ensemble dans le réduit. Jamais Neal n'aurait l'idée de venir y voir : il ne supportait pas la saleté, exigeant qu'elle fît tous les jours un ménage minutieux. Elle espéra ne pas avoir été vue, sentit ses joues rougir à cette idée. Plus d'une fois, il lui avait prouvé qu'il était capable de lire dans ses pensées. Craignant qu'il n'arrivât, encore abasourdie par ce qu'elle venait de faire, elle se consacra au rangement des courses, plaçant lentement chaque produit dans les étagères, du plus ancien au plus récent. Elle respirait profondément, calmant petit à petit les battements erratiques de son cœur paniqué. Il ne vint pas. Lorsqu'elle eut fini, elle se lava les mains, se passa de l'eau sur le visage.

Un amour éternelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant