Chapitre 14

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Archibald Hopper observa Emma Swan qui faisait les cent pas dans son bureau. Il s'était demandé pourquoi elle l'avait appelé pour une séance supplémentaire. Habituellement, c'était lui qui suggérait cela, essentiellement parce que certains des souvenirs de la jeune femme étaient si atroces, si douloureux, qu'il craignait que la présence de Regina ne soit suffisante à garder l'orpheline en vie. C'était la raison pour laquelle il lui avait expliqué qu'elle pouvait téléphoner et venir n'importe quand, même au milieu de la nuit, même lorsqu'il était en vacances, ce qui était le cas depuis trois semaines.

Lorsqu'il avait entendu le son de sa voix, il avait décidé de la voir immédiatement. Non seulement elle usait de cette prérogative pour la première fois, mais il s'inquiétait énormément pour la serveuse, qu'il appréciait de plus en plus. Il trouvait singulier que les deux patientes pour lesquelles il avait développé des sentiments bien au-delà du professionnel aient pu se rencontrer, aient pu choisir de s'aimer, même si, pour le moment, leur amour restait platonique. Il trouvait curieux, également, qu'elles aient toutes les deux un passé si sombre, bien que ce soit certainement à cause de celui-ci que leur relation était si profonde. Très intime également. Bien plus intime que si elles avaient fait l'amour. De toutes manières, elles n'étaient, pour l'instant, ni l'une, ni l'autre, prêtes à cela.

Elles réapprenaient à vivre. Ou plutôt, Regina apprenait la vie à Emma, tandis qu'elle-même réapprenait à vivre. Il était admiratif de la manière dont la veuve s'y prenait. D'un autre côté, la négociante avait été une meneuse d'hommes et une formatrice exceptionnelle du temps où elle était dans l'armée. Sa connaissance du genre humain était parfois intuitive, mais terriblement efficace. Faire vivre à Emma une enfance à laquelle elle n'avait jamais eu droit était un coup de maître. Y ajouter ses enfants, qui, eux aussi, avaient bien besoin d'une nouvelle enfance, était un coup de génie.

La barmaid continuait de faire vivement les cent pas. Sa colère était palpable. Il ne savait pas quelle était la raison de son ire, mais il était heureux de la voir manifester des émotions. La jeune femme avait tellement l'habitude d'étouffer celles-ci, qu'il désespérait de les voir apparaître, car, jusqu'à présent, seule Regina avait eu ce privilège. Et encore. Si rarement. Il hésitait. Devait-il laisser l'orpheline s'enfermer dans ces silences qui étaient sa seule véritable protection ? Ou devait-il l'inciter à parler ? Généralement, inciter la serveuse à parler était le meilleur moyen de la faire taire. Mais là, c'était la première fois qu'elle extériorisait ses sentiments. Il était vital qu'elle en parlât parce qu'elle avait muselé en elle toutes ses capacités de communiquer avec autrui et qu'il était indispensable qu'elle récupérât celles-ci.

Il sourit intérieurement. Lorsque l'orpheline marchait ainsi, si intensément, elle laissait transparaître toute la vitalité qu'elle possédait, une vitalité qu'elle avait rigoureusement réprimée. Sa manière d'être lui rappelait Regina. Lorsque la barmaid se serait réapproprié toutes les composantes de sa personnalité, elle aurait très certainement un aspect impétueux. Oui, c'était une excellente idée de la faire sortir de ses gonds. Il laissa passer un long moment, avant de dire calmement :

— « Vous êtes en colère.

— Non.

— Emma, ce sentiment que vous ressentez et qui vous pousse à faire les cent pas, cela s'appelle de la colère.

— Je ne suis pas en colère. Je ne suis pas comme Neal. Neal... Neal était toujours en colère. Et quand il était encore plus en colère que d'habitude, il... Il me faisait mal. »

« Il me faisait mal. » Archie détestait lorsque la jeune femme blonde employait cette expression. Elle avait, en effet, énormément de difficultés à réaliser que son ex-mari ne lui avait fait que du « mal ». Bien que le thérapeute tentât constamment de lui montrer combien c'était absurde, elle trouvait normales une partie des tortures qu'elle avait subies, à la fois parce qu'enfant elle n'avait connu que des familles maltraitantes qui lui avaient fait croire que c'était comme cela que se passaient les choses, à la fois parce qu'elle considérait qu'elle méritait ces sévices : si ses parents l'avaient abandonnée, c'était sûrement parce qu'elle était quelqu'un d'horrible et que, de ce fait, elle méritait de souffrir.

Un amour éternelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant