Chapitre 21

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Neal regarda le corps s'enfoncer dans l'océan nocturne. Ou plutôt, une partie du corps, car il avait dû le découper en plusieurs morceaux. Il avait loué un bateau pour quarante-huit heures, avait attendu la nuit pour jeter, dans divers endroits de l'immensité aquatique, les différents membres du cadavre.

Il ne comprenait pas pourquoi cette rombière avait résisté. Ce qu'il lui demandait n'était pourtant pas bien compliqué : il voulait juste obtenir l'adresse de sa femme. Peu lui importait que celle-ci ait disparu depuis cinq ans ou qu'il ait été incapable de la retrouver. Emma était son épouse. Elle avait beau lui avoir fait parvenir un acte de divorce, ainsi qu'une injonction d'éloignement, Emma était sa femme et elle le resterait pour toujours. Il n'en avait rien à foutre de la législation qui autorisait un conjoint à divorcer sans avoir eu l'aval de l'autre.

Il avait cru, lorsqu'il avait reçu à son bureau l'avis de « dissolution de mariage », faire une crise cardiaque. Il avait immédiatement voulu se précipiter chez le magistrat responsable, avant de découvrir qu'à part des séries de chiffres, il n'y avait aucune information à propos de celui qui était à l'origine de ce jugement inique. Il avait dû demander quelques jours de congé, que son chef lui avait accordés sans difficulté, croyant que la femme de son subordonné avait encore un souci de santé.

Il était rentré chez lui à toute vitesse, utilisant sans vergogne le gyrophare d'urgence. Une fois arrivé, il avait pris sa batte de base-ball, avait fracassé en miettes infimes le placard de sa femme tout en hurlant de rage. Lorsqu'il fut un peu calmé, il avait réfléchi intensément, refusant de noyer son chagrin dans l'alcool comme il en avait l'habitude. Il tremblait tant, de toutes manières, qu'il se sentait incapable de tenir un verre ou une bouteille. Il avait fini par se souvenir de ce collègue qui venait de divorcer et qui remerciait l'avocat grâce auquel il avait ruiné sa femme.

Il s'était donc rendu chez un juriste spécialisé dans les affaires familiales. Il en avait choisi un qu'il ne connaissait pas mais dont le sérieux était avéré, afin que nul ne sache les soucis auxquels il se heurtait. Celui-ci lui avait expliqué qu'il n'y avait aucun recours possible : c'était le droit de tout individu de disposer de son avenir comme il l'entendait, ce qui signifiait que l'on pouvait divorcer sans avoir besoin d'obtenir l'accord de l'autre. Cette législation était valable dans les cinquante États étasuniens et il n'existait aucun moyen de faire appel.

Par ailleurs, la dissolution du mariage ayant déjà été validée par un juge, nul retour en arrière n'était possible, d'autant plus que son ex-conjointe renonçait à tout partage financier, ne souhaitant conserver que ce qu'elle possédait avant son mariage, en l'occurrence : rien. C'était faux, Neal le savait. Il y avait un héritage qui attendait Emma quelque part, mais comme celle-ci l'ignorait, la fortune de son épouse se résumait effectivement à « rien ».

Il hésita avant de suggérer la possibilité d'un legs inconnu pouvant remettre en cause le divorce. Il ne comprit pas vraiment le regard glacial de l'avocat, qui déclara que si le policier avait réellement caché à son ex-épouse un patrimoine auquel celle-ci avait droit, cela relevait de la spoliation de biens, ce qui était punissable par la loi et serait une preuve supplémentaire de sévices subis.

L'injonction d'éloignement, quant à elle, s'expliquait par le fait que des preuves de maltraitances avaient été fournies. Des preuves convaincantes, ce qui signifiait qu'elles avaient été confirmées par divers experts. L'injonction étant internationale, ces preuves devaient être sacrément concluantes. C'était la raison pour laquelle il était impossible que le policier puisse d'obtenir les coordonnées de la personne ayant prononcé la dissolution, encore moins celles d'Emma.

Le juriste lui avait conseillé de laisser tomber, certifiant qu'il n'existait aucun moyen pour lui de retrouver sa femme, que tenter quoi que ce soit serait enfreindre la loi et le conduirait directement en prison car tout avait été fait dans les règles de l'art. Il était même rarissime qu'un jugement soit autant inattaquable.

Un amour éternelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant