Chapitre 7

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Emma, à travers la fenêtre, vit son voisin marcher vers sa maison. Elle sortit pour l'accueillir. L'orage de la veille s'était totalement dissipé, laissant place à un soleil de moins en moins timide au fur et à mesure de la matinée. Tous deux s'étaient rapprochés depuis le barbecue où il l'avait invitée. Elle ne pouvait pas vraiment dire qu'elle avait confiance en lui, — simplement parce qu'elle n'était pas sûre de pouvoir avoir encore confiance dans les êtres humains, ou de savoir comment faire confiance —, mais elle n'avait plus peur de lui, plus peur qu'il l'envahisse ou lui demande des choses qu'elle ne souhaitait pas lui offrir.

Il lui avait longtemps parlé de son passé ce soir-là, de cette femme qui lui avait tant donné et qu'il avait tant aimée. De cette tristesse infinie qui l'étouffait parce qu'il ne pouvait plus voir celle-ci. Elle n'avait pas réellement compris pourquoi ils s'étaient séparés. Il n'avait pas été très explicite à ce propos, disant juste que c'était la vie. Le fait, cependant, qu'il se confie si longuement à elle sans rien exiger en retour, lui avait permis de réaliser que le jeune homme n'était pas un danger pour elle. Celui-ci semblait uniquement souhaiter une relation de bon voisinage, mâtinée d'un soupçon d'amitié. Il était ainsi venu parfois pour discuter avec elle, à peine le temps de boire un café, sans jamais tenter de rompre ses barrières, sans avoir de gestes ou de propos déplacés.

Lorsqu'il s'arrêta devant les marches, ces marches qu'il ne franchissait jamais, comme s'il savait qu'elle ne voulait pas le laisser entrer à l'intérieur, elle lui adressa un sourire :
— « Bonjour Daniel.
— Bonjour Emma ». Il la regarda un moment avant d'ajouter : Es-tu sûre que ça va ?
— Oui.
— Tu sembles un peu triste. Tu sais que tu peux tout me dire, n'est-ce pas ? »

Le jeune homme, sans qu'elle comprît de quelle manière, semblait souvent deviner ses états d'âme. Elle hésita. Elle ne pouvait, en réalité, ignorer le fait qu'il s'était amplement confié à elle trois semaines auparavant, se mettant entièrement à nu. Il n'était passé que deux fois depuis. Ce fut, par un curieux hasard, à chaque fois alors qu'elle se sentait particulièrement déprimée. Contrairement à son habitude, il n'avait pas posé de questions, se contentant de l'égayer en lui contant maintes anecdotes légères sur Storybrooke. Elle sentait, cependant, qu'il aurait bien aimé qu'elle lui parlât un peu d'elle. Mais elle ne pouvait pas. Elle était absolument incapable de lui raconter son passé. Elle avait néanmoins conscience qu'il fallait qu'elle lui offrît quelque chose en échange, ne serait-ce qu'une bribe.

Elle finit, après une dernière hésitation, par se lancer :
— « Je crois que j'ai besoin d'un avis.
— Tu peux me demander ce que tu veux.
— Je pensais à une amie que j'avais dans le temps. J'ignorais, à ce moment-là, qu'elle menait une si atroce vie de couple. Son mari la battait et elle ne pouvait en parler à quiconque. Au début, elle l'avait menacé de le quitter si cela se reproduisait. Il lui jura donc de ne plus lever la main sur elle. Mon amie le crut. Malheureusement, cela n'a fait qu'empirer. Il la battait lorsque le dîner avait refroidi, lorsqu'elle racontait être passée chez un voisin. Un soir, son mari l'a violemment poussée dans un miroir. »

Emma regardait le sol fixement, tout en cherchant ses mots : « Il s'excusait toujours, allant parfois jusqu'à fondre en larmes, à cause des bleus qu'il lui laissait sur les bras, les jambes ou le dos. Il affirmait avoir honte de ses actes. Elle a essayé de changer. Elle a fait des tas d'efforts pour tenter d'être une meilleure épouse, selon ses critères à lui, de faire tout ce qu'il souhaitait. Ce n'était pourtant jamais assez. Lorsqu'ils s'étaient rencontrés, il avait été tellement adorable avec elle. Elle avait pensé à cette époque que, grâce à lui, elle avait trouvé une famille. Un jour, cependant, elle s'est enfuie. »

Elle sentit des larmes perler sur ses cils. Elle les empêcha de couler, un talent qu'elle avait dû développer ces dernières années. Daniel la regardait sans faire le moindre geste.
— « Ton amie a fait preuve d'un énorme courage, finit-il par dire.
— Non, protesta-t-elle. Mon amie était perpétuellement effrayée.
— C'est cela, le courage. Le fait qu'elle ait su dépasser ses peurs pour fuir son mari. J'admire ce qu'elle a fait », ajouta-t-il doucement, mais fermement.

Un amour éternelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant