Chapitre 22

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Emma s'était écroulée à même le carrelage dans l'entrée de sa maison, tout à la fois trempée et couverte de boue. À plusieurs reprises sur le chemin plein d'eau, elle était tombée aveuglée par ses sanglots, à moins qu'il ne s'agisse de sa douleur, de l'orage, de la nuit, elle ne savait plus. Elle avait cessé de savoir dès l'instant où elle avait jeté les clefs sur le sol, dès l'instant où elle avait quitté Regina, dès l'instant où elle avait blessé cette femme si extraordinaire à cause d'un passé qui n'aurait jamais dû concerner cette dernière.

Enferrée dans des larmes sans fin, dont la pluie battante se faisait un écho, l'orpheline n'avait pas pris la peine de fermer la porte, qu'elle avait mis un temps fou à ouvrir, ses mains ne cessant de trembler Coucou , de peur ou de froid, peu importait. Neal arriverait incessamment, la punirait en la violant durement et elle était quasiment certaine que la séance se terminerait par des cigarettes qu'il s'amuserait à allumer afin de les éteindre sur sa peau. Il chercherait à savoir pour Regina, Regina et les enfants, mais elle préférait mourir plutôt que de les trahir.

Elle n'était même pas sûre de pouvoir revivre de telles tortures, de pouvoir les supporter, de pouvoir en faire abstraction, pas après ce qu'elle avait vécu ces dernières années, pas après le bonheur qu'elle avait découvert, pas après toute la tendresse que lui offrait Regina. C'était la seule, dorénavant, qui pouvait la toucher : plus jamais elle ne voulait que Neal s'approchât d'elle, plus jamais elle ne voulait qu'il la salisse encore et encore.

Elle savait qu'il n'y avait qu'un seul moyen pour qu'elle lui échappât, qu'un seul moyen de protéger ceux qu'elle considérait, à part Marco, comme l'unique famille qu'elle eût connue. Elle y avait souvent pensé, ne s'y était jamais résignée parce qu'elle ne voulait pas que Neal gagnât, et lorsqu'elle avait rencontré sa reine, elle y avait renoncé car ce qu'elle vivait avec celle-ci était si inespéré qu'elle avait toujours l'impression de vivre un rêve éveillé.

Mais maintenant, c'était la seule solution. Une solution singulière où son tortionnaire perdrait définitivement. Elle renoncerait également. Ce serait néanmoins une petite perte puisque Neal serait sans rien et que sa famille serait protégée.

Ce ne serait pas évident pour eux, elle le savait, mais Regina était forte, elle l'avait déjà vécu, et cette femme remarquable recommencerait parce que c'était ce qu'il fallait faire pour ses enfants. L'une des choses qu'elle admirait le plus chez l'amour de sa vie était le sens du devoir de la militaire, cette manière qu'avait celle-ci de faire pour les autres ce qu'elle estimait être juste, même si c'était difficile.

L'orpheline sut qu'il s'agissait de la bonne solution lorsque ses larmes se tarirent. L'orage hurlait de colère autour d'elle, cependant elle n'avait pas peur, elle n'avait plus peur. Elle eut du mal à se relever, autant à cause de son épuisement qu'à cause du sol glissant, la pluie ayant envahi son entrée. Elle dut s'accrocher aux murs pour atteindre la cuisine, hésita longuement tandis que des éclairs sombres illuminaient par à-coups la pièce, trouva enfin le cutter sur lequel elle engagea une lame neuve.

Elle ne trouva pas la force d'aller dans la salle de bain. Sans Regina, ce n'était pas vraiment le lieu qu'elle préférait. Elle s'appuya un instant sur la table de la cuisine, cherchant à rassembler ses idées, de plus en plus frigorifiée. Il ne fallait pas que le sang coagulât, aussi revint-elle péniblement dans l'entrée où la pluie pénétrait toujours.

Elle se laissa chuter sur le sol gorgé d'eau. Paradoxalement, les cris amers du tonnerre, les tambours rauques de la pluie, les rigoles qui pénétraient l'entrée, toute cette furie bruyante la rassurait, la confortait dans sa décision.

Lorsqu'elle entailla la veine de son poignet gauche dans le sens de la longueur, elle entendit dans un écho du passé le rire moqueur de Neal : au début de leur mariage, à l'époque où il ne quittait jamais la maison sans l'attacher aux barreaux du lit, elle avait réussi à subtiliser un couteau. Elle avait passé la journée à charcuter son bras.
— « Pauvre cloche, avait-il dit lors de son retour, c'est dans la longueur qu'il faut couper si tu désires vraiment mourir. Je suis touché néanmoins que mon absence t'attriste, aussi ta punition sera-t-elle légère. »

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⏰ Dernière mise à jour : Jul 25, 2018 ⏰

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