Chapitre 24.

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Nous descendons encore plus bas, le noir est opaque dans certains couloirs, ça m'effraye. Seuls les néons nous éclairent, faible clarté dans un amas de couloirs qui semblent tous se ressembler. La réalité est difforme, j'ai la tête qui tourne, je ne me sens pas bien. Je chancelle.

-Ça va ?

Linda me tient par la taille, contre elle, le visage inquiet, les yeux bouffis. Elle a encore pleuré. Un élan de compassion me saisit, venu de nul part.

-Oui... je suis un peu fatigué, je bredouille.

On se redresse et s'avance, suivant le groupe face à nous. Quelques enfants se charrient entre eux, Arkin garde un oeil sur nous, bien que la fatigue tire ses traits. Qu'il est éprouvant pour moi de l'observer dans un tel état et de me dire que j'en suis la cause... C'est comme lorsque nous étions enfants.

Grégor tient Kaleb tout contre lui, on pourrait presque penser qu'il s'agit de son fils, s'il n'y avait pas la différence de nature qui leur incombe une responsabilité évidente à tous deux.

-Tu crois qu'on va bien manger ? Je demande, distraite par un rayon qui se placarde contre ma rétine.

Le moindre élément de lumière me parait plus éprouvant qu'il ne l'est réellement.

-J'essaye de ne pas l'espérer, me dit Linda, un sourire en coin.

Est-elle gentille avec moi parce que je suis dans le corps de sa soeur, et que par conséquent... je lui fais penser à elle d'une façon saugrenue, ou bien est-ce de la pure gentillesse ? Cela engendre trop de question dans ma tête, le physique m'apparaissait comme le plus important, porteur de toutes les dynamiques qui nous entoure, de toutes situations qui survenait. Maintenant, je ne sais plus trop quoi en penser.

-Les enfants, calmez-vous, lance Yémi lorsqu'ils gesticulent autour de lui pour lui demander de leur montrer ses longues canines de vampire.

Un sentiment de malaise alarmant me saisit maintenant. Une image d'Arkin, face à moi, dans la nuit, les yeux comme deux volcans en éruption, une main tendue, une main meurtrière qui m'avait promis sécurité. Et cette peur, ce sentiment d'urgence, de fuite, cet instinct qui me pousse à me terrer, me cacher de ce qui me terrifie. Cet être, face à moi... mais quand ai-je vécu cette scène...? Quand l'ai-je vu dans un tel état...? C'est Isil.

Linda me saisit par le bras d'une telle violence, que je parviens, sans même qu'elle ne le sache, à refaire surface. Je me concentre sur les bruits alentours. Être à l'intérieur, enfermée, prisonnière... ça, c'est ce qui me terrifie le plus.

-Tout va bien ?

Je hoche la tête, puis la secoue pour reprendre mes esprits.

-J'ai faim, ça fait un moment maintenant que je n'ai rien mangé.

-C'est vrai, elle rit à nouveau faiblement, je ne l'avais jamais vu aussi maigre depuis... enfin bref, ça remonte, elle hache en avançant maintenant plus rapidement, me laissant au soin d'une Aedel qui n'a pas l'air totalement impliquée dans cette histoire.

-Tu blesses Arkin à un tel point, que sa douleur me semble plus visible qu'elle ne l'est d'habitude, elle me dit, le visage impassible. Je sais que tu la vois, toi aussi... cette couleur...

Je pose mes yeux sur lui, et l'abominable réalité s'offre à moi sous des nuances de bleu de larme, et de rouge sang dégoulinant, aux aspérités teintées de cuivre et de rouille; et elle le ronge à moitié, prête à le détruire, l'abattre le jour où il n'en pourra plus.

-Je n'avais jamais vu quelqu'un avec autant de persévérance qu'il en a, elle me dit.

Je me tais, silencieuse, observant seulement.

You are mine, Human - Welcome to Hell (T2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant