Chapitre 9.

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[Musique en média !]

Tous les regards, maintenant, dans le calme seulement déchiré par les hurlements de Miranda, se tournent vers Aerin, dont les yeux blancs ne témoignent d'aucune expression quelle qu'elle soit. Elle fait doucement glisser sa main vers Miranda, la pointant d'un doigt tremblant, puis tout à coup, elle ouvre la bouche, et la pièce plonge des degrés en dessous de la normale. De la buée s'échappe de chaque expiration, le givre s'étale sur le sol, jusqu'aux barres du lit. Des cristaux de glace se détachent de la peau d'Aerin, et je suis saisi d'un désarroi si brutal, que je me fais violence pour ne pas l'attraper par le col et lui foutre mon poing dans la tronche. Au lieu de ça, je la laisse confirmer mes soupçons, lorsque délicatement, ses cheveux blancs, dès la racine, teintent ses boucles d'un roux de feu, que sa peau pâle se couvre d'un fine couche de peau légèrement tiraillé de rougeurs, et de taches de rousseurs aux alentours de son nez droit, et que je retrouve peu à peu la jeune sorcière inexpérimentée que j'avais rencontré des décennies avant. Ses yeux blancs, dans un dernier instant, révèlent leur hétérochromie évidente, d'un bleu aussi profond que l'océan, et d'un marron terre, tacheté de lambeaux verts émeraude.

Puis le silence retombe dans la pièce, et je jette un regard aux alentours, tous ne comprenant rien à la situation. 

-Tu as menti, j'articule doucement, ayant atteint le comble de ma patience face à cette histoire idiote, et sens dessus-dessous. 

-Je ne t'ai pas menti, j'ai tenté de me sacrifier pour sauver les miens, elle dit calmement, balançant ses cheveux bouclés derrière ses épaules, tentant le tout pour tout de garder une fière allure.

C'est comme si les tambours dans mes oreilles se révélaient réels, et que petit à petit je sentais la tension monter crescendo dans tout mon être. Mes muscles se tendent violemment, et je m'élance vers elle, aussitôt retenu par Zakary. 

-TU M'AS MENTI ! Je vocifère à nouveau, alors qu'elle recule, horrifiée cette fois-ci. 

Derrière moi, j'entends Miranda rire de plus belle en comprenant la situation, et Linda fronce les sourcils, totalement ignorante de l'ignoble situation. 

-Elle ne s'appelle pas Aerin, je lui dis, dépitée, c'est Aedel. Sorcière du Givre, découverte il y a des décennies. La dernière de sa lignée. 

Mon regard échoue sur le sol, alors que les derniers vestiges d'un espoir miraculeux s'estompent dans mon esprit. 

-On a eu une liaison, j'avoue à Linda sans la regarder dans les yeux, et... elle n'y connaît rien en nécromancie. 

Peu à peu, j'ose relever le regard, et j'aperçois Linda se renfrogner, ou être totalement passive, puis regarder tout autour d'elle, semblant n'avoir aucune idée de la démarche à suivre quant à l'information que j'ai fini de lui révéler. 

-Oh, elle murmure, brisée.

Elle regarde Aedel, puis Miranda qui ne cesse de s'esclaffer, et hurler, puis rire à nouveau, se tordant en deux sur le lit. 

-C'est ton défaut Arkin, elle dit en se calmant peu à peu, tu manques toujours d'informations, et tu fais si peu attention à tes précédentes conquêtes. 

La rage présent en moi se tasse sous un sentiment plus puissant encore, plus impérieux dans mon esprit, et maître de mon corps, me faisant chuter sous mon poids devenu frêle dans la seconde, me faisant paraître faible : la déchéance de ce qu'il me reste d'amour pour Isil. 

J'ai peur, peur que son idée disparaisse de ma tête, que sa voix, sa gentillesse, sa douceur ne se révèle plus qu'une chimère créé à partir de mes espérances. Peur que dans ma tête, elle ne se révèle n'avoir été qu'un fantôme flottant, impalpable. Peur, ou qu'elle reste ancrée dans mon esprit, ou justement qu'elle n'y disparaisse. 

-Zakary, je murmure, aides-moi...

Je n'y parviens plus. Cette bataille ne me reviendra jamais, pourtant j'ai l'impression que c'est bien la seul qui vaille la peine d'essayer. 

-Lèves-toi, il m'ordonne. 

Je finis de m'exécuter maladroitement, dans le vide totale, dans absence de conscience de mon être entier mouvant sous l'injonction d'un autre. Je le suis, sans mot dire jusque dans les escaliers, que nous finissons par dévaler. La soirée est tombée depuis bien longtemps, aussi, les lampadaires sont allumés dehors, mais je n'y fais plus attention lorsque je foule la terre or au sol, réveillant des nuages de poussière. 





L'instant d'après, je suis à nouveau dans un bordel où trois femmes sont agglutinés près de moi. Ivre, je ne suis même plus l'auteur des gestes que j'effectue, arbitraires, non plus précis. Fruit d'un désarroi, ou d'une arrogance que je mets sur le comble d'un manque d'autorité sur une personne que j'estime avoir les pleins pouvoir, en cet instant : Miranda. 

Actrice principale, et spectateur par la même occasion, de mon mal-être évident, et de ma faiblesse dont elle s'amuse.

-Tu as laissé passer plein de femme durant des milliers d'années, alors que se passe-t-il maintenant ?

-Je l'aime, je répond simplement, honnête, lassé des mensonges. 

-C'est stupide de tomber amoureux d'une mortelle, il me dit calmement. 

-Tu es stupide de penser ça, je répond en me redressant. Et puis, quand bien même, tu sais, c'est pas faux ce qu'on dit, l'amour te tombe dessus comme ça. Mais, je pense pas qu'il tombe, je pense plutôt qu'il t'écrase et que t'en ressors jamais vraiment le même. 

-Arrête de te la jouer philosophe, Arkin, il me coupe d'un ton péremptoire, tu sais que je te connais mieux que n'importe qui. Je sais pourquoi c'est d'elle que tu es tombé amoureux. 

Ma mine se décompose, et je lui adresse un regard si noir, qu'il finit par baisser les yeux. 

-Personne ne doit savoir, je lui ordonne en me relevant, époussetant mes habits, laissant tomber au sol la jeune femme assise sur mes genoux, que je n'ai eu aucun plaisir à vider de son sang. Je tourne les talons, puis sort de la petite pièce en passant devant les nombreuses autre portes où des vampires s'adonnent à la même pratique que nous. La Transylvanie est traversé de plus de vampire que je ne le pensais. Eux ne sont là que pour la protection, ils se fichent bien de ce qu'il se passe dehors. Jamais ils ne nous attaquerons. Ils ont une tête bien différente et cette marque étrange sur la main. Comme s'il faisait partie d'une organisation. 

Le sang nous rendant euphorique, c'est bien l'endroit le plus vulnérable ou l'on aurait pu me trouver. J'accélère, quand soudain, un rire me hérisse les poils, déjà à l'affût. Je rebrousse chemin discrètement jusqu'à la porte jaune précédente dans laquelle j'aperçois, avec étonnement, Linda, nue, dans les bras d'une jeune femme pulpeuse à la crinière ébène, couverte de sang, blême, en pleine agonie, peut-être même au bord de la mort. Toutes deux se frottent de façon lascive l'une à l'autre, Linda ayant la tête dans les nuages, alors que la musique se répercute, presque visible, contre les murs d'un noir profond. Leur gémissements, inaudibles pourtant, me parviennent, et je reste hypnotisée face à une scène pourtant si banale pour moi. C'est juste que, voir Linda, dans cette position, voir cette personne en particulier qui a partagé les débuts d'années avec Isil, me rend malade de jalousie. Que de me dire que lorsque tout allait bien, elles n'ont été que deux. Qu'Isil l'a touché, fraternellement, l'a regardé. Linda véhicule cette idée là qu'Isil persiste dans mes pensées, quand bien même elle n'est là que par même occasion que moi, car elle a mal. 

Je ne saurais situer ce mal en nous, pourtant il est là. Les monstres aussi ont mal, n'est-ce pas ? Ou n'est, aussi, qu'un subterfuge fou découlant de mon délire d'être normal. Il suffit de mettre des mots là où rien n'existe et tout le monde y croit sans même en avoir été témoin. Pourrais-je me persuader que tout va mal, alors que tout ce qui me manque peut-être n'est-ce que ma nourriture ?

Soudain, Linda lève le regard vers moi sans pour autant arrêter son ballet, puis ses sourcils se froncent, avant qu'elle n'éclate en sanglot tandis que je ferme la porte. 

Tout me ramène à Isil.

You are mine, Human - Welcome to Hell (T2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant