Chapitre 1.

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Les jours se suivent et se ressemblent, les entraînements se poursuivent. J'ai ce goût amer dans la bouche qui persiste.

La routine s'est installée, une routine infernale et dans laquelle je ne veux pas vivre. J'ai même perdu le goût de vivre. C'est stupide de dire ça, en plusieurs décennies, une simple mortelle a réussi à chambouler toute mon existence.

Une seule.

C'est ça l'amour ?

Comment mon frère a-t-il pu me pardonner ?

- Arkin, réveilles-toi.

Je relève le regard sur Zakary. Lui adresse un sourire sarcastique, puis me lève de table.

- Ça me va. On lève le camps à l'aube, on marche vers le Nord sans s'arrêter. Ça grouille de vampire dehors alors si on s'arrête, c'est en express pour que miss Monde s'endorme un maximum de quatre heures par nuit — Miranda me lance un regard de travers en évaluant ses ongles. Constanta, ça ne me réussissait pas de toute façon, on évite les grandes villes de type Bucarest et Braşov, on longe les petites routes on reste couverts, on ne se sépare pas et on tient la marche. On rejoint la Transylvanie aussi vite que l'on peut, on a pas de temps à perdre.

Tous se taisent, acquiesçant en silence, mais c'était trop beau pour que la pimbêche n'ouvre pas la bouche.

- Euh, j'ai une objection à faire.

- On en a rien à foutre, enchaînais-je du tac au tac.

Elle me lâche un sourire de complaisance, et mes tremblements me surprennent. Putain que donnerais-je pour revoir Isil me sourire de cette façon.

- Je ne peux pas dormir moins de quatre heures. Je suis humaine, je suis une mortelle. Je ne tiendrai jamais le coup si à chaque fois que je dois me battre mon corps lâche prise et s'écroule par manque de sommeil.

Mon cerveau analyse rapidement tout ce qu'elle me dit. Isil était parvenue à ne pas dormir durant deux jours, et je n'avais même pas fait attention à sa fatigue. Elle avait cette capacité à dissimuler ce qu'elle voulait, à l'exception de toutes ces petites secousses qui remuaient son corps et me faisait comprendre, à chaque fois, ce qu'elle ressentait.

- Quatre heures et demi, achevais-je en détalant.

Le brise caresse doucement mes cheveux, alors que des nuages gris approchent. Nous devrons déguerpir dans moins de dix heures, et pourtant je n'ai envie de quitter cet endroit pour rien au monde. C'était trop beau pour être vrai. Vivre ici, en sécurité. C'était un songe qui ne m'était pourtant jamais apparu : vivre en sécurité. Je ne me sentais pas vivant, lorsque j'étais en sécurité. Je me sentais vivant en danger, lorsque les frissons parcouraient mon échine, et que je semais la mort. Il n'y a que comme cela que l'on me foutait la paix.

Je me rappelle ma rencontre avec Isil. Si elle savait que ce soir là, je ne comptais faire qu'une bouchée de son corps grelotant, après ce qu'il s'était passé avant mon arrivée en ville. Si elle savait que j'étais censé la vider intégralement, la laisser mourir dans le froid.

Je me souviens, son regard terrorisé apparaît sous mes paupières. Ses tremblements répondent aux miens, son souffle, ses battements de coeur.

Je perds la raison.

J'ai besoin d'un souvenir plus vivace, j'ai besoin d'un souvenir où je l'ai senti vivre sous la paume de ma main. Un souvenir où elle m'a aimé au point d'en mourir. J'ai besoin de la sentir une nouvelle fois.

Elle n'a rien de différent des autres mortels, je lis dans ses pensées, comme les autres. Je l'hypnotise comme les autres. Elle ne peut rien me cacher comme les autres. Il y a juste son sang qui auraient pu m'importer. Mais elle a pourtant quelque chose, pas en plus, mais en trop. Elle a quelque chose, pas que les gens n'ont pas, mais qu'ils n'ont jamais eu et n'auront jamais. Elle est quelqu'un que je ne retrouverai jamais dans la foule, peu importe le temps que j'accorderai à cette recherche.

Et elle était entièrement mienne.

Arkin !

Pitié, laissez-moi du répit. Je pourrais en chialer tellement je suis à bout. Cette voix, cette torture, je me l'inflige seul.

Je veux lui parler. C'est sa voix que je veux entendre, pas celle de Miranda. De l'amour que je veux voir dans ses yeux, pas du dédain.

À l'aide.

- Eh bien, on joue les solitaires ?

Pas besoin d'ouvrir les yeux pour deviner Miranda penchée vers moi, sa bouche près de mon oreille. J'étais si perdu dans mes pensées que je ne l'ai même pas entendu arriver.

Son odeur...

- C'est mieux que de t'avoir dans les parages, répondis-je en frottant mon pouce à mon index.

Tic nerveux que j'ai développé depuis la ''disparition'' d'Isil.

- C'est méchant, chouine-t-elle en s'asseyant bruyamment à mes côtés.

Elle semble bien disposée à faire de ma vie un cauchemar.

- Pourquoi tu continues à nous suivre ? Lui demandais-je, tu pourrais tout aussi bien foutre le camp, ça en réjouirai plus d'un.

Elle replace une longue mèche derrière son oreille, et je sens mon esprit s'évader vers cette sensation que j'avais, de mettre la main dans ses cheveux, ne serait-ce que pour replacer cette longue mèche rebelle dans son ensemble.

Je l'aime putain.

- Alors je pourrais fuir avec le corps de cette jolie mortelle ? Tu me laisserais ?

- Sûrement pas.

Elle rit. Elle rit et ça me déchire le cœur.

- Logan m'a très clairement fait comprendre qu'à l'aide de son odorat de chien il me retrouverait, puis me déchiquetterait en morceaux si je tentais la ''Grande évasion''. Et puis, où est-ce que j'irai ? Ma famille habite en Russie.

Son sourire en coin me fait tressaillir, car il témoigne de l'absence totale d'une quelconque part de l'esprit d'Isil. Sa sournoiserie, son vice, et sa méchanceté son autant de côté dont Isil n'a jamais témoigné. Là ou Miranda est un véritable char d'assaut, Isil est une lame aiguisée et tranchante.

Là où Miranda est une mauvaise herbe, Isil est un cactus.

Une jolie fleur de cactus.

Que j'ai mis du temps à faire fleurir.

- Et il a bien raison, dis-je, en sentant quelques gouttes commencer à tomber. Tu ne te souviens pas d'où tu es apparue ?

Elle tourne un regard tout à fait incrédule vers moi.

- Apparue ?

- D'où on a pêché ton âme pour la planter dans ce corps. Tu ne te souviens de rien du tout avant de t'être réveillée à l'intérieur ? Finis-je en désignant la maison.

- Rien. Quelques bribes, mais rien de...

Ni une ni deux, en comprenant qu'elle ment, je la saisis par le poignet pour la tourner vers moi, en usant d'hypnose pour lui arracher ces informations vitale à mon bon sens.

- Dis moi tout ce dont tu te souviens avant ton réveil.

Sa pupille se dilate, fond dans la mienne.

- Il y a une clairière, à quelques kilomètres d'ici, c'est là-bas que je me suis réveillée en premier. Elle est tenue par des sorcières qui pratiquent la magie noire, puis je me suis réveillée ici.

Je lui sers si fort le poignet que je pourrais le lui briser. Alors il s'agit du résultat d'un sort ? J'aurais dû m'en douter putain, c'était gros comme une maison.

- Tu vas m'y emmener.

You are mine, Human - Welcome to Hell (T2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant